Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bouddhisme (suite)

kegon-shū

La « doctrine de l’argumentation fleurie » (kegon-shū) traite surtout de l’état non conditionné des choses, toute chose provenant, selon elle, de la nature absolue de la bhūtatathāta, « Nature absolue » ou encore « Nature du Bouddha ». Elle fut fondée en Chine par Fazhun (Fa-tchouen [557-640]) sur le texte de l’Avataṃṣaka sūtra (Kegon-kyō). La secte kegon japonaise, quant à elle, se fonde sur une traduction du Daśabhūmivibhāṣaśāstra (Jūjibibasharon, « Śastra de l’explication en dix parties »). Elle fut introduite au Japon en 736 par le moine Dōsen (703-762), un maître chinois de l’école de Discipline (vinaya), bien qu’une tradition assure que ce fut par Bodhisena, un brahmane indien.

Les doctrines philosophiques de ces six sectes ou écoles, très ardues, ne furent vraisemblablement comprises, en dehors du milieu des moines, que par quelques personnes appartenant à l’aristocratie japonaise ; le peuple, il va de soi, se sentait étranger à leurs spéculations. Certaines notions, cependant, indépendantes des doctrines purement philosophiques, s’imposèrent à lui, comme celle de la rétribution des actes par la loi nécessaire de cause (in) à effet (ka), « la cause et l’effet n’étant pas séparables », ainsi que celle de la croyance en la puissance salvatrice des divinités, principalement de celle des grands bouddhas (Tathāgata, Nyorai en japonais) et des grands saints qui ont renoncé à l’état de bouddha pour aider l’humanité, les bodhisattvas (bosatsu).


Le bouddhisme de l’époque de Heian (794-1185)

Lors de l’établissement de la nouvelle capitale de Heian-kyō (Kyōto) en 794, l’empereur Kammu, désirant peut-être s’affranchir de la pression qu’exerçaient sur la politique les moines de Nara, prit des mesures énergiques afin de limiter la prolifération des temples et des religieux. Afin de rénover le bouddhisme japonais et de le divulguer plus largement parmi les laïcs (le bouddhisme de Nara était surtout un bouddhisme de moines), il envoya en Chine des religieux dissidents pour y rechercher de nouvelles doctrines. En 805, Saichō (de son nom posthume Dengyō Daishi [767-822]) revenait du mont Tiantai (T’ien-t’ai), en Chine, et fondait au Japon, sur le mont Hiei (où il avait, avant son départ, érigé un ermitage dont le dessein était de protéger la nouvelle capitale des mauvaises influences du Nord-Est), avec le patronage de la Cour, un monastère où il enseigna les doctrines de la secte du tendai (du nom japonisé de la montagne chinoise où il avait étudié). Un autre moine, Kūkai (de son nom posthume Kōbō Daishi [774-835]), revenu un an après, rapportait, lui aussi, les éléments doctrinaux d’une autre secte chinoise, celle du shenyan (ou chen-yen, shingon en japonais).

Dix ans plus tard, il fondait sur le mont Kōya, au sud de Nara, une secte du bouddhisme ésotérique (mikkyō) dite « du mantra », ou « de la Vraie Parole » (shingon). Le bouddhisme des écoles de Nara, sans être abandonné, fut, cependant, obligé de céder progressivement la place aux deux nouvelles sectes qui, en marge de leur enseignement, prônaient le syncrétisme partiel du bouddhisme avec le rituel et les croyances du shintō. La divinité solaire shintō, le kami Amaterasu Ōmikami, ancêtre de la famille impériale du Japon, fut alors identifiée avec le grand bouddha solaire de Lumière et de Vérité Mahāvairocana (Dainichi Nyorai), et les autres divinités du shintō furent considérées comme étant des « incarnations temporaires » ou « descentes » (gongen) des divinités bouddhiques. Le peuple était ainsi mis plus à même de se familiariser avec le bouddhisme. Alors que le syncrétisme shintō-bouddhique du shingon prit le nom de « ryōbu-shintō », ou « shintō des deux parties de l’univers », celui de la secte tendai fut nommé « ichijitsu-shintō » ou « shintō de l’Unique Vérité ».

Cependant, les doctrines des deux sectes étaient encore trop hermétiques pour la plupart des gens du commun. Il s’ensuivit une réaction tendant à faire du bouddhisme une religion plus simple encore et praticable par tous, fondée sur l’adoration seule et qui était susceptible d’offrir une possibilité de salut même aux plus déshérités des hommes : ce fut l’amidisme, du nom du bouddha Amida (Amitābha). Cette nouvelle religion, issue du bouddhisme traditionnel, fut tout d’abord préconisée par un moine de la secte du tendai, Genshin ou Eshin (942-1017), puis prêchée par d’autres, comme Kūya Shōnin. Le bouddhisme de la période de Heian se partagea dès lors entre ces trois tendances, les deux premières mettant l’accent sur l’ascèse, la méditation et le mysticisme ésotérique, la dernière ouvrant à tous l’accès facile au paradis d’Amida. La croyance au mappō, ou « période finale de la Bonne Loi », qui, selon les interprétations des données de certains sūtra, devait marquer la troisième période d’un cycle bouddhique débutant en 1052 et qui prédisait pour cette date désordres et calamités en grand nombre, fit que beaucoup de dévots se vouèrent à l’adoration d’Amida, seul réputé capable de les sauver dès cette vie-ci et de leur apporter en son Paradis de la Terre pure (jōdo) la paix et la félicité éternelles.


tendai-shū

Tirant son nom de la montagne Tian tai (T’ien-t’ai), en Chine, où elle avait pris naissance, la secte japonaise du tendai fut établie au monastère de l’Enryaku-ji, sur le mont Hiei (Hieizan), par le moine Saichō, élève de Dao Sui (Tao Souei), et par un de ses condisciples, le moine Gishin (de son nom posthume Shūzen Daishi). En 838, le moine Ennin (de son nom posthume Jikaku Daishi [794-864]) partit à son tour en Chine afin d’en rapporter des textes et de nouveaux enseignements ; il fut suivi en 851 par Enchin (Chishō Daishi [814-891]). Deux lignes de transmission de la doctrine du tendai furent alors suivies au Japon : celle de Saichō au mont Hiei et celle d’Enchin au Mi-i-dera. De nombreuses sous-sectes en émanèrent à leur tour. La doctrine du tendai est essentiellement fondée sur trois textes : le Saddharmapuṇḍarīka-sūtra (Hokke-kyō, « Sūtra du lotus de la Bonne Loi »), le Nirvāṇa sūtra (Nehangyō, « Sūtra du nirvāṇa ») et le Mahāprajnāpāramitā śāstra (Daichidoron, « Traité de la grande vertu de sapience »). La secte du tendai est aussi parfois appelée du nom de « hokke-shū » (secte du Lotus) en raison de la vénération qu’elle porte à son sūtra principal et aux commentaires de celui-ci, sur lesquels elle fonde sa doctrine.