Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Borgia (suite)

Cesare ou César (Rome ? v. 1475 - Pampelune 1507) est incontestablement le fils préféré d’Alexandre VI, qui fonde sur lui de grandes espérances. Il est fait archevêque de Valence en 1492 ; en 1493, il est cardinal. Livré en otage aux Français, maîtres de Rome (1495), il s’évade. C’est alors qu’il est accusé — car on connaît son ambition, sa cruauté et son défaut de scrupule — du meurtre de son frère Giovanni ; en tout cas, il hérite de son titre de duc de Gandía. Il semble que ce jeune homme, qui inspira Machiavel, ait songé à constituer en Italie centrale un État économiquement fort, aux dépens des féodaux, voire du Saint-Siège.

En 1498, César abandonne le cardinalat pour se vouer entièrement à la politique. Il manœuvre le pape, son père, dans le sens qu’il désire. L’alliance française lui étant nécessaire, il y amène Alexandre VI, qui le désigne comme légat chargé de porter la bulle qui annule le mariage de Louis XII et de Jeanne de Valois. Il épouse alors Charlotte d’Albret, cousine du roi de France (1499), et est fait duc de Valentinois. Il rentre à Milan aux côtés de Louis XII et devient capitaine général et gonfalonier de la Sainte Église.

À Rome, il fait poignarder le duc de Bisceglie, mari de sa sœur Lucrèce, et oblige celle-ci à épouser Alphonse d’Este, duc de Ferrare, afin de consolider sa position en Romagne. À l’automne 1500, avec l’appui de la France, il organise une nouvelle expédition en Romagne ; il chasse Malatesta de Rimini, occupe Pesaro, Faenza et bientôt toute la Romagne, dont il est fait duc par Alexandre VI (1501). Menaçant alors Florence, il s’empare de Piombino ; avec Louis XII, il pénètre dans le royaume de Naples et prend Capoue. En juin 1502, il oblige à la fuite le duc d’Urbino, Guidobaldo de Montefeltro ; il entre par traîtrise à Camerino. Successivement, les Colonna et les Orsini (1503) sont éliminés.

César songe à attaquer Florence, quand la mort inopinée d’Alexandre VI (18 août 1503) arrête son élan. Souffrant de la malaria, il ne peut empêcher l’élection à la papauté de l’ennemi des Borgia, Giuliano della Rovere (Jules II).

Sommé par ce dernier de livrer les forteresses qu’il occupe en Romagne, il est fait prisonnier à Rome ; il s’évade et, d’Ostie, se réfugie à Naples près de Gonzalve de Cordoue, qui l’arrête et l’expédie en Espagne (1504), où il est emprisonné. S’étant de nouveau évadé (1506), il met son épée, comme condottiere, au service de Jean d’Albret, roi de Navarre, son beau-frère. Il meurt dans une embuscade à Pampelune.

Celui dans lequel on a voulu voir le Prince par excellence de la Renaissance a compté nombre d’ennemis, mais aussi des admirateurs, tel l’historien anglais Thomas B. Macaulay, qui a vu en lui « l’unique homme capable au xvie s. de défendre l’indépendance de l’Italie ».

Lucrezia ou Lucrèce (Rome 1480 - château de Belriguardo, Ferrare, 1519) est restée, par la faute de multiples légendes, l’incarnation d’une certaine civilisation corrompue et amorale, assimilée à toute la Renaissance italienne.

Son père, Alexandre VI, et son frère César firent d’elle — recherchée pour sa beauté — un instrument de leur politique. Elle a treize ans quand le pape lui fait épouser Giovanni Sforza, vicaire de l’Église et neveu de Ludovic le More. Mais, dès 1497, Alexandre fait annuler ce mariage et unit Lucrèce à Alphonse, duc de Bisceglie, bâtard d’Alphonse II d’Aragon, roi de Naples ; de cette union naît un fils, Rodrigo. Cependant, la politique pontificale s’oriente, comme celle de César, vers l’alliance française contre l’Aragon ; Alphonse de Bisceglie, devenu gênant, est poignardé sur l’ordre de César.

Comme il s’agit pour le pape de consolider la position des Borgia en Romagne, Lucrèce épouse, en troisièmes noces, Alphonse d’Este, héritier du duché de Ferrare (1501), qui lui donnera plusieurs enfants. Alphonse devient duc de Ferrare en 1505, mais déjà Lucrèce a réuni autour d’elle une cour d’artistes et de lettrés, dont Pietro Bembo*, qui lui dédie les Asolani, et l’Arioste*, qui célébra ses vertus dans une stance du Roland furieux et dans ses Satires.

Parmi les légendes qui se sont créées autour de Lucrèce et des Borgia, la plus tenace est celle de ses amours incestueuses avec son père. Dans le fils légitimé, Giovanni (1498 - † 1530), que Giulia Farnèse donna au pape, on voulut voir le fruit de cet inceste.

Jofré (v. 1481-1522) épouse une fille naturelle d’Alphonse II d’Aragon et devient prince de Squillace.

Les autres membres mémorables de la famille Borgia sont :
Saint François Borgia, en esp. Francisco de Borja (Gandía 1510 - Rome 1572), fils de Jeanne d’Aragon ; vice-roi de Catalogne (1539), il perd son épouse (1546), entre chez les Jésuites (1551) et est élu 3e général de la Compagnie de Jésus ; canonisé en 1671. Fête (non universelle) le 10 octobre ;
Francesco (1582 - Madrid 1658), plus connu sous le nom de Francisco de Borja y Aragón, prince de Squillace, vice-roi du Pérou de 1614 à 1621, auteur d’épopées, dont Napoles recuperada por el rey don Alonso (1651) ; il inspira Lope de Vega.

P. P.

➙ Alexandre VI / Italie / Renaissance.

 P. Rival, César Borgia (Grasset, 1931). / G. Sacerdote, Cesare Borgia, la sua vita, la sua famiglia, i suoi tempi (Milan, 1950). / M. Bellonci, Lucrezia Borgia, la sua vita e i suoi tempi (Milan-Vérone, 1939 ; trad. fr. Lucrèce Borgia, sa vie et son temps, Plon, 1951). / J. Lucas-Dubreton, les Borgia (Fayard, 1952). / M. Brion, le Pape et le Prince (les Borgia) [Hachette, 1953]. / F. Hayward, l’Énigme des Borgia (Maison de la Bonne Presse, 1956). / A. Latour, les Borgia (Julliard, 1962). / F. Bérence, les Borgia (Waleffe, 1966). / R. Guerdan, César Borgia, le « Prince » de Machiavel (Plon, 1974).

Boris Ier

(† 907), souverain bulgare (852-889).


Le règne de Boris Ier, neveu et successeur de Malamir, est marqué par d’importants événements de caractère politique, religieux et culturel qui contribuent à la consolidation du premier État bulgare. Au cours de ce règne se poursuivent les processus d’unification des peuples slaves du « groupe bulgare » et d’affermissement du pouvoir central. Le morcellement tribal est remplacé par le principe de la centralisation ; à la place des soi-disant « sklavinies » (unités territoriales tribales gouvernées par des princes slaves locaux), on édifie les « comitats » (régions militaires et administratives gouvernées par des organes dépendant directement du souverain). Ainsi se consolide l’unité intérieure et sont créées les conditions pour un essor politique, économique et culturel de la Bulgarie ; la fusion des deux éléments ethniques fondamentaux — les Slaves et les Protobulgares — se poursuit en vue de la formation relativement rapide d’une nationalité bulgare unifiée.