Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bonnard (Pierre) (suite)

Bonnard débute en tant que peintre, en 1891, au Salon des artistes indépendants (Femmes au jardin). Il s’intéresse aux scènes de la vie de famille (la Mère et les deux petits enfants, 1894) ainsi qu’aux spectacles de la rue (le Boulevard, 1895) ; il y manifeste un tranquille amour des gens simples et se plaît à évoquer, sur un fond d’embarras de Paris, l’élégante gentillesse de jeunes ouvrières qui passent en chantonnant. Ses premiers nus féminins apparaissent en 1899 : féeries intimes observées jusque dans le cabinet de toilette où, contrairement à Edgar Degas, il se plaît à ne connaître que les grâces du corps, dans l’exaltation d’une lumière finement nuancée.

Première exposition particulière chez Durand-Ruel, en 1896 ; on y voit notamment Moulin-Rouge et Jardin de Paris. Bonnard participe, en 1903, au premier Salon d’automne. Sa deuxième exposition particulière est organisée par Bernheim-Jeune, en 1906. Il peint En barque (musée national d’Art moderne, 1906), voyage en Belgique, en Hollande (1907), en Italie (1908), devient professeur à l’académie Ranson. Il achète une petite propriété à Vernonnet, dans l’Eure, et fait plusieurs séjours à Saint-Tropez. Sa palette s’éclaircit, devient de plus en plus subtile et lumineuse (le Cabinet de toilette, 1912). Et les chefs-d’œuvre se succèdent : le Sourire (1920), le Corsage rouge (1926), Coin de table (1935), la Sortie du port (1936-1946) du musée national d’Art moderne ; le Petit Déjeuner (1932), Portrait d’Ambroise Vollard (1935), Nu dans le bain (1937) du Petit Palais, à Paris ; Intérieur blanc (1933) du musée de Grenoble, etc. Dès 1924, une exposition rétrospective de l’œuvre de Bonnard est organisée à la galerie Druet ; en 1936, il reçoit le deuxième prix Carnegie.

Son système, a-t-on dit, était de n’en pas avoir. Écoutons Maurice Denis : « Ce qui est particulier dans cet art libre et primesautier, c’est qu’il s’évade, comme en se jouant, d’une réalité dont il ne peut se passer. Il en élimine tout ce qui est prose, il n’en garde que l’apparence et l’émotion, traduites en un langage proprement et exclusivement pictural, sans rien en lui qui pèse ou qui pose. » Il s’intéressait passionnément aux recherches de la génération nouvelle. André Lhote, en apparence le plus éloigné de lui, eut en 1929 la clairvoyance de lui rendre un complet hommage : « Alors que ses « camarades de combat » demeurent attachés à leurs préoccupations anciennes et se livrent à de brillantes variations sur des motifs à peu près invariables, Bonnard, curieux de tous les sujets, comme de toutes les combinaisons de formes et de couleurs, se renouvelle sans cesse... Bonnard grandit lentement, amplifie ses ressources picturales, et, avec Picasso, s’affirme comme le seul peintre célèbre n’ayant pas sacrifié, sous la pression du succès, le goût de la grande composition. »

En 1939, il se retire au Cannet : « L’âge avait donné à Bonnard, a écrit Claude Roger-Marx, l’aspect d’un anachorète. Il vivait seul sur sa colline, en communion avec le ciel, dans une cabane meublée de bois blanc, dominant Cannes aux mille toits, les promeneurs, les marchands, la mer. » Pierre Bonnard a publié en 1945 un livre de souvenirs : Correspondances. Sa dernière lithographie est le Crépuscule des nymphes (1946), sa dernière toile, l’Amandier en fleurs (1946-1947, musée national d’Art moderne), où les blancs mousseux, selon une de ses techniques habituelles, rendent plus solaire et plus caressante à la fois l’irradiation du coloris.

M. G.

 C. Terrasse, Pierre Bonnard (Floury, 1927). / G. Besson, Bonnard (Braun, 1933). / J. Rewald, P. Bonnard (New York, 1948 ; nouv. éd., 1965). / T. Natanson, Le Bonnard que je propose (Cailler, Genève, 1951). / C. Roger-Marx, Bonnard lithographe (Éd. du livre, Monaco, 1952). / A. Terrasse, Bonnard (Skira, Genève, 1964) ; Pierre Bonnard (Gallimard, 1967). / A. Vaillant, Pierre Bonnard (Bibliothèque des Arts, 1965). / J. et H. Dauberville, Catalogue raisonné de l’œuvre peint de Bonnard (Bernheim-Jeune, 1966-1973 ; 3 vol. parus). / A. Fermigier, Pierre Bonnard (Cercle d’art, 1969). / J. Clair, Bonnard (Screpel, 1975).

bonneterie

Tout vêtement ou sous-vêtement fabriqué en tissu à mailles. Par extension, industrie productrice de tissus et articles à mailles.


L’ensemble des tissus de mailles est généralement désigné sous le terme de tricot.


Historique

Les traces les plus anciennes des tricots, qui sont apparus beaucoup plus tard que les étoffes tissées, ont été découvertes parmi les ruines de Doura-Europos, en Syrie. Leur ancienneté remonterait au moins à l’an 256. Des objets tricotés ont été retrouvés dans des tombes égyptiennes des iiie, ive, ve et vie s. Selon certaines sources, les Chinois auraient été les premiers à connaître l’art du tricotage. En tout cas, il semble plausible d’admettre que l’art du tricotage nous soit venu d’Orient. En Europe occidentale, la connaissance et l’utilisation du tricot sont étroitement liées aux conquêtes arabes ainsi qu’aux croisades. Le Metropolitan Museum de New York possède des tricots provenant d’Orient qui dateraient du xiie ou du xiiie s. Des gants tricotés auraient revêtu les mains du pape Innocent IV (v. 1195-1254). En 1505 est créée à Troyes la confrérie des bonnetiers qui fabriquent des bonnets de laine. Plus tard, au xvie s., on commence à fabriquer des bas tricotés. En 1589, un Anglais de Calverton, près de Nottingham, le pasteur William Lee (v. 1550-1610), invente le premier métier à tricoter, qui, pendant près de 250 ans, ne reçoit pratiquement aucune modification. Ne pouvant obtenir de la reine Elisabeth le privilège qui lui aurait permis de promouvoir une manufacture, William Lee s’établit à Rouen avec son frère James et six compagnons, mais la mort d’Henri IV ne lui permet pas de tirer profit des lettres patentes du roi. Aussi, l’art de la bonneterie mécanique se perd-il en France, tandis qu’il prospère en Angleterre. Cependant, grâce à Jean Hindret qui, à l’instigation de Colbert, rapporte de Grande-Bretagne les secrets du métier à bas, Louis XIV peut créer une manufacture au château de Madrid à Neuilly. Cette manufacture fut le point de départ de l’implantation de la bonneterie mécanique dans plusieurs villes et régions de France.