Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bombardement aérien (suite)

Le cas du Japon est plus significatif encore, puisque le bombardement aérien (le 9 mars 1945, Tōkyō recevait 1 670 t de bombes provoquant la mort de plus de 80 000 personnes) apporte la décision : le 16 août 1945, le Japon, avant qu’aucun débarquement ne soit tenté, accepte la capitulation. Sans doute l’a-t-on attribuée aux deux bombes nucléaires lancées sur Hiroshima et Nagasaki. En réalité, elles semblent plutôt avoir permis à l’empereur de sauver la face, car, dès septembre 1944, son gouvernement avait jugé la guerre perdue et cherché à négocier un armistice par le canal des Soviétiques.

L’avion bombardier

L’efficacité d’un bombardier dépend de quatre facteurs : sa capacité d’emport de bombes, son rayon d’action, son système de navigation et de visée, enfin ses moyens de défense autonome contre les chasseurs, la D. C. A. et, plus récemment, les missiles sol-air.

De quelques dizaines de kilos enlevés en 1914, la capacité d’emport passe à une tonne en 1918. En 1939-1945 plusieurs catégories de bombardiers opèrent en même temps : les bimoteurs légers et moyens (Lioré « 45 », Amiot « 370 » français ; Dornier « 17 », Junkers « 88 » allemands ; « Blenheim », « Mosquito » anglais ; Mitchell « B-26 », « Marauder » américains) emportent de 500 kg à 2 t ; les quadrimoteurs lourds (« B-17 » et « Liberator » américains ; « Halifax » et « Lancaster » anglais) sont chargés de 4 à 6 t de bombes. En 1944, la « Superforteresse B-29 » détient le record avec 8 t, et, après la guerre, le « B-52 » atteint 30 t. Malgré les possibilités offertes par l’aéronautique (v. transport [aviation militaire de]), la capacité d’emport unitaire, devenue moins importante depuis la mise en service des bombes nucléaires, ne sera plus recherchée en priorité.

Le rayon d’action est la distance maximale à laquelle un avion peut lancer un chargement de bombes tout en étant assuré de son retour. C’est une caractéristique fondamentale des appareils de bombardement. Les bombardiers moyens ont un rayon d’action de 1 000 à 2 000 km, celui des bombardiers lourds s’est amélioré jusqu’en 1960 (« B-29 », 3 000 km ; « B-36 », 5 000 à 15 000 km selon la charge de bombe emportée). Depuis, le ravitaillement en vol est devenu pratique courante, et il suffit qu’après un dernier ravitaillement fait à l’abri de l’ennemi le bombardier puisse atteindre son objectif, pratiquement toujours en deçà de 4 000 km.

Pour naviguer avec précision et pouvoir procéder à la visée finale à grande vitesse et haute altitude, même si le sol n’est pas visible, il faut disposer de radars spéciaux et de calculateurs précis.

Défense autonome. Aussi longtemps que les performances du bombardier — vitesse, manœuvrabilité — ont été inférieures à celles des chasseurs, il n’a pu se défendre que grâce à ses armes de bord et à l’appui feu mutuel dans le vol en formation. Depuis qu’ils ont atteint ou dépassé la vitesse du son (« B-52 », « B-58 », « Mirage IV »), les bombardiers sont plus difficiles à attaquer. Les chasseurs ont dû renoncer à les atteindre au canon et utilisent des missiles air-air en se guidant au radar sur les bombardiers. La défense de ces derniers réside alors dans les équipements de contre-mesure électroniques brouillant les radars et égarant les missiles de la chasse comme ceux de la défense aérienne.


1945-1970, le bombardier, vecteur de l’arme nucléaire stratégique

Si la bombe atomique n’a pas suffi à emporter la décision en Extrême-Orient, sa puissance dévastatrice multiplie les possibilités de l’aviation de bombardement, seule encore capable de l’utiliser. Les progrès techniques dans tous les domaines sont considérables ; aussi l’évolution du bombardement — avions et tactiques — a-t-elle été plus importante durant cette période qu’au cours des deux guerres précédentes.

La rareté des bombes nucléaires en ces premières années de l’après-guerre et l’extrême importance de leur éventuelle livraison ont fait que l’aviation de bombardement, et singulièrement le Stratégie Air Command américain, a dû être dotée d’avions progressivement adaptés aux besoins. Le rayon d’action est porté à plus de 15 000 km avec le Consolidated Vultee « B-36 » (1949). La vitesse s’est accrue avec les Boeing « B-47 » (1952) et « B-52 » (1956) aux dépens de l’autonomie, dont la réduction n’est que partiellement compensée par le ravitaillement en vol. Mais il faut arriver à passer malgré l’opposition de l’ennemi et avoir des appareils surclassant les chasseurs ; le Convair « B-58 » (Mach 2 - 1960) répond à ce besoin. Ces divers avions sont en outre munis d’équipements électroniques lourds et complexes qui permettent la navigation et le tir par tout temps, le brouillage des radars de détection et de tir ainsi que l’émission de leurres pour attirer les missiles de défense antiaérienne ou les intercepteurs. Enfin, pour leur éviter d’avoir à survoler les dernières défenses autour des points vitaux à attaquer, on les a dotés de missiles air-sol autoguidés de portée allant de 50 à 500 km.

Les années 1960 voient la naissance opérationnelle du missile intercontinental. Dès lors, les très gros avions type « B-52 », destinés aux tirs nucléaires « anti-cité », se voient détrônés dans ce rôle et réservés à l’attaque d’objectifs militaires de précision. Les avions de bombardement gardent leur efficacité en se glissant en vol rasant sous les détections radar et en devançant la réaction des missiles sol-air de défense. C’est une des possibilités du « Mirage IV », vecteur de la force nucléaire stratégique française. Cette pratique de vol demande de nouvelles adaptations : résistance de structure, équipement de navigation et de visée, moteurs à faible consommation à basse altitude ; ce seront là les caractéristiques des modèles d’avions bombardiers à l’étude en 1970.


1945-1970, le bombardier dans son emploi tactique

Dans la zone de combat ou sur les arrières, l’aviation de bombardement tactique reste un moyen efficace pour atteindre des objectifs militaires avec des projectiles atomiques ou classiques. L’avion à géométrie variable de 20 à 30 t remplace aujourd’hui les bombardiers légers ou moyens et les chasseurs bombardiers d’hier, mais les conflits récents (Corée, Viêt-nam, guerre israélo-arabe) montrent que le bombardement a conservé toute sa valeur dans la bataille.