Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bolivie (suite)

La révolution

De graves difficultés dans la vente de l’étain, un lourd malaise ouvrier accru par la répression, l’agitation paysanne déclenchée par les promesses du défunt Villaroel entraînent l’éclatement du système oligarchique, censitaire et dépendant de l’étranger.

La révolution dirigée, à partir de 1952, par un civil, Víctor Paz Estenssoro, chef du M. N. R., qui devient président de la République, interdit tout retour en arrière en nationalisant les mines et en amorçant la réforme agraire. Le M. N. R. a mis douze ans pour parvenir au pouvoir. Il y restera douze ans. Anciens combattants du Chaco, influencés par l’A. P. R. A. (Action populaire révolutionnaire américaine) péruvienne et le fascisme européen (l’hostilité aux États-Unis et aux capitalistes européens alliés des oligarques boliviens explique cette admiration pour le fascisme), les membres du M. N. R. se caractérisent par leur anti-impérialisme et leur haine de l’ancien régime bolivien. Ils ont l’audience des mineurs et bénéficient de l’alliance de Juan Lechín, chef syndicaliste, de tendance trotskiste, à la personnalité controversée. Parti d’intellectuels et de jeunes bourgeois nationalistes, le M. N. R. a su entraîner la petite classe moyenne des villes, les mineurs puis les paysans dans une action réformiste qui aboutit à la destruction du pouvoir des grands propriétaires.

Mais, avec le succès, viennent les difficultés. L’économie bolivienne est en faillite (les « barons de l’étain » contrôlent la fonte et la commercialisation du minerai) et n’est sauvée que par l’aide américaine, ce qui provoque un virage politique à droite, des concessions à l’impérialisme et des dissensions internes que Paz Estenssoro réussit à arbitrer jusqu’en 1964.

La formation du P. R. A. (parti révolutionnaire authentique), aile droite du M. N. R., et celle du P. R. IN. (Parti révolutionnaire international), à gauche, sont à l’origine de l’épreuve de force engagée entre le gouvernement et les mineurs. En 1964, l’armée commandée par le général René Barrientos renverse Paz Estenssoro.


Depuis 1964 : le gouvernement militaire

Barrientos est populaire dans certaines régions ; fort de l’appui des milices paysannes locales, il brise les oppositions, partis, étudiants, syndicats, et donne à l’armée la gloire de tuer le commandant « Che » Guevara (oct. 1967). Le groupe de guérilla de Guevara a fonctionné de mars à octobre 1967 ; mais il a dû se contenter de la défensive à cause du manque d’appui rencontré chez les paysans et aussi par suite de la défiance des forces de gauche boliviennes. Régis Debray, jeune intellectuel français qui a accompagné Guevara, est jugé et condamné à trente ans de prison ; il sera libéré en décembre 1970.

Barrientos ayant trouvé une mort accidentelle en avril 1969, le général Alfredo Ovando Candía s’empare du pouvoir, en septembre, après un bref intermède où le pouvoir civil (présidence de Luis Siles Salinas) démontre son impuissance. Ovando, qui a soutenu Barrientos dans sa politique d’appel à l’investissement étranger, surprend tout le monde en nationalisant (oct. 1969) la Gulf Oil Co. trois semaines après le coup d’État. Mais, en juillet 1970, les guérilleros réapparaissent, la répression s’abat sur la gauche, et le général Ovando proclame l’état d’urgence ; il est chassé, en octobre, par un général de droite, Rogelio Miranda, qui est aussitôt écarté par le général Juan José Torres, favorable aux mouvements de gauche. Celui-ci est renversé en août 1971 par un coup d’État militaire, appuyé par le M. N. R., qui place le colonel Hugo Banzer Suárez à la présidence de la République.

J. M.


L’économie


L’agriculture andine et la réforme agraire

Dans la partie andine des vallées ou du haut plateau, l’agriculture se pratiquait traditionnellement dans le cadre de trop petites propriétés ou de trop grandes propriétés, celles-ci héritées de la période espagnole, et où travaillait une main-d’œuvre abondante et très misérable.

En 1952, le gouvernement mit en place une réforme agraire qui consista à installer quelque 110 000 chefs de famille sur environ 4 millions d’hectares provenant de l’expropriation des grands propriétaires fonciers, distribués aux ouvriers agricoles. Mais cette réforme aboutit à une baisse sensible de la production, car si les paysans avaient reçu des terres, ils n’avaient par contre ni les possibilités financières et techniques ni les connaissances scientifiques nécessaires pour diriger une exploitation et améliorer l’économie agricole. Aussi, faute d’une telle aide, le paysan est-il resté très pauvre ; la réforme agraire n’a guère changé les conditions de vie.


L’exploitation des ressources du sous-sol

En dehors de cette agriculture d’autosubsistance, l’essentiel de l’économie repose sur l’exploitation des richesses du sous-sol et en particulier des mines d’étain. Mais ces mines sont situées, dans le haut plateau ou dans la Sierra, à des altitudes souvent supérieures à 4 000 m et loin des axes de circulation qui permettent d’évacuer le minerai. Anciennement propriétés presque exclusives de grandes sociétés étrangères, les mines les plus importantes furent nationalisées en 1952, tandis que se créait une corporation minière de Bolivie (Comibol). C’est désormais celle-ci qui exploite les 24 grandes mines nationalisées, représentant environ 80 p. 100 de la production. À côté de ces mines principales, quelque 2 000 autres petites exploitations minières appartiennent à des propriétaires privés.

Les mines emploient environ 41 000 ouvriers mineurs : 26 000 travaillent dans les exploitations nationalisées et 15 000 dans les petites mines. La situation du mineur est précaire ; mal payé, mal logé, il est souvent victime de maladies diverses, en particulier tuberculose et silicose. Sa moyenne de vie est inférieure à trente-cinq ans. La nationalisation n’a guère amélioré une situation de misère, cause de conflits aigus entre les travailleurs et le gouvernement.

La Bolivie tire encore quelques ressources des gisements de pétrole (dans la partie orientale), exploités par des compagnies nord-américaines.

L’étain représente plus de 60 p. 100 des exportations (généralement inférieures aux importations), dirigés pour plus d’un tiers vers les États-Unis, qui fournissent une part égale des achats boliviens.