Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bolívar (Simón) (suite)

Bolívar retourne en Europe, commence à s’intéresser aux affaires publiques et rencontre à Paris, en 1804, Alexander von Humboldt, pour qui les territoires espagnols du nouveau continent attendent encore « l’homme destiné à prendre la tête de leur émancipation ». Puis ce sont les retrouvailles avec Rodríguez et un voyage à pied, à la Rousseau, vers l’Italie. Enfin, en août 1805, Bolívar prête serment sur le mont Sacré : « Je le jure devant vous, par le Dieu de mes pères et l’honneur de mon pays, je n’aurai de repos, soit du corps, soit de l’âme, que je n’aie brisé les chaînes de l’Espagne. » C’est Rodríguez, il est vrai, qui raconte la grande scène, sans doute très arrangée, quarante-six ans après.


Les débuts de Bolívar

De retour au Venezuela en 1807, Bolívar ne se manifeste dans la vie publique qu’en 1810, avec la formation de la « junte » de Caracas (19 avril), qui marque le début de l’émancipation. Il accepte d’être envoyé à Londres pour rechercher un appui anglais : ce dernier sera très discret, mais le jeune ambassadeur ramène avec lui Francisco Miranda*, le vieux comploteur de l’indépendance.

La première indépendance est proclamée le 5 juillet 1811, et Bolívar commence à montrer ses talents militaires contre les troupes fidèles à l’Espagne. Mais les difficultés ne tardent pas : le petit peuple des campagnes pense n’avoir rien à gagner d’une émancipation lancée par les villes et la classe dominante des créoles ; il reste largement fidèle à l’Espagne, d’autant que, signe inquiétant, un tremblement de terre épargne les centres royalistes mais ravage Caracas et La Guaira, places fortes des républicains.

Un an après l’indépendance, Bolívar doit rendre la forteresse qu’il commande, Puerto Cabello (6 juill. 1812), à la suite de la trahison d’un officier. Miranda, à son tour, capitule à La Victoria, et cherche à quitter le Venezuela avec un trésor de guerre. Bolívar voit là une sorte de trahison, contribue à livrer le vieil aventurier aux Espagnols et obtient de ceux-ci, à son corps défendant semble-t-il, un passeport qui lui permet de gagner Cartagena, ville encore tenue par les « patriotes » de la Nouvelle-Grenade.


Les premiers exploits, l’exil

La région qui accueille Bolívar lui confie une petite troupe de soixante-dix combattants. Ses premiers succès, sur le cours du río Magdalena, lui permettent d’obtenir les renforts et d’entreprendre, en mai 1813, la libération de l’ouest du Venezuela. Arrivé à Trujillo, il lance sa terrible proclamation, promettant la mort à « tout Espagnol qui ne conspire pas d’une manière active et efficace contre la tyrannie ».

Une série d’attaques dispersées, mais en fait très bien coordonnées (c’est la « Campaña admirable »), conduit Bolívar à Caracas (6 août 1813), où il établit un gouvernement quasi dictatorial pour tenter de faire face à la contre-offensive des royalistes. Ces derniers, en effet, s’appuient sur les « llaneros » de l’intérieur, les gardiens de troupeaux, dirigés par un chef dont la hardiesse n’égale que la cruauté, José Tomás Boves (1783-1814). Victorieuses des réguliers espagnols à Carabobo (28 mars 1814), les troupes de Bolívar sont écrasées par les cavaliers de Boves à La Puerta (juin 1814). En septembre, Bolívar doit encore quitter son pays et gagner Cartagena, après avoir touché le fond de l’amertume (il sera accusé d’avoir voulu s’approprier des fonds nationaux et emprisonné quelques jours).

L’arrivée de Bolívar en Nouvelle-Grenade soulève des difficultés : nommé commandant en chef des forces de ce pays, il entre en conflit avec le gouverneur de Cartagena et, pour éviter une guerre civile, s’exile à la Jamaïque (9 mai 1815), puis à Haïti (janv. 1816), où l’accueille le président Pétion. Ce dernier lui fournit le matériel et les subsides nécessaires à une petite expédition qui vise Ocumare (17 juill. 1816), à l’ouest de Caracas. C’est un échec, renouvelé au début de 1817 à Clarines.


Une stratégie nouvelle

Bolívar reprend alors sur des bases entièrement nouvelles le problème de la libération de son pays : il renonce à attaquer la tête, Caracas, pour se fortifier à partir de régions éloignées, d’où la reconquête sera plus sûre qu’un départ des Antilles. D’autant que José Antonio Páez (1790-1873) a retourné les llaneros, dont le chef a été tué. Ainsi, Bolívar peut établir un gouvernement à Angostura (auj. Ciudad Bolívar), pendant l’été de 1817 ; la victoire de Calabozo (1818) fortifie son pouvoir. Un congrès constituant est réuni à Angostura en février 1819. Dans une « adresse » célèbre, Bolívar y développe ses idées fondamentales : la diversité des populations du Venezuela exige un pouvoir très fort et très centralisé pour maintenir la structure de la société.

Élu président de la République, Bolívar tente d’unir son pays à la Nouvelle-Grenade : il parcourt les llanos en remontant l’Orénoque, puis l’Apure. Ses troupes, en guenilles, parviennent aux Andes, les escaladent par un col désolé, bousculent les loyalistes espagnols au Pantano de Vargas (juill. 1819), puis remportent la grande victoire de Boyacá (7 août 1819). Trois jours après, Bolívar entre à Bogotá.


La Colombie et le Pérou

À son retour au Venezuela, le chemin du Libertador est semé d’arcs de triomphe fleuris : Bolívar proclame à Angostura la naissance d’un nouvel État, la « Colombie », dont le territoire s’étend du Pérou à l’embouchure de l’Orénoque (17 déc. 1819), et des élections provisoires le choisissent comme président. Le 25 novembre 1820, le général espagnol Pablo Morillo est contraint de signer un armistice. La trêve ne dure guère, et la deuxième victoire de Carabobo (24 juin 1821) ouvre la route de Caracas. Un nouveau congrès, réuni à Cúcuta, réélit Bolívar à la tête de la Colombie, dont la capitale est fixée à Bogotá. L’année suivante, cet État devient la « Grande-Colombie », après la victoire du lieutenant de Bolívar, Antonio José Sucre (1795-1830), à Pichincha (24 mai 1822), victoire qui permet de réunir aux régions déjà libérées des Espagnols celle qui correspond à l’actuel Équateur. Avec l’occupation de la baie de Guayaquil, Bolívar entre dans la zone qui apparaissait du ressort de l’autre grand « libertador », San Martín*. Une entrevue entre les deux héros de l’indépendance (25 juill. 1822) aboutit à l’effacement de l’Argentin, qui laisse le champ libre à Bolívar. Mais la situation anarchique du Pérou vaudra à ce dernier l’une des périodes les plus difficiles de son existence : arrivé au Callao le 1er septembre, il apparaît en effet comme un gêneur pour certaines factions des républicains, qui envisagent une collaboration avec les Espagnols afin de se débarrasser de lui. Bolívar découragé, presque mourant, doit se réfugier dans le nord du Pérou. Il effectue un prodigieux rétablissement, réorganise une armée et remporte sur les royalistes une nouvelle grande victoire, à Junín (6-7 août 1824). Celle d’Ayacucho, gagnée par Sucre le 9 décembre, marque l’émancipation définitive de l’Amérique du Sud.

Le 6 août 1825, les députés du haut Pérou donnent à leur pays le nom de República Bolívar, qui sera la Bolivie, et le Libertador élabore pour elle un projet de Constitution en reprenant ses idées exposées à Angostura.