Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Blackett (Patrick Maynard Stuart) (suite)

Vers 1932, il se tourne vers l’étude du rayonnement cosmique. En collaboration avec l’Italien Giuseppe Occhialini (né en 1907), il effectue les premières mesures de masses des corpuscules cosmiques, en courbant leurs trajectoires par un champ magnétique. Tous deux mettent en évidence les gerbes-cascades, et ils y observent la présence d’électrons positifs obtenus par matérialisation de photons.

En 1933, Blackett est nommé professeur au Birkbeck College de l’Université de Londres, établissement analogue à notre Conservatoire des arts et métiers. En 1937, il obtient une chaire de physique à l’université de Manchester.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il participe, comme conseiller scientifique, à la direction de la Stratégie britannique. Il joue un rôle de premier plan dans la lutte anti-sous-marine, dans la mise au point du radar et, plus tard, dans l’organisation des recherches sur l’énergie nucléaire.

Après la fin de la guerre, il retourne à Manchester, où il va diriger une équipe de chercheurs travaillant sur les rayons cosmiques et sur divers problèmes de géophysique et d’astrophysique.

Titulaire du prix Nobel de physique pour 1948, Blackett est le président et l’animateur de l’Association des travailleurs scientifiques de Grande-Bretagne, qui groupe plus de vingt mille membres.

R. T.

Blake (William)

Poète, peintre et graveur anglais (Londres 1757 - id. 1827).



« Le génie se place toujours en dehors de son temps. »

Blake aurait pu bouleverser son époque. Il demeura incompris, pauvre, et la seule réputation que la plupart de ses contemporains lui reconnurent fut celle d’être fou. C’est que, dans un monde où le rationalisme triomphe, il ne fait aucun cas de gloires aussi bien établies que celle de Locke et de Bacon. Il rejette la raison (Urizen), sans valeur à ses yeux et responsable de la chute de l’homme. Poussant sa démarche bien plus loin que Swedenborg — l’un de ses maîtres à penser avec Jakob Böhme —, il affirme que « la science est l’arbre de la mort ». Il ne croit donc nullement aux hommes de savoir, qui sont incapables de résoudre les problèmes qui se posent à eux, car leur échappent les réalités spirituelles, « [...] réalités permanentes de toute chose que nous voyons se refléter dans ce miroir illusoire de la nature » (Descriptive Catalogue, 1809). Pour lui, le réel ce n’est pas, en effet, ce que nous découvrons autour de nous, mais ce qui est en nous. En face de la philosophie bourgeoise utilitaire du xviiie s., Blake affirme que l’humanité ne sera sauvée que par la force du sentiment et de l’amour. Il se tourne vers ses visions intérieures et se crée un univers où le « ciel » et la « terre », le « visible » et l’« invisible » établissent de perpétuelles correspondances.


« Ouvrir les Yeux immortels de l’homme vers l’intérieur dans les mondes de la pensée. »

Ce monde ne lui apparaît ni comme un jeu de l’esprit, ni comme une création de son imagination. Il a une réalité propre, dont son talent nous donne une image inoubliable tant dans ses poèmes que dans ses gravures. On ne saurait, en fait, parler de deux œuvres distinctes. Chacune trouve dans l’autre sa propre justification et ses prolongements artistiques. Ici encore, Blake se place à l’écart des tendances de son époque et même de tous les temps. Ses gravures, par la vérité des attitudes et des mouvements, la puissance du trait contrastant avec la douceur des teintes de l’aquarelle, ne sont pas du xviiie s. Qu’il travaille à son Nelson Guiding Leviathan, ou qu’il illustre les Nuits de Young ou la Divine Comédie de Dante, Blake ne s’attache jamais à l’aspect concret, anecdotique et circonstanciel. Avec son burin comme avec sa plume, c’est l’essence même de la pensée, le domaine de la spiritualité qu’il cherche à atteindre. Nul ne saurait s’étonner aujourd’hui ni de l’obscurité qui l’entoura de son vivant, ni de la gloire qui s’attache à son nom depuis que Swinburne le redécouvrit. Si Blake n’appartient pas à son siècle, la profondeur de sa pensée, l’originalité de son talent lui ouvrent la porte de tous les temps : celle du passé et celle du présent. Sur le plan artistique, les mots clés de son génie sont « sensibilité » et « imagination ». Dans le domaine de la pensée philosophique, ce sont « liberté » et « amour ». Poetical Sketches (Esquisses poétiques, 1783), véritable chant d’amour et de joie, Songs of Innocence (Chants d’innocence, 1789), qui expriment la pureté des sentiments de l’enfance, et Songs of Experience (Chants d’expérience, 1794), empreints de lyrisme et de mysticisme, mais aussi cri de révolte et de douleur, rappellent tout ce qui semblait devenu étranger à l’art poétique anglais après les poètes élisabéthains et puisent avant Wordsworth aux grandes sources d’inspiration du romantisme. « L’art est arbre de vie », souligne Blake. Et il ajoute : « Il faut abandonner père et mère et maison et patrie, s’ils sont des obstacles à l’art. » Quant au poète, il servira de guide à ses semblables, parce qu’il est un homme privilégié, qui a reçu le signe du ciel. On croirait déjà entendre Victor Hugo.


« Dans votre propre cœur vous portez votre ciel et votre terre. »

Blake demeure dans la tradition de l’humanisme, mais il annonce en même temps une forme de pensée très moderne quand il proclame ainsi sa croyance en la responsabilité et à la liberté de l’homme face à son destin. Au nom de cette liberté, il donne son adhésion totale à la Révolution française et approuve la guerre de l’Indépendance américaine (America, 1793). C’est encore cette conception de la liberté qui le conduit à s’opposer à toutes les barrières des interdits sociaux et moraux, car ceux-ci ne constituent à son regard que des masques à l’égoïsme humain. L’attitude qu’il manifeste ainsi à l’égard des lois (The Marriage of Heaven and Hell [le Mariage du ciel et de l’enfer], 1793) semble avoir trouvé de lointaines et fortes résonances dans la révolte d’une partie de la jeunesse contemporaine. Son désir de libérer l’individu des contraintes relatives à l’amour et jusqu’à son rejet du mariage, dont il n’hésite pas à dire dans Visions of the Daughters of Albion (Visions des filles d’Albion, 1793) qu’il constitue une véritable prostitution de la femme, ne manquent pas également d’évoquer les théories contestataires actuelles.