Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

bijouterie et joaillerie (suite)

Du bijou précieux au bijou-gadget

Mise en œuvre parfaite de pierres de valeur, les modèles exécutés dans les ateliers de nos grands joailliers (Boucheron, Cartier, Mauboussin, etc.) relèvent en général d’un esprit assez classique. Capables de concevoir et de fabriquer eux-mêmes leurs bijoux, certains créateurs produisent une œuvre d’avant-garde. En 1950, Torun, une Suédoise, inaugura des bijoux d’argent aux formes sculpturales et dépouillées. Son œuvre reflète un mouvement qui, en réaction contre l’industrialisation, associa en Suède, dès le début du siècle, artistes et entreprises (influence sur le bijou du sculpteur Georg Jensen ou de l’architecte Arne Jacobsen). Aujourd’hui comme hier, le bijou a éveillé l’intérêt de nombreux artistes, qu’ils soient peintres (Man Ray, Georges Braque, Georges Mathieu, Jean Dubuffet, Picasso, Salvador Dalí), sculpteurs (Alexandre Calder, Alberto Giacometti, les frères Pomodoro), architectes (Harry Bertoia) ou poètes (Jean Cocteau). Expression de leur art, le bijou leur a servi aussi à traduire une sorte de philosophie de la parure. Pour Braque, « l’objet, c’est la poétique », et ses bijoux sont des supports de symboles : oiseaux, poissons, visages se découpent en aplats sur fond d’or. En opposition avec ces bijoux à dimensions humaines, S. Dali pense « qu’il faut qu’un bijou soit importable », et il allie l’insolite du sujet à l’habileté technique, telles ses boucles d’oreille téléphone, sa bague escargot ou encore ses bijoux anthropomorphes (main de feuillage). À la limite, l’artiste finit par voir dans les bijoux « des objets à toucher plutôt qu’à regarder » (Roberto Matta). Pièces de collection, ces bijoux, quoique en réaction contre l’expérience de Torün, participent d’un même esprit de liberté : liberté de la mise en œuvre des matériaux précieux traditionnels (André Klein, Jean Vendôme, Jean Dinh Van) ou de matériaux inusités, tels que les minéraux à l’état brut (Claude de Muzac), l’acier (Uginox), le plastique (Paco Rabanne), etc. Le goût du bijou fantaisie à valeur artistique se trouve déjà exprimé dans un compte rendu du Salon de mai de 1901 : « Que l’ivoire sculpté soit ici remplacé par du Celluloïd [...] peu importe puisque le but qu’on se propose est de faire de l’art à bon marché. » But aujourd’hui atteint avec un bijou démocratisé et désacralisé, où l’expression artistique reflète les tendances actuelles : bijoux érotiques de Jean Filhos ; bijoux d’inspiration folklorique ou barbare sous l’influence des hippies (à qui l’on doit la renaissance du bijou masculin), mais surtout bijou « qui règne sur le vêtement [...] parce qu’il concourt d’une façon décisive à le faire signifier » (Roland Barthes).


Matériaux


Les métaux

L’or et l’argent sont les deux plus anciens métaux utilisés dans l’art de la parure. À l’inverse de l’Orient, l’Occident chrétien eut à souffrir de la pénurie d’or jusqu’à la découverte de l’Amérique. C’est au xviiie s. que remonte la découverte du platine dans les sables aurifères de Colombie et au xixe s. celle du palladium, métal léger de la mine de platine que l’on doit au chimiste William Hyde Wollaston.

Le bijoutier travaille ces métaux en alliage, c’est-à-dire incorporés par fusion à d’autres métaux, soit pour remédier à une trop grande malléabilité, soit pour rechercher un effet de couleur. Le titre légal de l’alliage en métal précieux (variable selon les pays) est garanti par des poinçons. Le titre en or se définit en carats, le carat étant la quantité d’or fin d’un alliage exprimée en vingt-quatrième de la masse totale. Le titre en argent se traduit en millièmes. L’argent reste blanc si la teneur en cuivre ne dépasse pas 50 p. 100. (V. orfèvrerie.)


Pierres précieuses et pierres fines

Seuls le diamant, l’émeraude, le rubis et le saphir ont droit au titre de pierres précieuses, les autres pierres étant, au sens strict, des pierres fines (translucides) ou semi-fines (opaques). Dans la pratique, la délimitation n’est pas toujours aussi rigoureuse. Soit pour le pouvoir occulte qu’on leur attribuait, soit pour leur poids peu commun ou pour le renom de leurs propriétaires, nombre de ces joyaux sont entrés dans l’histoire. C’est le cas des diamants célèbres tels que : le Grand Moghol, qui appartint, au xvie s., au chāh de Perse et dont on a perdu la trace ; le Florentin, qui de Charles le Téméraire passa à la maison d’Autriche ; l’Orlov, offert à Catherine II par le comte Orlov ; le Sancy, qui appartint à Charles le Téméraire, à Henri IV (qui l’obtint de Nicolas Harlay de Sancy) et à Louis XIV ; volé lors de la Révolution, il est aujourd’hui en Amérique ; le Régent, qui appartint au duc d’Orléans, régent de France (aujourd’hui au Louvre) ; l’Étoile du Sud, trouvée au Brésil en 1853 ; le Koh-i-Noor, offert à la reine Victoria ; le Diamant bleu (le Hope), acquis par Louis XIV et porteur de maléfices ; enfin le plus gros diamant du monde (3 024 carats brut), le Cullinan, trouvé au Transvaal en 1905.

La valeur d’une pierre précieuse dépend de sa dureté, qui permet un poli durable, de sa couleur, qui est liée à la présence d’oxydes métalliques, de son éclat, qui est fonction de ses propriétés optiques, de sa rareté et enfin de son poids, exprimé en carats. Le carat est une unité de masse de 2 dg. La transparence, ou eau, d’une pierre peut être altérée par des défauts tels que les craquelures ou les crapauds du diamant, les givres de l’émeraude, les soies du rubis et les plumes du saphir. La taille a pour but de mettre en valeur toutes les qualités d’une pierre. Les gemmes sont taillées par des procédés analogues à ceux du diamant, mais, contrairement à celui-ci, elles ne se clivent pas ; on les use sur des disques métalliques avec des poudres dures, telle l’égrisée, ou poudre de diamant. Le clivage consiste à séparer le diamant en deux pour déterminer la forme de la pierre en fonction de son plan de cristallisation naturel. La taille du diamant doit multiplier les facettes pour faire jouer la lumière, alors que celle des pierres de couleur doit accentuer la couleur. On distingue des pierres transparentes, translucides ou opaques.