Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

biens

Moyens réputés aptes à satisfaire les besoins des individus.


L’analyse économique s’est efforcée de distinguer les biens de consommation (encore appelés biens directs ou biens de premier rang) et les biens de production (encore appelés biens indirects ou biens capitaux). Les premiers sont utilisés par les individus en tant que consommateurs pour satisfaire immédiatement leurs besoins, tandis que les seconds sont employés par les individus dans leurs fonctions de producteurs. (Ne pouvant procurer une satisfaction qu’après une transformation ou un échange, ils contribuent à produire d’autres biens.) Les biens de production comprennent la terre — considérée comme instrument de production agricole et comme réservoir de matières premières —, les matières premières, les équipements, les bâtiments à usage économique et la monnaie.

Cette distinction entre biens de consommation et biens de production est à la base des théories du capital, de la production, de l’échange, de la valeur et des fluctuations économiques. Ainsi, les économistes démontrent que, la production faisant un appel de plus en plus important aux biens indirects, il y a un allongement des processus de production. Dans une certaine mesure, le progrès d’une économie est lié au volume des capitaux utilisés et se mesure à l’allongement des processus de fabrication des produits. Les économistes démontrent également que la gravité d’une crise économique dépend de la longueur du processus de production ou de l’importance des biens capitaux employés par l’industrie. Les phénomènes de contraction ou d’expansion sont amplifiés en fonction de la distance séparant la consommation et la production ; plus la distance est grande, plus la crise risque d’être grave ; aussi s’explique-t-on qu’à l’époque contemporaine pouvoirs publics et entreprises se soient employés à contrôler les programmes d’investissement de biens capitaux.

Les intérêts théoriques de cette distinction entre biens de consommation et biens de production avaient quelque peu relégué au second plan d’autres distinctions, regardées comme étant d’intérêt secondaire. Ainsi en était-il des distinctions suivantes : biens finals (qui sont prêts à être consommés ou, s’il s’agit de biens de production, à être utilisés), biens intermédiaires (qui n’ont pas encore reçu leur destination définitive, parce qu’ils ont à subir une ou plusieurs transformations), biens consomptibles ou fongibles (qui disparaissent par le premier usage, comme les produits alimentaires, les combustibles, etc.), biens durables (qui sont capables de donner des services répétés, sinon perpétuels, ou de durer sans conduire pour autant à leur destruction), biens substituables (qui peuvent être employés l’un pour l’autre, comme la main-d’œuvre par rapport à la machine) et biens complémentaires (qui sont utilisés selon certaines proportions, plus ou moins déterminées à l’avance, tel le fait d’accompagner le whisky par de l’eau gazeuse). Cependant, cette dernière distinction explique celle, si importante, des capitaux fixes et des capitaux circulants. Les premiers comprennent des biens durables tels que bâtiments, machines, voitures, etc., que les comptables appellent immobilisations. Les seconds disparaissent dans l’acte de production ou, plus généralement, dans l’activité de l’entreprise.

À la suite de l’évolution de la consommation, l’analyse économique a été amenée à mettre au premier plan de ses préoccupations l’étude des biens durables (et leur rôle dans la théorie du revenu) et à introduire une notion nouvelle, celle de biens publics ou collectifs.

Les biens durables tendent de plus en plus à envahir la vie de l’entreprise et des familles : biens de consommation, depuis le rasoir électrique jusqu’au logement en passant par le mobilier, l’équipement électroménager, l’automobile et les vêtements ; biens d’épargne ou de thésaurisation, comme la monnaie, les bijoux, les titres et les dépôts en banque ; biens de production, tels que les terrains, les équipements et les fonds de roulement des entreprises. Ces différentes catégories de biens ont de commun entre eux la capacité de résister à un premier usage, c’est-à-dire d’avoir une durée de vie plus ou moins longue. Selon que la destruction des biens durables sera plus ou moins tardive, on peut distinguer les biens semi-durables (vêtements par exemple), qui ont une durée inférieure à trois ans, les biens durables ordinaires (meubles, automobiles, etc.), qui ont une durée supérieure à trois ans, les biens à très longue durée de vie (équipements lourds, constructions, bijoux, etc.) et les biens inaltérables ou indestructibles (biens fonciers, métaux précieux, etc.). Il faut réserver une place particulière à la monnaie et aux valeurs mobilières, biens durables dont la destruction ne résulte pas directement de leur utilisation. L’importance prise par les biens durables dans les structures de la consommation dénote un changement profond des modes de consommation et de production. En effet, la majorité des ménages n’est plus réduite au minimum vital. Le ménage moyen ne consacre pas la totalité de ses revenus à l’achat exclusif de biens fongibles. De même, les ménages ne constituent plus des réserves, dont le rythme d’accumulation, fonction de leurs seuls revenus, resterait indépendant de l’état de leur fortune. En d’autres termes, le consommateur contemporain apparaît comme un individu qui dispose, certes, de revenus réguliers, souvent croissants, mais aussi d’un patrimoine composé de biens durables de consommation et d’actifs financiers. Le chef de famille utilise ses ressources de façon variée ; s’il consacre toujours une importante partie de celles-ci à des achats de biens fongibles, le reste est employé de façon très souple. Tantôt il puise dans ses actifs financiers pour prendre des vacances ou pour acquérir de nouveaux biens durables, si le flux de ses revenus est insuffisant. Tantôt il revend une partie des biens durables qu’il possède (voiture, logement, etc.) pour en acheter de plus satisfaisants. Tantôt il épargne et accroît ses actifs financiers en vue d’achats futurs de biens durables de prix unitaire élevé. Il en résulte que la stabilité — observée statistiquement — des achats de biens fongibles, liée à des besoins réguliers et renouvelés, en cas de variations conjoncturelles, n’est possible que par suite de l’existence d’un volant de ressources constitué par les patrimoines individuels. En d’autres termes, la stabilité des achats de biens fongibles se traduira par une instabilité des achats de biens durables ou de l’épargne, du fait que ces achats ne constituent que la variation marginale des patrimoines. En pratiquant de la sorte, les consommateurs tiennent compte des caractéristiques particulières des biens durables et des conditions d’acquisition qui en découlent (achats à crédit et achats de biens d’occasion). En définitive, les achats de biens durables constituent un élément d’arbitrage entre les différents emplois du revenu.