Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bernanos (Georges) (suite)

L’œuvre et la vie de Bernanos offrent donc bien l’image de la lutte éternelle où s’est engagée l’humanité à la recherche de son âme. C’est ce combat que vit le lecteur à travers l’effort douloureux de ces hommes et de ces femmes pour arracher tout leur être à l’emprise de la terre et du Mal. Combat intérieur dont la tension, jamais relâchée, s’inscrit dans une phrase coulée au rythme même de la pensée. Combat sans merci, mais non désespéré. L’espérance, elle, réside dans ceux dont l’âme est pure. L’écrivain, plein de tendresse pour les plus humbles, les plus faibles, efface soudain le polémiste furieux, le pamphlétaire excessif, le prophète fulminant. Déchirant le voile épais tendu par la misère, l’iniquité et le péché, filtre un rayon de lumière. Bernanos, même s’il rejette l’optimisme, « alibi sournois des égoïstes », garde l’espoir en l’avenir. Il a la foi dans la jeunesse, et c’est elle sans doute qui devrait être la mieux placée aujourd’hui pour comprendre celui qui, en 1945 déjà, espérait « la révolution de la jeunesse [...], l’insurrection générale de l’esprit de jeunesse dans le monde ».

D. S.-F.

 A. Béguin, Bernanos par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1954). / A. Germain, les Croisés modernes, de Bloy à Bernanos (Nouv. Éd. latines, 1959). / M. Milner, Georges Bernanos (Desclée De Brouwer, 1967). / B. T. Fitch, Dimensions et structures chez Bernanos (Lettres modernes, 1969). / M. Milner (sous la dir. de), Georges Bernanos. Critique et interprétation (Plon, 1972).

Jalons biographiques

1888

20 février : naissance à Paris.

1903

Petit séminaire de Bourges.

1904

Collège Saint-Marie, à Aire-sur-la-Lys : Bernanos lit les écrivains de l’Action française et bataille contre les démocrates et les prêtres du Ralliement.

1906-1913

Licence de lettres en Sorbonne et études de droit : bagarres politiques et complot pour la restauration de la monarchie au Portugal. — Bernanos est incarcéré à la Santé.

1914

Directeur, à Rouen, de l’hebdomadaire royaliste l’Avant-Garde de Normandie.

1914-1918

Réformé, engagé volontaire au 6e dragons. — Le 11 mai 1917, il épouse Jeanne Talbert d’Arc.

1919

En désaccord avec l’Action française. — Il devient inspecteur de la compagnie d’assurances « la Nationale ».

1926

Le succès de Sous le soleil de Satan le décide à vivre de sa plume.

1929

La Joie, prix Femina. — Conférences sous l’égide de Maurras.

1931

Série d’articles au Figaro et violente polémique contre Maurras et Daudet.

1932

Accident de motocyclette à Montbéliard : Bernanos en souffrira toute sa vie.

1934-1937

Majorque : succès du Journal d’un curé de campagne. Un moment séduit par le soulèvement franquiste, Bernanos est révolté par la cruauté de la guerre.

1938

Il réalise un rêve d’enfance : il part pour le Paraguay, puis pour le Brésil, où il dirige une fazenda.

1940-1945

À Barbacena, il exploite la ferme de la Croix-des-Âmes et mène dans les journaux de Rio une campagne en faveur de la France libre.

1945

Rentré en France, il est vite déçu par les luttes politiques. — Sa santé est très altérée.

1947-1948

Voyage et conférences en Tunisie. — Ramené d’urgence en France, il meurt le 5 juillet 1948.

Bernard (saint)

Abbé de Clairvaux, docteur de l’Église (Fontaine-lès-Dijon 1090 - Clairvaux 1153).


Bernard fréquente l’école de Saint-Vorles, à Châtillon. Il est doué d’une grande intelligence et d’une forte volonté, mais il est timide, méditatif, rêveur. Renonçant à des études plus poussées, il entre en 1112 au monastère de Cîteaux, près de Dijon, fondé en 1098. Il a persuadé trente de ses parents et amis à se faire moines avec lui. La vie est rude et austère à Cîteaux, et Bernard s’y donne généreusement aux veilles, aux travaux, aux mortifications, mais aussi à la méditation de l’Écriture, à l’étude des Pères de l’Église et de la règle de saint Benoît. En 1115, il est mis à la tête d’un groupe de douze moines et va fonder l’abbaye de Clairvaux, en Champagne. L’abbé, selon la règle de saint Benoît, est maître spirituel et responsable de l’enseignement doctrinal de sa communauté. Bernard va pouvoir communiquer l’objet de ses méditations. Il ne sera jamais un théoricien, un homme d’école. Ses écrits sont des écrits de circonstance, s’adressant toujours à des hommes qu’il faut aider à se convertir. Deux maîtres vont compléter sa formation philosophique et théologique : Guillaume de Champeaux († 1121), évêque de Châlons-sur-Marne, et Guillaume de Saint-Thierry († 1148), bénédictin de Saint-Nicaise de Reims. Bernard, épuisé et malade, doit se reposer durant un an ; vivant à l’écart, dans une cabane, il peut se livrer à loisir à l’étude et à des entretiens avec ses deux amis. Nous savons par Guillaume de Saint-Thierry, qui écrivit sa vie, que Bernard et lui discutaient des « relations du corps et de l’âme ».


La doctrine spirituelle

Vers 1125, Bernard écrit ses deux premiers traités : Sur les degrés de l’humilité et de l’orgueil et Sur l’amour de Dieu. Sa doctrine, qui fera école chez les Cisterciens, s’y trouve toute condensée. Disciple convaincu de la règle de saint Benoît, il met l’humilité à la base de toute conversion et joint indissolublement l’ascèse du corps et de l’esprit au progrès de l’âme dans son ascension vers Dieu. C’est à la fois une échelle d’humilité, de vérité et de charité. « Socratisme chrétien », la connaissance expérimentale de la vérité mène à Dieu en trois étapes.

C’est d’abord la connaissance de soi : « Connais-toi toi-même » dans la misère de ta condition d’homme pécheur, c’est ta vérité et c’est ainsi que tu t’aimeras utilement. C’est ce que Bernard appelle l’amour « charnel », où l’homme cherche Dieu pour ses propres besoins.

Cette prise de conscience réaliste conduit à la connaissance d’autrui, sympathie douloureuse pour la commune condition. Parce que « le semblable connaît son semblable », je l’aime comme un autre moi-même. C’est l’amour « social », second degré, où s’exerce l’ascèse purificatrice de la vie commune, école de charité, où l’homme brise le carcan de son égoïsme et élargit son cœur, comme une peau s’étend sous l’action de l’huile. « L’amour charnel devient social lorsqu’il s’élargit à la communauté. »