Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bénédictins (suite)

Actuellement, on distingue les moniales (clôture stricte), essentiellement dans les pays latins (très nombreux monastères, surtout en Italie et en Espagne), et les sœurs (surtout aux États-Unis). Les unes et les autres peuvent être soumises soit à un supérieur régulier (par exemple, Sainte-Cécile de Solesmes), soit à l’autorité épiscopale. Plusieurs sont à proximité d’abbayes de moines (Solesmes, Wisques, Kergonan, En-Calcat, Tournay, Belloc). La fédération du Cœur immaculé de Marie regroupe les monastères de Chantelle, Pradines, Jouarre, Maumont, La Rochette, Flée. Les Bénédictines du Saint-Sacrement ont les monastères de Paris (rue Tournefort), Caen et Bayeux, Craon, etc. Les Bénédictines du Calvaire, Saint-Jean-de-Braye et Angers. Mais il est bien d’autres monastères : Argentan, Vénière, Verneuil-sur-Avre, Limon, Valognes, etc.

D’après le catalogue SS. Patriarchae benedicti familiae confoederatae 1965 (éd. Anselmianae, 1965), il y a 9 602 moniales réparties en 277 monastères et 13 795 sœurs en 398 monastères ou maisons.

Les oblats

Ils ne constituent pas un tiers ordre, mais, conformément au caractère « familial » des communautés monastiques, l’oblature permet aux chrétiens vivant dans le monde de se rattacher à tel ou tel « foyer » de vie spirituelle.


L’originalité de l’œuvre de saint Benoît

Saint Benoît s’en est donc tenu à définir les grandes lignes : équilibre et sacralisation de la vie, avons-nous dit ; à quoi s’ajoute une définition, elle-même assez schématique, de la communauté monastique.

S’il a choisi « la solide race des cénobites », ce n’est pas qu’il méprise la vie érémitique. Bien plutôt conduirait-elle à ces « sommets de vertu et de contemplation » qu’il évoque à la fin de sa règle en se bornant à espérer des communautés qui suivront sa « petite règle de début » « une vie quelque peu honnête et un commencement d’observance ». Il avait lui-même trop expérimenté les difficultés guettant ceux qui se jetteraient sans préparation dans la solitude pour estimer sage une probation préalable, où l’on puisse s’appuyer sur l’aide d’un père spirituel et d’une communauté fraternelle.

Ce qui marquera son institution sera sa cohésion : engagement définitif des moines à cette communauté, sanctionné par un vœu spécial de stabilité (rien à voir avec l’exclusion des voyages que beaucoup imaginent) ; élection à vie d’un supérieur, parce qu’il est l’abba, et qu’il n’y a qu’un Père dont il est le sacrement vivant (chap. ii et lxiv) ; participation de tous les moines au conseil, ou « chapitre » (chap. iii) ; pauvreté faite surtout du partage et de la communauté des biens (chap. xxxii-xxxiv) ; établissement de métiers assurant la vie de tous (chap. lxvi) ; entraide dans le travail et charité en toute occasion (chap. xxxv et lxxii). Il y a là tous les éléments pour établir dans la communauté une permanence et une marge d’autonomie à l’égard de l’extérieur assez comparables à celles d’une vraie « famille ». Mais rien n’est dit sur les relations entre monastères. De tout cela résultera ce qui fait à la fois la force et la faiblesse de la vie bénédictine, tout au long de sa longue histoire.

On a donné à saint Benoît le titre de « patriarche des moines d’Occident », et, en octobre 1964, Paul VI l’a proclamé « patron de l’Europe ». De fait, le fondateur du Mont-Cassin se trouve à un nœud particulièrement important de l’histoire, à la fois du monachisme et de la civilisation occidentale chrétienne.

Il profite en effet de toute la tradition monastique, tant orientale qu’occidentale. Mais il est aussi le contemporain de Théodoric et de Clovis, puis de Totila et de Justinien, c’est-à-dire de l’échec de la dernière tentative pour rejoindre sous le sceptre de Byzance les tronçons de l’héritage romain. Et Benoît fera charnière non seulement avec le monachisme ultérieur d’Occident progressivement rallié à sa règle, mais avec tout ce « Moyen Âge » qui se construira si lentement, pour une bonne part grâce au levain des monastères bénédictins. Non que Benoît semble s’être préoccupé de la conjoncture historique, comme fit Cassiodore, fondateur à la même époque d’un « vivarium » éphémère pour la conservation de la culture antique. Mais, par la valeur synthétique de son enseignement spirituel, par le caractère organique de la vie bénédictine comme par la grande souplesse d’une institution capable de répondre aux besoins les plus divers, la règle des moines créait des centres forts et autonomes, qui serviraient de points de ralliement à une civilisation naissante.

Quand tout se désagrégeait sous le coup des invasions, un monastère où l’on trouvait l’essentiel de ce qu’il faut à une communauté pour vivre (règle, chap. lxvi) avait de quoi surnager et regrouper la population environnante. Nos villes et bourgades en sont sorties, par dizaines ! Et du fait qu’ils n’étaient pas spécialisés, comme dans les instituts religieux ultérieurs, les moines furent disponibles pour parer aux besoins les plus divers. Hommes sans métier déterminé, hommes de tous les métiers par conséquent : agriculteurs moins peut-être que ne le veut leur légende, mais aussi, à l’occasion, promoteurs de l’industrie et du commerce — n’ont-ils pas fondé foires et marchés ? —, ingénieurs des ponts et chaussées, architectes ou artisans de toutes sortes, maîtres d’école et médecins, apôtres et pasteurs d’âmes, savants et diplomates internationaux ou, ce qui était encore plus nécessaire peut-être, conciliateurs entre le Sacerdoce et l’Empire.


Les grandes étapes de l’histoire bénédictine


1re période : vie-viiie siècle

La règle s’introduit dans les monastères préexistants, et coexiste avec les autres institutions. Ainsi, comme en Provence, elle avait fait bon ménage avec la règle de saint Césaire d’Arles ; à Luxeuil et dans les nombreux monastères colombaniens se répand à partir de 630-635 une Regula sanctorum Benedicti et Columbani. En Angleterre, bien que l’on n’en ait pas de preuves formelles, comment supposer qu’Augustin, envoyé par le pape bénédictin saint Grégoire le Grand avec quarante moines du monastère bénédictin de Saint-André du mont Caelius et fondateur de Canterbury, n’ait pas introduit dans ce pays la règle de saint Benoît ? En tout cas, après une période indécise où Celtes et Romains rivalisent d’influence, elle s’imposera au synode de Whitby (664). À leur tour, au viiie s., les grands apôtres de la Frise et de la Germanie la propagent en ces terres nouvelles, où ils implantent une soixantaine de monastères, à mesure qu’ils progressent.