Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belgrade

En serbe Beograd, capit. de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, de la république de Serbie et de la « région étroite » de celle-ci. Principale métropole des Balkans après Athènes et avec Sofia, l’agglomération compte plus de 850 000 habitants.


La position est celle d’un carrefour, au confluent de la Save et du Danube, non loin des confluents de la Tisza et de la Morava du Sud avec le Danube. Là se sont croisées à toutes les époques les grandes routes du Sud-Est européen : la route transversale, des Alpes autrichiennes et du fond de la mer Adriatique (Trieste et Rijeka) au Danube et à la mer Noire ; la voie méridienne, des plaines pannoniennes au golfe de Thessalonique. Cette situation confère à la ville les fonctions voisines de celles de Lyon, et on a pu comparer le couloir Morava-Vardar à celui de la Saône et du Rhône. Le site lui-même se prête admirablement au développement sinon d’une grande ville moderne, du moins, à l’origine, d’une forteresse. Dernier promontoire des montagnes de Serbie vers le nord, le Kalemegdan domine le confluent de plus de 100 m.

Les deux fleuves, Danube et Save, sont navigables, et le port de confluence fut également actif de tout temps. Belgrade a la vocation de foire : à l’époque serbe, les produits d’Asie Mineure s’y échangent contre les denrées d’Occident ; des corporations d’artisans et de marchands s’y développent. Après l’occupation par les Ottomans, la ville s’orientalise. Les Turcs y construisent des palais, des bains, des mosquées, un bazar dont il ne reste presque aucune trace.

C’est précisément cette longue occupation du début du xvie au début du xixe s. qui stérilise les fonctions de la ville, dont ne subsiste que le rôle militaire. Située non loin de la frontière, face aux armées impériales qui occupent la ville de Zemun (sur la terrasse dominant la rive gauche de la Save), Belgrade, dévastée, bombardée, occupée temporairement, décline. Au début du xixe s., elle ne compte plus que 20 000 habitants.

La révolution industrielle du xixe s. n’affecte que partiellement les Balkans ; elle atteint Belgrade plus tardivement que les villes slovènes, dalmates et croates, et se manifeste de façon timide. D’abord parce que Belgrade ne devient capitale dans la Serbie autonome qu’en 1839, à la place d’une ville située plus au sud qui avait été l’arsenal de la Šumadija, Kragujevac. Ensuite parce que les troupes turques, en vertu d’accords passés, occupent le Kalemegdan jusqu’en 1867. Enfin parce que le sud des Balkans reste la possession des Ottomans jusqu’aux guerres balkaniques et la Première Guerre mondiale, que le trafic sur le Danube n’est internationalisé qu’en 1878. Pendant cette longue période de difficultés et d’attente, les retards économiques et démographiques s’accumulent. En fait, Belgrade, en 1919, ressemble encore à un gros village d’aspect oriental, et son véritable essor date de la fondation de l’État des Serbes, Croates et Slovènes, qui devient la Yougoslavie, plus encore de la création de la Fédération socialiste yougoslave, qui en fait sa capitale et la dote en moyens propres à combler son retard. Belgrade passe alors de 240 000 habitants vers 1920 à plus de 300 000 après 1930, et 600 000 après 1950.

Les fonctions sont doubles : industrielles et tertiaires. L’implantation d’industries nouvelles a été favorisée par la tradition d’un artisanat ancien (cuir, textiles) et des secteurs liés au trafic du port (construction, industries alimentaires) ou à la fonction de capitale (édition, imprimerie). C’est l’industrie mécanique qui est la mieux représentée dans la banlieue de la ville. L’usine de Bežanija a produit les premiers moteurs Diesel de toute la Fédération. À Rakovica, l’entreprise Jugostroj fabrique des machines agricoles. À Železnik, l’usine Ivo Lola Ribar livre du matériel d’équipement. La taille des entreprises et des unités de production reste moyenne — quelques milliers de salariés seulement —, mais le nombre des entreprises s’élève à plusieurs dizaines, la qualité de la production est élevée et une partie est exportée, notamment dans les pays du tiers monde.

Les services l’emportent néanmoins sur l’industrie. Belgrade compte les entreprises les plus considérables de toute la Yougoslavie pour la redistribution, le commerce avec l’étranger et avec les autres républiques. Le trafic des gares et de l’aéroport est de loin le plus élevé. Le port fluvial a un trafic dépassant 3 Mt (90 p. 100 aux exportations, une faible partie étant destinée aux autres États riverains du Danube). L’université et les hautes écoles techniques comptent plus de 50 000 étudiants (contre 20 000 à Zagreb). Des laboratoires de recherche se sont fondés dans sa proche banlieue : le centre nucléaire de Nova Vinča est le plus important des Balkans. Belgrade est même un centre non négligeable du cinéma et de la mode. La fonction fédérale de la ville s’exprime par la concentration des bureaux (ministères fédéraux et ministères de la république de Serbie) et des principaux organismes de la Fédération. Son rôle international apparaît dans le nombre des étrangers (plus de 300 000) qui passent ou séjournent, la fréquence des congrès et colloques qui y sont organisés, la fréquentation étrangère de sa foire industrielle, rivale de celles de Zagreb et de Plovdiv.

La croissance de la population résulte sans doute d’excédents naturels encore élevés (plus de 1 p. 100), mais surtout de mouvements migratoires. Entre les deux recensements de 1953 et de 1961, ce sont les communes du district de Belgrade qui accusent les taux d’expansion les plus rapides de toute la Yougoslavie : 30 p. 100. La population immigrée est originaire des districts montagneux de Serbie, de la Bosnie orientale, du Monténégro et de la Macédoine. Le dynamisme et la mobilité de cette nouvelle population témoignent de la jeunesse d’un véritable creuset démographique.

L’agglomération s’étend sur une vaste superficie, exploitant la variété des conditions offertes par le milieu topographique. Le centre animé de la ville, petite « city », se compose de la « vieille ville », autour de la place de Terazije, en arrière du Kalemegdan, transformé en parc et musée. L’axe principal, le boulevard de la Révolution, suit l’échine qui, de Terazije, conduit au mont Avala, où a été construit le monument du Soldat inconnu de la Première Guerre mondiale (dû à Ivan Meštrović). De chaque côté, des quartiers neufs, grands ensembles ou villas, repoussent les agglomérations disparates de caractère rural, formées de maisons basses entourées de jardinets le long de rues boueuses ou d’impasses qui faisaient le charme de certains quartiers, mais qui disparaissent rapidement. L’urbanisation progresse également le long de la rive droite de la Save, au-dessus du port fluvial, à partir d’un noyau ancien qui reliait Terazije à l’unique pont sur le fleuve. Au-dessus et au bord du Danube, ce sont surtout les entrepôts et le quartier des industries liées au port jusqu’au pont de Pančevo, emprunté par la route et la voie ferrée qui se dirigent vers le Banat et la Roumanie. Les villages des environs de Belgrade deviennent des sites d’habitat résidentiel, dont le développement est favorisé par les progrès rapides du nombre des voitures particulières. Enfin, les résidences secondaires, maisons de campagne se multiplient en direction des forêts du massif de la Šumadija. Mais l’avenir semble être la construction du Nouveau Belgrade (Novi Beograd) entre Zemun et la Save, malgré les vicissitudes de sa construction, commencée en 1948 et reprise sur un autre plan en 1954. Cette véritable ville nouvelle, reliée par plusieurs ponts modernes sur la Save à la vieille ville, comprend des édifices à usage administratif (assemblée, conseil exécutif, ministères), des bâtiments universitaires, plusieurs grands ensembles résidentiels et des terrains de récréation et de sport. La commune (opština) du Nouveau Belgrade compte plus de 80 000 habitants, répartis sur 40 km2. Les difficultés résident dans le coût de la construction sur des terrains marécageux. C’est grâce au développement du Nouveau Belgrade que l’agglomération dépassera le million d’habitants en 1980.