Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belgique (suite)

Après 1918, la Belgique abandonne sa neutralité, adhère à la Société des nations, participe à l’occupation de l’Allemagne et signe le traité de Locarno (1925). Son armée est réorganisée par les lois de 1923 et de 1926, qui instituent un service actif de douze à treize mois suivant les armes. Le 10 mai 1940, lors de la ruée allemande, la Belgique met en ligne une armée de 900 000 hommes articulée en 22 divisions. Cette armée, écrasée sous le poids de la Wehrmacht, capitule le 27 mai 1940, après avoir perdu environ 14 000 hommes en dix-huit jours d’âpres combats. Les forces belges d’outre-mer poursuivent la lutte contre l’Afrique-Orientale italienne, tandis qu’en Grande-Bretagne sont mises sur pied les unités qui prendront part aux opérations en Europe après le débarquement de 1944. Dans le même temps, la résistance intérieure est dirigée par le prince Charles et le général Pire, commandant de l’armée secrète.

Depuis 1945, la Belgique a renoncé de nouveau à sa neutralité, participé à l’occupation de l’Allemagne et détaché un bataillon en Corée (1950). Membre de l’O. N. U. depuis 1945, elle a contribué activement à la création des diverses communautés européennes ; pour sa sécurité extérieure, elle s’en remet à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Consacrant à son budget de défense moins de 3 p. 100 de son produit national brut (un des plus faibles pourcentages des pays de l’O. T. A. N.), elle entretenait en 1976 des forces armées d’environ 88 000 hommes, dont 31 000 miliciens. Un plan de réorganisation, en cours de réalisation, vise à réduire les dépenses de personnel pour permettre de financer la modernisation indispensable des équipements.

• Les forces terrestres (64 000 hommes) comprennent essentiellement un corps d’armée à 2 divisions (4 brigades) intégré dans le groupe d’armées nord de l’O. T. A. N., un régiment de para-commando et 11 000 hommes affectés aux forces de défense de l’intérieur. Le remplacement des chars Patton par des chars « Léopard » allemands s’est effectué de 1968 à 1970. Le plan de réforme de 1967 a réduit l’effectif des forces terrestres en ramenant de 6 à 4 le nombre des brigades stationnées en Allemagne, tout en augmentant le pourcentage des militaires de carrière et en valorisant les forces de défense de l’intérieur, notamment la gendarmerie (15 000 hommes en 1976).

• La force aérienne (20 000 hommes) représente environ 144 appareils. La presque totalité de ses unités de combat est mise, dès le temps de paix, à la disposition de l’O. T. A. N. La décision de remplacer les « F-84 » américains par des « Mirages V » français a été prise en 1968. En 1975 l’avion de combat américain « F-16 » a été choisi pour remplacer le « F-104 ».

• La force navale, héritière de la marine royale, créée en 1831, comprend environ 4 000 hommes, servant dans une soixantaine de petites unités (environ 26 000 t). Le groupement opérationnel est affecté au commandement interallié de la Manche (CINCHAN). Le programme de modernisation prévoit la construction prochaine, par des chantiers belges, d’une vingtaine de chasseurs dragueurs et de 4 escorteurs.

L’armée belge, comme le reste de la nation, quoique de façon moins aiguë, doit faire face au problème linguistique. Celui-ci se traduit par un déséquilibre des communautés flamande et wallonne entre la troupe et l’encadrement, notamment dans les grades élevés. Dans les forces terrestres, alors que 63 p. 100 des appelés et 60 p. 100 des officiers subalternes sont flamands, 65 p. 100 des officiers supérieurs et 78 p. 100 des officiers généraux sont wallons. Cette situation s’améliore progressivement, grâce à un recrutement plus favorable aux éléments flamands et à des mesures incitant les officiers supérieurs ne parlant qu’une langue à prendre une retraite anticipée.

B. de B.


La littérature belge


La littérature de langue française


Problèmes des lettres françaises de Belgique

« L’histoire de la littérature belge, notait un observateur étranger, se caractérise précisément par le fait que chacun de ses pas a été accompagné (ou précédé) de doute quant à son existence. » (L. G. Andreïev.) La constatation reste vraie si l’on restreint le propos à la seule littérature belge de langue française. Le manifeste du groupe du Lundi (1937) n’assurait-il pas « qu’il est absurde de concevoir une histoire des lettres belges de langue française en dehors du cadre général des lettres françaises » ? La vivacité des termes s’explique par la polémique qui opposait depuis plus d’un demi-siècle tenants et adversaires de l’attribution d’une qualité nationale à la production, dans les provinces belges, d’œuvres dont les plus marquantes et, jusque-là, les plus nombreuses usaient de l’idiome français. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Paul Hamélius s’était efforcé de démontrer l’unitarisme de la littérature belge indépendamment de la langue, flamande ou française. Conception d’inspiration évidemment politique, et c’était revenir à la considération du fait proprement littéraire que d’affirmer, comme le faisait le groupe du Lundi, l’existence en Belgique de deux littératures caractérisées chacune par la langue employée. Mais c’était simplifier les choses que d’en inférer une pure intégration de la production française de Belgique à la littérature de France. Une littérature ne se réduit pas à son seul aspect linguistique, et pouvait-on à tous égards qualifier d’écrivains « français » un Verhaeren et un Lemonnier par exemple ?

À la racine du problème se trouve le curieux phénomène historique qui fit de quelques bourgeois flamands, instruits en français, les introducteurs des lettres de Belgique sur la scène mondiale. Bientôt le développement en Flandre d’une conscience populaire propre, en même temps que la vigoureuse croissance d’une littérature de langue néerlandaise, allait modifier le tableau. Non sans transition cependant, puisque jusqu’à nos jours quelques-uns des écrivains francophones les plus importants de Belgique, un Hellens, une Gevers, un De Ghelderode, un Paron, ont prolongé la tradition de l’auteur dont la nature est flamande et la plume française... Cela doit faire comprendre la persistance de l’épithète belge et explique comment l’érudit soviétique déjà cité a pu croire possible de présenter une thèse selon laquelle il y aurait eu, du milieu du siècle dernier jusqu’à la Première Guerre mondiale, une littérature de langue française méritant le nom de belge, puisque c’étaient des non-Français d’esprit et de tempérament qui y exprimaient leur originalité ! Le défaut d’une telle vue, c’est que ce n’était pas précisément l’esprit de la vie belge qui animait De Coster, Verhaeren ou le Maeterlinck de la première période, plus tard De Ghelderode, mais que ceux-ci tiraient tout simplement d’un mythe historique l’image esthétiquement impressionnante d’une Flandre toute littéraire, qui offrait bien peu de rapport avec la réalité du pays belge où ils vivaient. Le dernier d’entre eux, Michel De Ghelderode* (1898-1962), a très significativement intitulé l’un de ses livres Flandre est un songe. Mais la valeur profonde de ces auteurs ne résidait pas dans le « flandricisme » dont ils se sont à la fois servis et exaltés... Ce théâtre refermé, le problème de dénomination et de définition qui nous occupe demeurait entier.