Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Becquerel (Antoine Henri) (suite)

Sur une plaque photographique enveloppée de papier noir, deux lamelles de sulfate double d’uranium et de potassium sont déposées ; entre l’une d’elles et la plaque est placée une pièce d’argent. Croyant naturellement qu’une excitation par la lumière est nécessaire, Becquerel expose le tout au soleil. Après une pose de quelques heures, le développement de la plaque fait apparaître une légère impression figurant les silhouettes des lamelles, ainsi que l’ombre portée par la pièce métallique. Il semble donc avoir trouvé le phénomène cherché. Mais, le 26 février, le ciel est resté couvert, et les châssis sont enfermés dans un tiroir. Le 1er mars, le soleil reparaît. Avant de recommencer ses essais, en expérimentateur scrupuleux, Becquerel a l’idée de vérifier l’état des anciennes plaques ; à son grand étonnement, il les trouve fortement impressionnées, bien que cette fois les sels uraniques n’aient pas été soumis à l’action préalable du soleil, et n’aient par suite pas été en état de phosphorescence.

Seule explication possible : l’uranium émet continuellement, et sans qu’une exposition à la lumière soit nécessaire, un rayonnement pénétrant de nature encore inconnue. C’est ce qu’annonce Henri Becquerel à l’Académie des sciences le lendemain 2 mars 1896, ouvrant ainsi à la science un monde nouveau.

Il établit que l’activité spontanée de l’uranium est une propriété atomique, valable aussi bien pour le métal que pour tous ses composés. Il montre que les « rayons uraniques », tout comme les rayons X, rendent les gaz conducteurs, et utilise l’électroscope pour une étude quantitative. Plus tard, lorsqu’il peut disposer de polonium et de radium, beaucoup plus actifs, que lui prête Pierre Curie*, il reconnaît, grâce à l’emploi de champs magnétiques, l’existence des rayons alpha et bêta, et il montre l’analogie de ce dernier rayonnement et du rayonnement cathodique. Les rayons gamma seront mis en évidence, en 1900, par le Français Paul Villard (1860-1934).

En 1903, le prix Nobel de physique est, pour la première fois, décerné à des savants français. Il est partagé entre Henri Becquerel, pour cette découverte, et Pierre et Marie Curie*, pour leurs travaux en résultant.

Loin d’avoir été fortuite, cette découverte est due à l’intuition géniale, à la méthode de travail minutieuse et à l’habileté expérimentale de son auteur. Mais on doit aussi reconnaître qu’elle avait été préparée par la continuité des travaux accomplis de père en fils dans le même laboratoire. Comme Henri Becquerel se plaisait à le dire : « La découverte de la radio-activité devait être faite dans le laboratoire du Muséum, et si mon père avait vécu en 1896, c’est lui qui en aurait été l’auteur. »

R. T.

 A. Ranc, Henri Becquerel et la découverte de la radio-activité (Éd. de la Liberté, 1946).

Beethoven (Ludwig van)

Compositeur allemand (Bonn 1770 - Vienne 1827).


Partagée à peu près équitablement entre les dernières années du xviiie s. et les premières années du siècle suivant, la vie de Beethoven se situe au point d’intersection du classicisme finissant et du romantisme alors en marche vers la conquête des esprits européens. Il n’est donc pas étonnant que son œuvre reflète ces deux tendances de l’art et qu’à travers le drame latent de leur antagonisme fondamental transparaisse la grandeur d’un génie dont les aspirations humanitaires autant que l’idéal artistique constituent la trame sous-jacente.


La vie


Beethoven à Bonn (1770-1792)

Beethoven est venu au monde dans une famille de musiciens d’origine brabançonne. Son grand-père Louis, né en 1712 et baptisé à Malines, s’était fixé à Bonn en 1732 ; musicien de cour, puis maître de chapelle du prince-évêque en 1761, marié à une jeune fille de Bonn qui sombra dans l’alcoolisme et la folie, il mourut en 1773, ne laissant qu’un fils : Johann (v. 1740-1792). Celui-ci avait reçu à l’âge de 16 ans le titre de musicien de cour ; ayant épousé en 1767 une jeune veuve de 21 ans, il eut sept enfants, dont quatre moururent en bas âge. Ludwig van Beethoven est le second d’entre eux ; son acte de baptême porte la date du 17 décembre 1770, ce qui laisse présumer qu’il serait né, le 16.

Le père, alcoolique invétéré, n’était guère capable d’éduquer ses enfants ; il met Ludwig au clavier dès l’âge de quatre ans et le produit en public à Cologne en 1778 : Beethoven a huit ans, et cependant son père tente de faire croire qu’il en a seulement six. En 1781, il lui fait entreprendre une tournée de concerts en Hollande, mais, s’étant rendu compte entretemps qu’il lui était impossible de parfaire seul l’éducation musicale de son fils, il le confie à divers professeurs : au ténor Tobias Pfeiffer en 1779-1780, au violoniste Franz Rovantini, son cousin (mort prématurément en 1781), à l’organiste Egidius Van den Eeden (1704-1782) et au franciscain Wilibald Koch. Cependant, son éducateur le plus sérieux est, à partir de 1782, Christian Gottlob Neefe (1748-1798). Auteur de singspiels appréciés, homme fin et cultivé, Neefe lui révèle le Clavecin bien tempéré de J.-S. Bach et lui fait connaître les sonates de Carl Philipp Emanuel Bach ; de plus, étant chef d’orchestre du théâtre de la Cour, il prend le jeune Beethoven avec lui comme claveciniste répétiteur, avant d’en faire en 1784 son adjoint comme organiste de la Cour.

Si l’éducation musicale de Beethoven suit un cours normal, sa culture générale, par contre, laisse fort à désirer. À l’âge de 10 ans, il quitte l’école élémentaire ; c’est en autodidacte qu’il s’efforcera d’acquérir sa vie durant les connaissances qui lui sont indispensables. Il lira les auteurs anciens et les poètes allemands contemporains ; les familles bourgeoises qui l’accueilleront achèveront son éducation personnelle.

Beethoven rencontre en 1782 un jeune étudiant en médecine d’excellente origine, Franz Gerhard Wegeler, dont l’affectueuse amitié va désormais accompagner fidèlement sa vie. C’est lui qui le fait admettre dans la famille von Breuning ; veuve depuis l’incendie du palais électoral de Bonn (1777), où son mari, alors conseiller aulique, avait trouvé la mort, Helene von Breuning vit avec ses quatre enfants (trois garçons et une fille), dont l’âge est voisin de celui de Beethoven. Considéré comme l’enfant de la maison, le jeune musicien y passe la plus grande partie de son temps. En 1783 paraissent à quelques mois d’intervalle à Mannheim et à Spire Neuf Variations sur une marche de Dressler et Trois Sonatines pour le clavier : ce sont ses premières œuvres. Sur le conseil de son chambellan, le comte F. von Waldstein, l’Électeur envoie Beethoven à Vienne en 1787 pour lui permettre de compléter ses études musicales ; on sait peu de chose sur ce séjour, qui fut très bref, puisque, arrivé en avril, Beethoven repart au mois de juin ; il a pu, au moins, rencontrer Mozart, et celui-ci aurait, dit-on, pressenti son génie ; mais il n’est pas impossible qu’il ait également connu Gluck à l’occasion de ce voyage.