Becquerel (Antoine Henri) (suite)
Sur une plaque photographique enveloppée de papier noir, deux lamelles de sulfate double d’uranium et de potassium sont déposées ; entre l’une d’elles et la plaque est placée une pièce d’argent. Croyant naturellement qu’une excitation par la lumière est nécessaire, Becquerel expose le tout au soleil. Après une pose de quelques heures, le développement de la plaque fait apparaître une légère impression figurant les silhouettes des lamelles, ainsi que l’ombre portée par la pièce métallique. Il semble donc avoir trouvé le phénomène cherché. Mais, le 26 février, le ciel est resté couvert, et les châssis sont enfermés dans un tiroir. Le 1er mars, le soleil reparaît. Avant de recommencer ses essais, en expérimentateur scrupuleux, Becquerel a l’idée de vérifier l’état des anciennes plaques ; à son grand étonnement, il les trouve fortement impressionnées, bien que cette fois les sels uraniques n’aient pas été soumis à l’action préalable du soleil, et n’aient par suite pas été en état de phosphorescence.
Seule explication possible : l’uranium émet continuellement, et sans qu’une exposition à la lumière soit nécessaire, un rayonnement pénétrant de nature encore inconnue. C’est ce qu’annonce Henri Becquerel à l’Académie des sciences le lendemain 2 mars 1896, ouvrant ainsi à la science un monde nouveau.
Il établit que l’activité spontanée de l’uranium est une propriété atomique, valable aussi bien pour le métal que pour tous ses composés. Il montre que les « rayons uraniques », tout comme les rayons X, rendent les gaz conducteurs, et utilise l’électroscope pour une étude quantitative. Plus tard, lorsqu’il peut disposer de polonium et de radium, beaucoup plus actifs, que lui prête Pierre Curie*, il reconnaît, grâce à l’emploi de champs magnétiques, l’existence des rayons alpha et bêta, et il montre l’analogie de ce dernier rayonnement et du rayonnement cathodique. Les rayons gamma seront mis en évidence, en 1900, par le Français Paul Villard (1860-1934).
En 1903, le prix Nobel de physique est, pour la première fois, décerné à des savants français. Il est partagé entre Henri Becquerel, pour cette découverte, et Pierre et Marie Curie*, pour leurs travaux en résultant.
Loin d’avoir été fortuite, cette découverte est due à l’intuition géniale, à la méthode de travail minutieuse et à l’habileté expérimentale de son auteur. Mais on doit aussi reconnaître qu’elle avait été préparée par la continuité des travaux accomplis de père en fils dans le même laboratoire. Comme Henri Becquerel se plaisait à le dire : « La découverte de la radio-activité devait être faite dans le laboratoire du Muséum, et si mon père avait vécu en 1896, c’est lui qui en aurait été l’auteur. »
R. T.
A. Ranc, Henri Becquerel et la découverte de la radio-activité (Éd. de la Liberté, 1946).