Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bauhaus (suite)

Durant son séjour en U. R. S. S. (1930-1936), qui coïncide avec la période des deux premiers plans quinquennaux, H. Meyer se consacre à l’enseignement et à l’établissement de plans d’urbanisme. Il passe deux années à Genève, puis repart en 1938 pour le Mexique, où, en dix ans, il accomplit un travail considérable dans le domaine de l’aménagement et de la planification de l’équipement. Rentré en Suisse en 1949, il y meurt oublié en 1954.


Oskar Schlemmer

(Stuttgart 1888 - Baden-Baden 1943). Schlemmer avait été l’élève d’Adolf Hoelzel, pionnier d’une pédagogie abstraite de l’image. Il ne renonça cependant jamais, quant à lui, à la figure, et c’est autour du problème des rapports de cette figure avec l’espace que se développe toute sa réflexion d’artiste. Pour le résoudre, alors que l’art allemand s’engage dans l’aventure expressionniste, Schlemmer se reporte à la tradition la plus classique : Seurat* est le peintre auquel il demande constamment des leçons pour construire ses figures comme façonnées au tour. Pour Schlemmer, en effet, la figure humaine ne crée pas seulement, par sa présence et ses déplacements, l’espace dans lequel elle se meut, elle est également modelée par lui ; aussi, pour l’exprimer, le peintre doit-il définir un ensemble de stéréotypes permettant de caractériser avec précision et souplesse les principaux types de rapports, statiques ou dynamiques, qui s’établissent entre elle et lui. La recherche de Schlemmer est donc voisine de celle de Fernand Léger et, comme elle, débouche sur un art monumental, appelant l’insertion dans l’architecture, voire une extrapolation dans les trois dimensions. Aussi bien est-ce pour assumer la direction de l’atelier de sculpture sur pierre que Schlemmer est appelé au Bauhaus. C’est cependant comme peintre qu’il y produit ses œuvres maîtresses (fresques du Bauhaus de Weimar [1923] et du musée Folkwang à Essen [1928-1930] ; ces deux ensembles furent les premiers à être détruits par les nazis) — à moins que l’on ne tienne pour plus importante encore son activité comme chef de l’atelier de recherches scéniques (1925-1929).

Dès 1915, Schlemmer, lui-même excellent danseur, avait conçu un ballet dans lequel, au lieu de mimer une action psychologique, le danseur révèle, par les figures qu’il décrit, la structure invisible de l’espace, qui devient pour le spectateur réalité sensible. L’intervention de plusieurs danseurs — trois au maximum dans le Ballet triadique — permet d’enrichir cet espace en en variant les interprétations. Un tel spectacle peut être qualifié d’abstrait, puisque toute anecdote réaliste en est éliminée. Cependant, bien que le danseur n’apparaisse jamais que revêtu d’un costume qui géométrise radicalement sa silhouette, Schlemmer se refuse à lui substituer, comme le proposent alors Lissitsky, Moholy-Nagy et même Kandinsky, une mécanique commandée par un opérateur : même sous l’aspect de « Kunstfigur », la figure vivante reste l’âme du spectacle comme de la peinture de Schlemmer.

Après son départ du Bauhaus (1929), Schlemmer enseigne à Breslau, puis à Berlin. Persécuté dès 1933 comme « artiste dégénéré », il connaît la misère de l’émigration intérieure et meurt en 1943, alors qu’une série de Fenêtres, peintes clandestinement, semblaient annoncer un renouvellement de son art.

➙ Allemagne / Architecture du xxe s. / Décoratifs modernes (arts) / Design.

 H. Bayer, W. et I. Gropius, Bauhaus, 1919-1928 (New York, 1938 ; 3e éd., 1959). / G. C. Argan, Walter Gropius e la Bauhaus (Turin, 1951 ; nouv. éd., 1966). / H. M. Wingler, Das Bauhaus, 1919-1933 (Bramsche, 1962 ; 2e éd., 1968). / B. Adler, Das Weimarer Bauhaus (Darmstadt, 1963) / L. Lang, Das Bauhaus, 1919-1933 (Berlin, 1965). / E. Roters, Maler am Bauhaus (Berlin, 1965). / W. Scheidig, le Bauhaus de Weimar, 1919-1924, travaux d’atelier (Stuttgart, 1966). / D. Schmidt, Bauhaus (Dresde, 1966). / G. Naylor, The Bauhaus (Londres, 1968). / H. M. Wingler, Bauhaus (Cologne, 1971).
CATALOGUE : Bauhaus, 1919-1969 (musée national d’Art moderne et musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 1969).

Chronique

1919

Le Bauhaus est fondé par réunion de l’école des Beaux-Arts et de l’école d’Art appliqué de Weimar, fusion que le corps enseignant de ces écoles n’accepte pas sans protester. Les premiers « maîtres » appelés par Gropius sont Johannes Itten (cours préliminaire) [Vorkurs], Lyonel Feininger (imprimerie) et Gerhard Marcks (céramique). Gropius dirige lui-même l’atelier de menuiserie.

1920

Un « Comité civique » mène contre le Bauhaus une campagne acharnée. La pénurie de moyens, en pleine période d’inflation, rend difficile le travail des ateliers. Un atelier de tissage est ouvert (Georg Muche [né en 1895]).

1921

L’école des Beaux-Arts reprend son autonomie. Paul Klee et Oskar Schlemmer rejoignent le Bauhaus (ateliers de vitrail et de sculpture monumentale). Lothar Schreyer (1886-1966), qui a animé à Berlin le théâtre d’essai du Sturm, dirige l’« atelier scénique ». Théo Van Doesburg, fondateur de la revue De Stijl*, invité par Gropius à faire une conférence au Bauhaus, s’installe à Weimar.

1922

Kandinsky, qui a quitté l’U. R. S. S. après le rejet de son programme d’enseignement pour l’« Institut de culture artistique » de Moscou, se voit confier l’atelier de peinture murale. Van Doesburg dirige à Weimar un « Groupe international constructiviste ». L’enseignement critique qu’il donne en dehors du Bauhaus exerce sur les étudiants une influence croissante.

1923

Gropius, refusant le sectarisme mystique d’Itten, met fin aux fonctions de celui-ci, que remplace Moholy-Nagy. Schreyer quitte le Bauhaus : l’atelier scénique sera repris par Schlemmer. Les attaques se multiplient tant à droite, du fait des « nationaux » et des chambres de métiers, qu’à gauche, chez les constructivistes, qui reprochent au Bauhaus son attachement romantique à l’artisanat et son esthétique expressionniste. Une « Semaine » présente le travail déjà réalisé au Bauhaus ; un ouvrage collectif (Staatliches Bauhaus Weimar 1919-1923) en expose les positions théoriques et le programme. Ces deux manifestations procurent au Bauhaus une audience internationale.

1924

À la suite de l’élection d’une majorité d’extrême droite à la diète provinciale de Thuringe, le Conseil des « maîtres » décide à l’unanimité, le 26 décembre, de dissoudre le Bauhaus. La nouvelle provoque une vive émotion en Allemagne et à l’étranger.

1925