Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bauhaus (suite)

Dans ses propres recherches plastiques, il s’attache à transformer, par les moyens les plus simples, une structure visuellement neutre en un champ de forces retenant le regard par son dynamisme intérieur. Il y parvient soit par des moyens graphiques, en suggérant l’existence de figures instables permettant des lectures contraires, soit en jouant des interactions de tons voisins, rendant instable la surface totale du tableau (compositions de la série Hommage au carré).


Herbert Bayer

(né à Haag, Autriche, en 1900). Chargé, en 1925, de l’atelier de graphisme publicitaire et de typographie, l’Autrichien Bayer, ex-apprenti du Bauhaus, ne tarde pas à assouplir l’austère géométrisme — où se mêlent influences hollandaises (De Stijl) et russes (Lissitski*) — qu’avait introduit Moholy-Nagy : les échos du « réalisme magique » (parent de la « nouvelle objectivité »), voire du surréalisme, sont perceptibles dans ses montages. Démissionnaire en 1928, il s’installe à Berlin et réalise alors des dispositifs d’exposition, des affiches, des mises en page qui ont profondément marqué le graphisme contemporain. Passé en 1938 aux États-Unis, installé depuis 1946 à Aspen (Colorado), il y poursuit une brillante carrière de graphiste et d’illustrateur, mais aussi de sculpteur et même d’architecte. Bayer est, avec Max Bill (v. abstraction), le représentant le plus marquant du nouveau type de créateur de formes issu du Bauhaus, qui traite tous les problèmes de l’environnement visuel comme une unité.


Lyonel Feininger

(New York 1871 - id. 1956). Il a occupé au Bauhaus une place singulière. Auteur du bois gravé de la Cathédrale du socialisme, qui figurait au verso du manifeste de 1919, il dirige jusqu’en 1925 l’atelier de tirage d’estampes. Il est alors déchargé de tout enseignement, mais demeure jusqu’en 1932 au Bauhaus, dont il fut, aux dires des contemporains, la « conscience silencieuse ».

Jusqu’en 1920, Feininger emprunte au futurisme* une bonne part de ses sujets (villes, paquebots), au cubisme* sa méthode de décomposition de la forme, à l’expressionnisme* son angularité agressive et ses rythmes syncopés. Mais ces éléments disparates sont mis au service d’un lyrisme d’une remarquable intériorité, dont l’humour est aussi une composante.

Cette vision subtilement poétique du monde, qui s’apparente à celle du romantisme allemand comme à celle de Paul Klee, dont Feininger fut l’ami, et de Jacques Villon, s’exprime, à partir de 1920, dans des structures transparentes, d’un équilibre délicat, inspirées à Feininger par l’architecture de villes anciennes surgissant avec une netteté étonnante des brumes du rêve. Plus éloignées encore que celles de Klee de la géométrie élémentaire du constructivisme, les constructions cristallines de Feininger relèvent pourtant, sans aucun doute, de l’« ambiance Bauhaus », tant y est grand le rôle de la lumière et étroite la compénétration des espaces extérieur et intérieur. Rentré en 1936 aux États-Unis, où il était né, Feininger multiplie jusqu’à sa mort les aquarelles immatérielles, dans lesquelles il évoque, avec une égale économie de moyens, le vide des horizons marins ou le grouillement des lumières de la ville.


Johannes Itten

(Schwarzenegg, près de Thoune, 1888 - Zurich 1967). Après avoir suivi à Stuttgart, avec Oskar Schlemmer et Willy Baumeister, l’enseignement d’Adolf Hoelzel, le Suisse Itten était passé à Vienne, où il se familiarisait avec la psychanalyse et entrait en contact avec Franz Čižek, le pionnier de l’« expression libre ». En 1916, il ouvrait lui-même une école, où il adaptait aux besoins des jeunes adultes la pédagogie de celui-ci, conçue en vue de l’éveil de la créativité chez l’enfant. Recommandé à Alma Gropius, ex-Alma Mahler, par l’architecte Adolf Loos, il est appelé dès 1919 à Weimar : jusqu’en 1923, son cours préliminaire sera le cœur vivant du Bauhaus. Il exerce sur une partie des étudiants un ascendant tel que Gropius finit par y voir un danger pour le Bauhaus, Itten extrapolant au plan d’une anthroposophie « mazdéenne » sa théorie, pédagogiquement féconde, du libre développement du « rythme intérieur ». La rupture intervient en 1923. En 1926, Itten rouvre son école à Berlin, perfectionnant sans cesse la méthode éprouvée à Weimar. De 1932 à 1938, il dirige l’école d’Arts décoratifs de Krefeld (textile), puis, jusqu’à sa retraite en 1954, l’école d’Arts appliqués de Zurich, à laquelle il donne une impulsion remarquable. En 1961, il résume sa théorie de la couleur dans un ouvrage monumental, l’Art de la couleur (trad. fr., 1968). Sa propre production picturale, qui le montre évoluant d’un expressionnisme teinté d’orphisme à une abstraction sérielle, mériterait plus d’attention qu’on ne lui en accorde habituellement.


Hannes Meyer

(Bâle 1887 - Crocifisso di Savosa, Tessin, 1954). Les deux années qu’il passa à la direction du Bauhaus ne sont qu’une des péripéties de la carrière difficile d’un architecte dans lequel on n’a reconnu que très tard un des représentants les plus importants du « rationalisme scientifique » en architecture.

Formé sur le tas et par la lecture nocturne de Viollet*-le-Duc, influencé à ses débuts par l’idéologie des cités-jardins et par les écrits de sir Patrick Geddes (1854-1932), le Bâlois Hannes Meyer réalise en 1919-20 dans sa ville natale, pour l’Union suisse des coopérateurs, la cité du « Freidorf » : la recherche esthétique y est consciemment sacrifiée à l’étude des exigences fonctionnelles de la vie d’une communauté restreinte et à la normalisation des éléments de construction. Dans les années suivantes, au contact des pionniers de la nouvelle architecture, en particulier de Le Corbusier et des Néerlandais de De Stijl, H. Meyer met au point une méthode et un langage formel rationalistes, dont, en 1926-27, avec un article-manifeste (le Monde nouveau) et deux projets (école à Bâle, siège de la Société des Nations, l’un et l’autre en collaboration avec son concitoyen Hans Wittwer-[1894-1952]), il donne une expression théorique et pratique si cohérente qu’en 1927 Gropius lui confie la section d’architecture nouvellement créée à Dessau ; l’année suivante, il en fait son successeur à la direction du Bauhaus. L’école de cadres de la Confédération des syndicats allemands (1928-1930), que H. Meyer réalise alors, est d’une justesse d’implantation, d’une souplesse dans l’articulation qui contrastent vivement avec le formalisme des bâtiments du Bauhaus, construits deux ans plus tôt par Gropius.