Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

batteurs de jazz (suite)

Au début des années 40, l’apparition du be-bop s’accompagne d’une transformation décisive des conceptions rythmiques. Remplaçant la traditionnelle ponctuation de la grosse caisse par une vibration continue de la cymbale, Kenny Clarke invente le style de batterie moderne, tandis que Max Roach cherche à créer de véritables lignes mélodiques. Le climat rythmique devient ainsi plus sophistiqué, plus riche, plus complexe. Mais cette « révolution » des boppers a surtout pour conséquence de laisser à tous les instrumentistes une liberté d’invention plus complète. Art Blakey, Philly Joe Jones, Art Taylor, Connie Kay, J. C. Heard, Denzil Best, Tiny Kahn, Chico Hamilton, Shelly Manne, Frank Butler, Roy Haynes utiliseront et adapteront, chacun à sa manière, les découvertes des pionniers bop. Louis Hayes, Dannie Richmond, Pete La Roca, Albert Heath, Daniel Humair et Elvin Jones représentent, eux, la « troisième génération » dans l’ère du be-bop.

Moins directement influencés par les batteurs bop, Buddy Rich, Louis Bellson, Mel Lewis, Sam Woodyard, Sonny Payne, Don Lamond, Shadow Wilson, Gus Johnson, Osie Johnson, Rufus Jones, Grady Tate, Ed Thigpen se contenteront de perfectionner le drumming classique.


Mort et résurrection du « beat »

Après l’avènement du bop, l’évolution s’accélère. La complexité du découpage, les expériences polyrythmiques et les ambitions mélodiques des batteurs modernes finissent par imposer la batterie aux côtés des instruments solistes. En même temps, la liberté qui leur est accordée entraîne certains batteurs à renoncer à leur rôle de « guide » rythmique. Superposant ou mêlant plusieurs rythmes, ils créent des entrelacs si complexes que le beat et le swing perdent de leur évidence ; l’un et l’autre ne sont plus qu’implicites ou sous-entendus, ce qui oblige le soliste à inventer de nouveaux rapports avec les autres instrumentistes.

Deux tendances commencent alors de s’opposer. Tandis que les batteurs du jazz free improvisent en toute liberté au même titre que les autres musiciens, les batteurs du Rhythm and blues et de ses dérivés (rock and roll, pop music, soul music, beat music) reprennent à leur compte les exigences fonctionnelles de la batterie, s’attachent à formuler un tempo parfaitement explicite et à rendre le beat immédiatement perceptible. La fin des années 60 sera marquée par diverses tentatives de synthèse.

Tony Williams, Ed Blackwell, Billy Higgins, Sunny Murray, Milford Graves, Bob Pozar, Andrew Cyrille, Beaver Harris, Charles Moffett, Joe Chambers, Rashied et Muhammad Ali, Steve McCall, Jack Dejohnette, Jacques Thollot, Aldo Romano illustreront les diverses manières d’intégrer la batterie au jazz contemporain.

Ph. C.


Les grands noms de la batterie


Art Blakey

(Pittsburgh 1919). Très actif depuis 1939, il crée en 1955 le groupe des Jazz Messengers. En dépit de nombreux changements de personnel, il en restera le chef pendant plus de dix ans. Moins inventif et plus brutal que celui de Kenny Clarke, son jeu comporte des figures rythmiques d’origine africaine et se caractérise aussi par des effets de roulement crescendo.
enregistrements : Bye-Ya (avec Thelonious Monk, 1952), Night in Tunisia (1958), One by One (1963).


Sidney Catlett

(Evansville 1910 - Chicago 1951). Après avoir joué avec Benny Carter, Rex Stewart, Fletcher Henderson, Don Redman et Louis Armstrong, il accompagne Benny Goodman en 1942, participe à de nombreuses séances d’enregistrement et rejoint de nouveau Armstrong en 1947. Puissant, précis, habile à ponctuer le discours des solistes comme à évoquer une figure mélodique par le jeu des timbres de la batterie, il fut le plus complet des grands batteurs de son temps.
enregistrements : Just a Riff (1944), Boff Boff et Steak Face (avec Armstrong, 1947).


Kenny Clarke

(Pittsburgh 1914). Kenneth S. Clark, dit Kenny Clarke, accompagne Roy Eldridge, Edgar Hayes, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, Coleman Hawkins, puis rejoint Dizzy Gillespie en 1946. Il fera partie du premier Modern Jazz Quartet et s’installera en France en 1956. Avec Gillespie et Charlie Parker, il fait partie des inventeurs du be-bop. Il a complètement modifié le rôle de la cymbale, qui assure désormais un tempo de base, tandis que la grosse caisse permet de ponctuer.
enregistrements : Things to Come (avec Gillespie, 1948), la Ronde (avec le M. J. Q, 1952), On a Riff (avec André Hodeir, 1958).


Cozy Cole

(East Orange, New Jersey, 1909). An cours des années 30, il joue avec Jelly Roll Morton, Benny Carter, Stuff Smith et Cab Calloway. Il accompagne Benny Goodman en 1947, puis Louis Armstrong de 1949 à 1953. Une technique parfaite lui permet de trouver un équilibre entre les prouesses spectaculaires du solo et un accompagnement rigoureux et pourtant très varié.
enregistrements : Crescendo in Drums (avec Cab Calloway, 1939), Topsy (1958).


Baby Dodds

(La Nouvelle-Orléans 1898 - Chicago 1959). Frère du clarinettiste Johnny Dodds, Warren Dodds, dit Baby Dodds, fait partie de plusieurs orchestres néo-orléanais avant de rejoindre le Creole Jazz Band de King Oliver en 1921. À Chicago, il joue avec les principaux représentants du style Nouvelle-Orléans : Freddie Keppard, Jimmie Noone, Jelly Roll Morton, Sidney Bechet, Louis Armstrong. La diversité de son accompagnement — roulements serrés, utilisation du wood-block et des cloches, etc. — et son tempo chaleureux ont fait de lui le premier grand batteur de jazz.
enregistrements : Too Tight (avec Johnny Dodds, 1929), Blues in Third (avec Sidney Bechet, 1940), Drum Improvisation (1946).


Roy Haynes

(Roxbury, Massachusetts, 1926). Il a accompagné Luis Russell, Lester Young, Charlie Parker, Sarah Vaughan, Miles Davis, Lee Konitz, Thelonious Monk, Sonny Rollins, Eric Dolphy, Stan Getz, John Coltrane, Roland Kirk, Gary Burton, Archie Shepp, etc. Influencé par la simplicité et l’élasticité de Jo Jones, la subtilité de Kenny Clarke et la vigueur d’Art Blakey, il s’affirme comme le meilleur accompagnateur des années 50.
enregistrements : Shulie a Bop (avec Sarah Vaughan, 1954), Les (avec Eric Dolphy, 1960), Snap Crackles (1965).


Elvin Jones