Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

batellerie (suite)

Organisation des transports fluviaux en France


Les transporteurs et leur personnel

Certains industriels assurent eux-mêmes le transport fluvial de leurs produits avec les quelque quatorze cents unités dont ils disposent, mais la plus grande partie de la flotte (5 800 unités) appartient à des patrons bateliers ou à des sociétés d’armement. Cependant, malgré l’augmentation du trafic, le parc fluvial français est en constante régression, en raison de la meilleure productivité du matériel moderne. Aux termes de l’article 159 du Code des voies navigables : « Est considéré comme patron batelier celui qui exploite soit un automoteur, soit, au plus, deux bateaux tractionnés qu’il conduit avec l’aide de sa famille. » Mais la pratique a conduit à quelques assouplissements de cette définition. Bien que le caractère indépendant de leur activité les rapproche des artisans, les patrons bateliers n’ont pu être reconnus comme tels, notamment parce que le Code de commerce les classe comme commerçants. Quant aux sociétés d’armement fluvial, leur importance est très variable. La plupart ne possèdent qu’un très petit nombre d’unités, mais cinq d’entre elles en ont plus de soixante-dix. Les transports fluviaux ne comprennent pas de secteur nationalisé. Toutefois, en ce qui concerne le Rhin, où la concurrence étrangère est très dure, un régime spécial a été établi sous l’égide de la Compagnie française de navigation rhénane, qui comprend, d’une part, un groupement d’intérêts économiques unissant plusieurs armateurs fluviaux et, d’autre part, une société d’économie mixte, la Compagnie générale pour la navigation sur le Rhin.

Les salariés de ces armements fluviaux et des industriels-transporteurs forment avec les 3 850 patrons bateliers un effectif total d’environ 9 000 personnes, qui suit la même évolution en baisse que celle du parc, en raison de l’extension du poussage. Le caractère très spécial du métier détermine l’application, à l’ensemble de ce personnel, d’un régime social sortant du droit commun et tenant compte notamment de son nomadisme.


La tutelle administrative

L’Office national de la navigation (O. N. N.), créé en 1912, est contrôlé à la fois par la Direction des ports et voies navigables (ministère de l’Équipement) et par la Direction des transports terrestres (ministère des Transports). Il est chargé de suivre toutes les questions d’intérêt général concernant l’exploitation des voies fluviales et, notamment, d’assurer la coordination des services qui y participent.


L’affrètement

Le suréquipement des divers moyens de transport par terre et par eau provoque, à plusieurs reprises, et notamment entre 1929 et 1932, une désastreuse baisse des frets et des grèves, qui détermine l’État à intervenir. Le décret du 30 juin 1934 fixe la forme obligatoire de la convention type pour les contrats au voyage, qui intéressent principalement les patrons bateliers. Ceux-ci étaient en effet souvent mal armés dans les discussions avec leurs affréteurs. Pour les contrats à temps et les contrats au tonnage, l’existence d’un document est obligatoire, mais la rédaction en est libre. Dans ces opérations interviennent les courtiers d’affrètement, dont la profession est réglementée et qui sont groupés en chambres régionales. À partir de 1936 ont été créés une cinquantaine de bureaux d’affrètement, centralisant les offres et les demandes de transport au voyage. Un tour de rôle y est institué, les offres étant inscrites dans l’ordre des dates auxquelles les bateaux deviennent disponibles et les demandes des chargeurs étant également enregistrées. Cette organisation est complétée par l’établissement de barèmes fixant les tarifs de transport. Des mesures analogues sont intervenues en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas pour les transports intérieurs. Pour les transports internationaux, la concurrence joue librement et aboutit souvent à l’avilissement des prix.


La coordination

Malgré les avantages d’économie qu’elle offre, la voie d’eau est, sur le plan intérieur, concurrencée par le rail, par la route et, pour les hydrocarbures, par les oléoducs. L’État est intervenu, notamment par une politique tarifaire et en imposant un contingentement des constructions neuves de matériel fluvial, ce qui a permis une meilleure rentabilité de celui-ci. En revanche, la concurrence avec la route n’a pas donné lieu à une réglementation ; la compétition joue donc par les prix et la qualité des services. Enfin, la batellerie n’a pu éviter la multiplication des oléoducs, mais l’énorme développement des besoins d’hydrocarbures et certains accords de répartition des trafics en ont atténué les conséquences.


Problèmes actuels

Initialement limité aux trafics spécialisés, le poussage s’attaque maintenant à celui des marchandises générales, assuré jusqu’à présent en grande majorité par la flotte artisanale. La modernisation des infrastructures lui permet d’ailleurs d’étendre son champ d’action géographique. Le problème de la coexistence de la batellerie classique avec celle qui dispose des moyens nécessaires pour utiliser le poussage se trouve donc posé : les artisans, qui redoutent depuis déjà de nombreuses années la puissance des grandes compagnies, craignent maintenant de perdre au profit de celles-ci une partie des trafics assurant leur existence.

Le ministère des Transports a élaboré un « Plan d’ensemble de la batellerie » tendant, après concertation entre armateurs fluviaux et patrons bateliers, à l’adoption de diverses mesures d’assainissement et à une équitable répartition des tâches au sein de la profession. Il est d’autant plus souhaitable de voir aboutir ces efforts que la batellerie affronte les conséquences de l’entrée en vigueur du Marché commun. Le traité de Rome a prévu la mise en œuvre d’une politique européenne des transports d’inspiration libérale, mais animée du double souci d’éviter l’abus des positions dominantes et les effets d’une concurrence ruineuse. La volonté se marque aussi d’aboutir à la vérité des prix, notamment en faisant intervenir le coût des infrastructures dans le calcul des prix de revient. Un encadrement des tarifs semble devoir intervenir suivant des modalités très complexes, de même qu’un contingentement du matériel, évitant le suréquipement. Les conditions d’accès de la profession seraient en même temps rendues plus strictes.