Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Barcelone (suite)

Les grandes étapes historiques

Colonie fondée dans la première moitié du vie s. av. J.-C. par les Phocéens sur le territoire de la tribu ibère des « Layetanos », dont elle prend le nom (Laye ou Laie), Barcelone est occupée à la fin du iiie s. par les Carthaginois aux ordres des Barcides : c’est alors qu’elle devient Barcino. La ville est prise, en 133 av. J.-C., par Scipion Emilien ; Auguste y fonde ensuite une colonie romaine du nom de colonia Faventia Julia Augusta Pia Barcino. Devenue capitale de la Layetania, subdivision territoriale de l’Espagne citérieure, évangélisée au moins dès le ive s., Barcelone se protège alors des invasions par la construction d’une forte enceinte. Capitale provisoire du royaume wisigoth au temps de Theudis (531-548), elle est occupée par les Arabes en 714, puis Charlemagne opère une tentative de conquête en 778. La cité ne tombe durablement sous la domination carolingienne qu’en 801 (expédition de Louis le Pieux). Capitale successive des Marches de Toulouse (801-817), de Gothie (817-873), puis d’Espagne, dont le marquis est en général comte de la ville, elle devient dès lors le centre d’une principauté pratiquement indépendante de l’autorité franque. Aux avant-postes de la chrétienté, face à la poussée des Omeyyades, elle est victime d’un raid d’al-Manṣūr en 985-986. Bientôt reconquise par Borrell II, elle est au xiie s. la capitale officielle du comté de Barcelone et, de fait, celle du royaume d’Aragon*, qui lui est uni.

Mais, à cette date, son rôle politique s’efface déjà au profit de ses activités économiques grâce à la participation de sa flotte aux croisades du xiie s. Bien protégée par la forteresse de Montjuich au sud et par la chaîne du Tibidabo au nord, libérée de la piraterie musulmane par l’occupation de Majorque (1229), d’Ibiza (1235) et de Valence (1238), Barcelone échange la laine et les métaux d’Espagne contre les produits orientaux, que drainent ses comptoirs du Levant, implantés en Syrie jusqu’à la chute de Saint-Jean-d’Acre en 1291 et, depuis lors, à Chypre. L’essentiel de ce trafic, contrôlé à partir du xive s. par le Consulado de Mar, se concentre pourtant en Méditerranée occidentale à partir du moment où les Vêpres siciliennes en font un lac aragonais (1282). De ce lac, Barcelone maîtrise aux xive et xve s. les deux principaux axes, est-ouest et nord-sud, le premier étant celui de la route du drap, de l’huile et même du blé de Sicile (Barcelone, Naples et Palerme avec prolongement jusqu’à Chypre), le second étant celui des produits africains, et particulièrement de l’or du Soudan (Barcelone, Majorque, Oran).

Fréquentée par les Allemands et par les Lombards, qui contrôlent tout le trafic Gênes-Barcelone et y animent le marché financier, en particulier par un intense trafic de lettres de change circulant entre l’Italie, la Flandre et la Catalogne, Barcelone devient alors un très grand centre bancaire, ainsi qu’en témoigne le renom de sa banque publique, la Taula de Canvi. Le cosmopolitisme (importantes colonies juives et, à un moindre degré, italiennes), l’expansion démographique, la construction de deux nouvelles enceintes au milieu des xiiie et xive s. sont les conséquences humaines de cet essor économique. Maîtresse du commerce et de la banque, la classe marchande barcelonaise entend, par ailleurs, présider aux destinées de sa cité. Dès 1249, elle arrache au roi d’Aragon le « Privilège de Barcelone », qui lui permet de gouverner la ville par l’intermédiaire de quatre « poders » élus par lui-même et désignant à leur tour un magistrat (veguer) et huit conseillers. Ceux-ci élisent les membres d’une nombreuse assemblée, choisis obligatoirement dans des milieux différents de façon à associer au sein d’une nouvelle aristocratie municipale les représentants de la vieille oligarchie locale (89 citoyens) à ceux du grand (22 marchands) et du petit commerce ou de l’atelier (89 artisans). Peu démocratique, un tel type de gouvernement provoque la révolte des « hommes vils ». L’échec de celle-ci laisse en place une municipalité marchande, le « Conseil des cent », qui édifie la Casa de la Ciudad à la fin du xive s.

Ébranlée dans sa prospérité par la découverte de l’Amérique, dont elle revendique pourtant l’auteur, Christophe Colomb, comme l’un de ses fils, privée de ses fonctions de capitale au xvie s. par le transfert à Madrid et à l’Escorial de la résidence royale, éprouvée par sa participation à la révolte de 1640, contrainte d’accepter dès le xvie s. la présence de nobles au sein du « Conseil des cent », réduit à « vingt-quatre », puis relevé à trente, amputée de ses « fueros » pour avoir résisté à Philippe V en 1714, par fidélité à l’archiduc Charles d’Autriche, Barcelone souffre encore de l’occupation française (1808-1813), des révoltes sanglantes des xixe et xxe s. Important foyer anarcho-syndicaliste, la ville brise le soulèvement nationaliste de juillet 1936, mais elle est finalement occupée par les franquistes le 26 janvier 1939. Un moment interrompue par la guerre civile, la renaissance de la ville a repris depuis lors.

P. T.


Les problèmes actuels

L’essor démographique et la poussée industrielle qu’a connus Barcelone depuis une vingtaine d’années ont fait surgir de nombreux problèmes.


Les mutations des structures industrielles

La libération des échanges avec l’étranger a donné un grand coup de fouet à l’industrie, mais l’a, en même temps, obligée à affronter la concurrence internationale ; le développement de pôles industriels dans diverses régions espagnoles a, d’autre part, privé le foyer barcelonais d’une partie de ses marchés. Or, pour faire face à cette double concurrence, l’industrie barcelonaise souffre de ses structures vieillies : les entreprises, particulièrement dans le textile, sont trop souvent encore de petites dimensions et disposent d’un matériel ancien. Aussi, les regroupements, indispensables pour améliorer productivité et rentabilité, se multiplient-ils ; des alliances sont conclues avec des firmes extérieures à la région ; les participations étrangères, déjà anciennes dans la chimie, sont de plus en plus fréquentes dans la métallurgie.