Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bakou (suite)

Déjà siège des instituts spécialisés dans la recherche pétrolière et la pétrochimie, la ville est devenue un grand centre universitaire. De la cité sauvage qui avait subsisté jusqu’en 1945, le nouvel urbanisme soviétique a fait une ville moderne. Un aqueduc de 170 km venant du Caucase ravitaille l’agglomération, un boulevard a été construit en bordure de la mer, des ensembles résidentiels s’étendent dans les zones à l’abri de la pollution, et, malgré les conditions défavorables, un gros effort a été entrepris pour accroître les espaces verts, comme les jardins Kirov.

A. B.

➙ Azerbaïdjan.

Bakounine (Mikhaïl Aleksandrovitch)

Révolutionnaire russe (Priamoukhino, gouvern. de Tver, 1814 - Berne 1876).


Bakounine, le plus grand des révolutionnaires russes du xixe s., a joué un rôle important dans les mouvements démocratiques et les révolutions de l’Europe de l’Ouest. Fichte d’abord, puis Hegel ont influencé sa pensée, tandis que Feuerbach lui fournissait les bases de son athéisme. Formulant dès 1864 ses conceptions anarchistes, fédéralistes et athéistes, il les propagea, à partir de 1868, dans la Ire Internationale. En France, en Russie, en Suisse romande, en Italie et surtout en Espagne, ces idées furent répandues et firent des adeptes. L’importance historique de Bakounine est d’avoir rattaché les idées libertaires de l’anarchisme au mouvement émancipateur de la classe ouvrière, et jeté les bases du socialisme antiautoritaire, de la théorie et de la pratique de l’anarcho-syndicalisme.

Durant sa vie, Bakounine a beaucoup écrit, en général sans grand souci de la cohésion, s’appuyant principalement sur son expérience des mouvements politiques révolutionnaires en Europe. La plupart de ses écrits, en majorité posthumes, sont liés à son action révolutionnaire. Par ses contacts personnels et sa correspondance, il a exercé une grande influence.

Bakounine emprunta à Karl Marx le matérialisme historique, mais en soulignant que les institutions politiques, juridiques et religieuses, déterminées par les facteurs économiques, agissent à leur tour sur la structure socio-économique, comme d’ailleurs sur le caractère particulier de chaque race et de chaque peuple, ce caractère étant aussi les effets d’une multitude de causes ; Marx, russophobe, et Bakounine, germanophobe, avaient des vues divergentes sur l’évolution de l’Europe. Tandis que Marx voyait dans l’unification de l’Allemagne et la centralisation économique une phase du processus historique vers le socialisme, Bakounine prédisait un développement accéléré de grands États nationaux et rivaux. Le conflit entre ces deux protagonistes de la Ire Internationale portait essentiellement sur la question de l’État. Bakounine rejetait la théorie marxienne, selon laquelle la conquête de l’État par la classe ouvrière organisée en parti politique ouvrirait la voie au socialisme. Quand, au nom de la révolution, soulignait-il, on veut constituer un État, même provisoire, on travaille pour le despotisme et non pour la liberté. Bien que la révolution ne puisse réussir que grâce à l’appui des masses, Bakounine préconisait néanmoins la formation d’organisations secrètes (« noyaux ») pour orienter les révolutions spontanées dans un sens antiautoritaire.

La révolution achevée et après l’abolition de toutes les institutions de l’État et l’expropriation de la bourgeoisie, des organismes sociaux-révolutionnaires seraient chargés de la vie économique et sociale.

Pour mettre fin à la fois à l’exploitation économique et à l’oppression politique, Bakounine visait à l’organisation d’une société socialiste par la formation, de bas en haut, de confédérations englobant les fédérations, les communes, groupées en fédérations régionales, et les syndicats ouvriers et paysans. Au xxe s., ces idées se retrouvent très nettement dans les « soviets » du début de la Révolution russe, ainsi que dans les « conseils ouvriers » et les « collectivisations » en Espagne pendant la guerre civile.

Textes de Bakounine

« Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne devrais être libre vraiment que par la liberté d’autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui m’entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté. C’est au contraire l’esclavage des hommes qui pose une barrière à ma liberté, ou, ce qui revient au même, c’est leur bestialité qui est une négation de mon humanité, parce que, encore une fois, je ne puis me dire libre vraiment que lorsque ma liberté, ou ce qui veut dire la même chose, lorsque ma dignité d’homme, mon droit humain, qui consiste à n’obéir à aucun autre homme et à ne déterminer mes actes que conformément à mes convictions propres, réfléchis par la conscience également libre de tous, me reviennent confirmés par l’assentiment de tout le monde. Ma liberté personnelle ainsi confirmée par la liberté de tout le monde s’étend à l’infini. »

« Pour faire une révolution radicale, il faut donc s’attaquer aux positions et aux choses, détruire la propriété et l’État, alors on n’aura pas besoin de détruire les hommes, et de se condamner à la réaction infaillible et inévitable que n’a jamais manqué et ne manquera jamais de produire dans chaque société le massacre des hommes. [...]

« Le triomphe des jacobins ou des blanquistes serait la mort de la révolution. Nous sommes les ennemis naturels de ces révolutionnaires futurs dictateurs, réglementateurs et tuteurs de la révolution — qui, avant même que les États monarchiques, aristocratiques et bourgeois actuels soient détruits, rêvent déjà la création d’États révolutionnaires nouveaux, tout aussi centralisateurs et plus despotiques que les États qui existent aujourd’hui. [...] (Cette nouvelle autorité « révolutionnaire ») ne sera rien qu’une nouvelle réaction, puisqu’elle sera en effet une condamnation nouvelle des masses populaires, gouvernées par des décrets, à l’obéissance, à l’immobilité, à la mort, c’est-à-dire à l’esclavage et à l’exploitation par une nouvelle aristocratie quasi révolutionnaire. »

A. L.

➙ Anarchisme / Communisme / Internationale.