Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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zoologie (suite)

C’est lui, le premier qui adopta la nomenclature binaire consistant à désigner chaque être vivant par un double nom, le premier correspondant au genre, le second à l’espèce (exemple : Felis catus, le chat). Avant lui, chaque espèce était définie par une diagnose de plusieurs lignes dont on conçoit bien toute l’incommodité. C’est en 1735 que parut la première édition de son Systema naturae qui devait immortaliser son nom.

Linné utilisa, le premier, les termes de flore et de faune pour désigner le peuplement végétal et animal d’une région donnée. Il est, en outre, un des fondateurs de l’écologie et de la biogéographie, ayant noté pour chaque espèce les conditions de son milieu et sa répartition spatiale.

Dans ses premiers ouvrages, il fut résolument fixiste, ne concevant pas que les espèces puissent dériver l’une de l’autre. Pour lui, fidèle à la tradition biblique, chacune d’elles s’était maintenue identique depuis la Création. Cependant, à partir de 1742, ayant observé des « variations » (nous dirions aujourd’hui des « mutations ») chez certains végétaux, il admit que les espèces pourraient se modifier par hybridation et sous l’influence du milieu, tout en affirmant l’immutabilité des genres.

Plusieurs contemporains de Linné tentèrent de perfectionner avec plus ou moins de succès sa méthode. J. T. Klein (1685-1759) proposa une classification du règne animal fondée sur la présence ou l’absence de pieds et le nombre de doigts ou de sabots à ces derniers. L’utilisation de ces caractères artificiels l’amena à séparer les ours et les singes des autres Mammifères et à classer les baleines (Cétacés) avec les Poissons. Mathurin Jacques Brisson (1723-1806), qui fut le traducteur de Klein, en français, publia une Ornithologie (1760) en 6 volumes contenant la description de 1 500 espèces et est également l’auteur d’un Tableau du règne animal (1756), dans lequel les animaux sont divisés en 9 classes.

Georges Louis Leclerc, comte de Buffon* (1707-1788), fut nommé en 1739 intendant du Jardin du Roi (aujourd’hui Muséum national d’histoire naturelle) à Paris et publia à partir de 1749 une Histoire naturelle qui devait compter 44 volumes, dont certains posthumes. Une vingtaine d’entre eux concernent les Vertébrés (Mammifères et Oiseaux). Pour réaliser une telle œuvre, il s’assura la collaboration de plusieurs naturalistes dont le plus connu est l’anatomiste Louis Daubenton (1716-1800).

Le principal mérite zoologique de Buffon c’est d’avoir donné pour chaque espèce étudiée de Vertébré, outre de somptueuses descriptions écrites dans un style brillant (et souvent pompeux) des renseignements biologiques tels que : vitesse de croissance, âge de la maturité reproductrice, durée de gestation, nombre de jeunes par portée, proportion des sexes, aptitude à l’hybridation, variabilité, anomalies, soins maternels, mœurs et instincts, voix, etc.

On lui a, par contre, souvent reproché son mépris pour les Invertébrés, qu’il ne voulait pas s’abaisser à étudier, comme le fit son contemporain Réaumur, qu’il n’aimait pas.

Buffon a aussi le mérite d’avoir fondé la zoogéographie (étude de la répartition géographique des animaux) en montrant les différences existant entre le peuplement zoologique de l’Ancien et du Nouveau Monde et en notant dans chacun de ceux-ci la présence d’espèces apparentées les unes aux autres, tant chez les Félins que chez les Ruminants, les Singes ou d’autres groupes de Mammifères.

Il a de plus reconnu l’originalité de la faune du continent australien (qui venait d’être découvert par James Cook lors de son premier voyage dans le Pacifique) avec ses espèces endémiques dont il sera question plus loin.

Buffon a entrevu le phénomène de l’évolution des espèces animales en supposant la possibilité d’un « transformisme limité » (l’expression est de Jean Rostand), c’est-à-dire l’action modificatrice du milieu agissant essentiellement par le climat, la nourriture et la domestication (dans le cas d’animaux domestiqués par l’Homme). Ces idées sont exposées dans le chapitre de l’Histoire naturelle sur la « dégénération » des animaux, où il note les ressemblances entre certaines espèces de l’Ancien et du Nouveau Monde, où elles auraient « dégénéré ». C’est ainsi qu’il compare le tapir à l’éléphant, le pécari au cochon, le lama au chameau, le jaguar à la panthère, la moufette au putois, etc. Il avait de plus rapproché l’Homme des grands Singes (anthropoïdes), le situant ainsi parfaitement dans l’échelle animale.

Parmi les collaborateurs de Buffon, outre Daubenton, il faut mentionner l’abbé Bexon, Philibert Guéneau de Montbéliard et surtout Lacepède (1756-1825), qui rédigea les volumes de l’Histoire naturelle concernant les « quadrupèdes ovipares » (Reptiles et Amphibiens) [1788-89], les Poissons (1798-1803), les Cétacés (1804) [v. évolution biologique].


Morphologie et systématique

De nombreux travaux descriptifs furent publics sur tous les groupes zoologiques. Les Protozoaires, découverts, nous l’avons vu, par Van Leeuwenhoek, furent étudiés par de nombreux auteurs, parmi lesquels il faut citer : Joblot (1718), qui décrivit de nombreux infusoires (Ciliés), dont il vit, le premier, la vacuole contractile ; Henry Baker (1753), qui décrivit les noctiluques (Dinoflagellés) ; Roesel (1755), qui décrivit une amibe (libre) dont il observa le mouvement du protoplasme et la formation des pseudopodes, tandis que Otto Frederik Müller (1730-1784) décrivait et figurait la conjugaison chez le cilié Paramecium, publiant en 1786 une monographie des Infusoires dans laquelle étaient décrites 378 espèces (dont 150 valables). Ces observations sont remarquables si on considère l’état encore rudimentaire de la microscopie et le fait que les premiers objectifs achromatiques ne feront leur apparition qu’en 1824. L’embranchement des Cœlentérés (hydraires, méduses, coraux) fit l’objet d’importants travaux. Le zoologiste suisse Abraham Trembley (1700-1784) découvrit l’hydre (ou polype) d’eau douce (Hydra viridis) et montra (1740) qu’elle pouvait se régénérer lorsqu’on la coupait en deux ou plusieurs morceaux (1744). Jean André Peyssonnel (1694-1759) reconnut, le premier (1727), la nature animale du Corail, qui ne fut admise qu’après la découverte de Trembley et les vérifications de Bernard de Jussieu* et Jean Étienne Guettard, et ce n’est que dans la 6e édition (1744) du Systema naturae de Linné que le Corail est classé dans le règne animal.

Des Bryozoaires sont signalés par Gualtieri (1742), John Ellis (1756) et Trembley, tandis que le premier Brachiopode sera décrit par Peter Simon Pallas (1766). Les Échinodermes (oursins et étoiles de mer) firent l’objet de recherches de Linck (1733), de Giovanni Bianchi (dit Janus Plancus) [1760] et de Réaumur*.

L’étude des Mollusques, et en particulier de ceux qui sont pourvus d’une coquille (Gastropodes, Lamellibranches), fut particulièrement poussée au xviiie s., par suite de l’existence à cette époque des collections conservées dans des cabinets d’histoire naturelle fort nombreux, répertoriés par Y. Laissus.