Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Babylone (suite)

La vieille rivalité entre Assyrie et Babylonie se trouve renforcée lorsque, à partir de la fin du xe s., les rois assyriens retrouvent la force de lutter contre les incursions des Araméens ; mais, s’ils poursuivent les Barbares en basse Mésopotamie, ils ménagent le roi de Babylone, car, à l’instar de leurs sujets, ils vénèrent les dieux des villes saintes d’Akkad, où, vainqueurs des nomades, ils entrent en pèlerins respectueux.


La domination assyrienne à Babylone (729-627)

L’aggravation de l’anarchie en Babylonie entraîne le roi d’Assyrie, Toukoulti-apil-ésharra III (Téglat-phalasar) à occuper Babylone, où il se proclame roi avec un nom de règne propre à son nouveau royaume (729) ; mais ni les tribus nomades ni les citadins n’accepteront la domination étrangère, que la cruauté de ses répressions rendra de plus en plus odieuse.

Après les règnes du conquérant et de son fils, un roi du pays de la Mer, Mardouk-apal-iddin II (Mérodachbaladan), profite du changement de règne en Assyrie (722) pour s’emparer du trône de Babylone, et l’Assyrien Sargon II ne parvient à l’en chasser qu’en 709. Comme une crise analogue éclate à Babylone à la fin du règne de Sargon, son fils, Sin-ahê-érîba (Sennachérib) [705-680], a l’idée de confier la royauté babylonienne à des agents fidèles, mais les Babyloniens le trahissent, et le propre fils de l’Assyrien est enlevé et tué par les Élamites. Exaspéré, Sin-ahê-érîba détruit la grande ville et fait passer l’eau de l’Euphrate sur les ruines de ses temples (689).

L’assassinat de ce roi par deux de ses fils paraît la punition du sacrilège ; et son successeur à Ninive, Assour-ah-iddin (Assarhaddon) [680-669], s’efforce d’apaiser les dieux babyloniens, dont il relève les temples. Puis il crée pour un de ses fils, Shamash-shoum-oukîn, un petit royaume de Babylone, qui dépendra du grand État assyrien, attribué à son autre fils, Assour-bân-apli (Assourbanipal). Mais le roi assyrien de Babylone se révolte contre son frère (651) avec l’appui des peuples menacés par la domination du souverain de Ninive ; Babylone est prise après un terrible siège, et son roi se suicide (648). Les textes citent ensuite, comme souverain à Babylone, Kandalânou (648-627), un fantoche indigène ou le nom de règne local d’Assourbanipal.


La dynastie chaldéenne (626-539)

À la faveur des troubles qui éclatent en Assyrie, le Chaldéen Nabou-apla-outsour (Nabopolassar), s’empare du trône de Babylone, mais il est serré de près par les Assyriens, qui tiennent encore une partie du bas pays. Plus tard, il s’allie aux Mèdes, avec lesquels il prend Ninive (612), et chasse de Harrân la dernière armée assyrienne ainsi que les Égyptiens venus à son secours (609). Les Mèdes se contentant du piémont de la haute Mésopotamie, le roi de Babylone saisit le reste du pays des Deux Fleuves. À la veille de la mort de son père, le prince héritier Nabou-koudour-outsour II (Nabuchodonosor) [605-562] bat à Kargamish (Karkemish) les troupes du pharaon, qui évacuent bientôt toute la Syrie. Les Babyloniens écrasent dans cette région les révoltes attisées par l’Égypte, et enlèvent Suse aux Élamites.

La constitution d’un empire aussi vaste favorise le commerce, dont les plus grands profits reviennent à la capitale. Les deux premiers rois de la dynastie chaldéenne fortifient et embellissent Babylone, lui donnant ces monuments universellement connus depuis l’Antiquité. La tradition mésopotamienne se maintient chez les prêtres et les scribes : le vie s. nous a laissé une foule de textes rituels et scientifiques (l’astronomie, qui se dégage de l’astrologie, fait alors de grands progrès et permet de prédire les éclipses). Mais le reste de la population, très composite, a abandonné le babylonien aux lettrés et n’emploie plus que l’araméen.

Après la mort de Nabuchodonosor, son État est affaibli par une série de révolutions de palais, qui porte finalement au pouvoir Nabou-naïd (Nabonide) [556-539], personnage étrange que sa passion pour les rites brouille avec les clergés locaux.


Les dominations étrangères et le déclin de Babylone

Le Perse Cyrus, qui, depuis plusieurs années, rognait le domaine babylonien, surprend la capitale, où il se fait proclamer roi de Babylone (539). La grande ville, qui devient une des résidences royales des Achéménides, réussit grâce à sa position centrale à maintenir son activité économique. Cependant, la domination étrangère suscite des révoltes : deux usurpateurs se font proclamer rois lors des troubles de l’avènement de Darios Ier (522-521) ; un autre Babylonien tente la même aventure en 482 sous Xerxès Ier. Mais la cité de l’Euphrate est toujours aussi importante quand Alexandre, qui s’en est emparé en 331, la choisit pour capitale et vient y mourir (323).

La Babylonie, attribuée en 321 au Macédonien Séleucos, est le point de départ de la fortune de ce fondateur de dynastie qui saisira toute l’Asie occidentale. Chassé de la région en 316 par Antigonos Monophthalmos, il y reprend pied avec l’appui des indigènes en 312. Cependant, le premier des Séleucides place sa capitale orientale à Séleucie, une ville qu’il vient de fonder sur le Tigre et qu’il peuple de colons grecs et de familles enlevées à Babylone. Par contre, de nombreux Hellènes s’installent dans la cité de l’Euphrate, et le Séleucide Antiochos IV (175-164) lui attribue le statut de polis, c’est-à-dire de cité autonome ; cette assimilation aux villes grecques est justifiée par l’hellénisation des indigènes, qui fréquentent le gymnase et le théâtre locaux. Après la défaite du Séleucide Antiochos VII, Babylone est incorporée au royaume parthe (129) ; et, lorsque, en 64 av. J.-C., l’Euphrate devient la frontière entre les dominations romaine et parthe, le grand commerce se détourne de sa vallée, et Babylone connaît un déclin foudroyant. Strabon, qui la visite vers le début de notre ère, la trouve presque déserte. Mais ses ruines gigantesques attirent les voyageurs jusqu’à l’arrivée de la mission archéologique allemande en 1899.