Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Yougoslavie (suite)

Avec le romantisme, de grands poètes apparaissent : Jovan Jovanović Zmaj (1833-1904), Djura Jakšić (1832-1878), le « Byron serbe », qui, avant de passer au réalisme, chante la passion, l’individu. Jovan Ilić (1824-1901), de tempérament épique, compose des poèmes dans le style populaire bosniaque. Laza Kostić (1841-1910), aux goûts bohèmes, écrit deux drames et des poèmes qui valent par leur pureté et leur simplicité. En prose, Bogoboj Atanacković (1826-1858) donne des nouvelles où évoluent des personnages pris sur le vif. D’autres écrivains sont attirés par la couleur locale, comme Milorad Popović Šapčanin (1842-1895) ou Paja Marković Adamov (1855-1907), qui décrit la vie des villages de Sirmie. Quant à Stjepan Mitrov Ljubiša (1824-1878), s’il est resté romantique par ses idées, il est déjà réaliste par la précision des descriptions qu’il donne dans ses nouvelles de la région des Bouches de Kotor.

Le réalisme serbe est dominé par les idées de réforme sociale et politique de Svetozar Marković (1846-1875), qui combat pour le triomphe de la science et de la liberté. Si la poésie se révèle moins propice à la diffusion de ces idées — le seul grand poète est Vojislav Ilić (1860-1894), dont l’inspiration sociale est cependant marquée d’un profond pessimisme —, on trouve, en prose, des auteurs variés : Ljubomir Nenadović (1826-1895), auteur de récits de voyages pleins de bonhomie ; Jakov Ignjatović (1824-1888), Serbe de Hongrie, magyarophile convaincu, qui peint dans ses romans et ses nouvelles l’âpreté au gain d’une société agitée par des remous sociaux et moraux. Milovan Glišić (1847-1908), au contraire, décrit avec bonne humeur les petits côtés de la vie ; Milan Milićević (1831-1908) et Laza Lazarević (1851-1890) fixent avec la précision d’ethnographes la société patriarcale qui se meurt sous leurs yeux. Simo Matavulj (1852-1908), Serbe de Dalmatie, s’attache au petit peuple de sa province : dans son roman Frère Bernard dit Bakonja (1892), il fait revivre un monastère catholique. Enfin, Stevan Sremac (1855-1906), évocateur du passé et contempteur de la société moderne, a été aussi le peintre de sa ville d’adoption, Niš. Réaliste, mais opposé aux idées de Svetozar Marković, il a écrit dans un style humoristique qui lui a assuré le succès.

Au début du xxe s., on assiste à une transformation rapide de la société, qui de patriarcale devient capitaliste. Les intellectuels se rendent à Paris et à Londres, et à leur retour se font les propagateurs des idées occidentales. En poésie, Jovan Dučić (1871-1943) traduit ses états d’âme avec magnificence. Aleksa Šantić (1868-1924) chante le caractère fugitif de la jeunesse et l’amour passionné et langoureux. Les vers pessimistes de Milan Rakić (1876-1938) sont remplis de l’idée que tout est illusion et mensonge. L’œuvre de Vladislav Petković-Dis (1880-1917) est traversée par une profonde détresse qui atteint la misère. La nouvelle et le roman gardent leur caractère régionaliste. Radoje Domanović (1873-1908) écrit des nouvelles qui sont de véritables satires politiques. Petar Kočić (1877-1916) dénonce les méfaits de l’occupation autrichienne en Bosnie. Ivo Ćipiko (1869-1923), Serbe de Dalmatie, s’oppose à toute contrainte sociale, tandis que Borisav Stanković (1875-1927) peint le monde bigarré de la Serbie du Sud. Le théâtre est brillamment représenté par Branislav Nušić (1864-1938), dont les comédies, de plus en plus amères, ont toujours grand succès auprès du public. Le nationalisme serbe freine pendant un temps l’idée yougoslave, qui, cependant, poursuivra son chemin avec Ivo Andrić* (1892-1975, prix Nobel 1961) : dans ses notes lyriques, ses romans et ses nouvelles, il recherche l’Homme, saisi à travers le prisme de sa Bosnie exubérante et complexe. Parmi les écrivains des nouvelles générations, nous retiendrons entre autres Oskar Davičo (né en 1909), Mihailo Lalić (né en 1914), Dobrica Ćosić (né en 1921), Miodrag Bulatović (né en 1930), Radomir Konstantinović (né en 1935).


La littérature macédonienne

Elle remonte jusqu’au Moyen Âge avec les écrits de saint Clément d’Ohrid et de ses disciples, mais elle tomba en sommeil jusqu’au siècle dernier, où l’on rencontre Grigor Prličev (1830-1893) et plus récemment Kočo Racin (1908-1943), auteur du recueil Blanches Aurores, où, dans des vers inspirés de la chanson populaire, il chante avec simplicité la triste condition des paysans et des ouvriers. Depuis la reconnaissance du macédonien comme langue littéraire, de nombreux auteurs de talent se sont manifestés dans tous les domaines : poètes comme Srbo Ivanovski (né en 1928), Blaže Koneski (né en 1921), Aco Šopov (né en 1923) et Slavko Janevski (né en 1920) ; romanciers et nouvellistes comme Živko Čingo, Blagoja Ivanov, Meto Jovanoski (né en 1920), Jordan Leov (né en 1920), Vlado Maleski (né en 1919), Ivan Točko (né en 1914) ; dramaturges comme Tome Arsovski.


La littérature populaire

On ne saurait passer sous silence la riche littérature orale de tous les peuples de Yougoslavie, que l’on a commencé à recueillir au siècle dernier et qui consiste essentiellement en contes, merveilleux ou humoristiques, et en poèmes lyriques et épiques, ces derniers particulièrement bien représentés en Serbie.

H. B.

 A. Barac, la Littérature croate de la Renaissance à la formation de la Yougoslavie (en serbo-croate, Zagreb, 1954-1960 ; 2 vol.) ; A History of Yugoslav Literature (Belgrade, 1955). / M. Savković, la Littérature yougoslave (en serbo-croate, Belgrade, 1956). / Z. Michitch, Anthologie de la poésie yougoslave contemporaine (Seghers, 1960). / C. Vipotnik, D. Sega et J. Kastelic, Anthologie de la poésie slovène (Seghers, 1963). B. Meriggi, Le letterature della Jugoslavia (Milan, 1970). / Dictionnaire des écrivains yougoslaves (en serbo-croate, Novi Sad, 1971). / V. Nedić, la Littérature populaire (en serbo-croate, Belgrade, 1974).


Le cinéma

Le développement du cinéma en Serbie et en Croatie est très lent au cours des vingt premières années du xxe s. L’établissement du royaume de Yougoslavie ne fut guère plus favorable à un art qui ne reçut jamais beaucoup d’encouragement ni d’aide financière des autorités officielles. Ce n’est véritablement qu’en 1945-46, après la fondation de la République populaire socialiste de Yougoslavie, qu’on pourra assister à la naissance d’une authentique cinématographie nationale.