Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Yougoslavie (suite)

La poésie romantique ne peut s’épanouir en raison du régime politique étouffant. En revanche, la prose révèle quelques auteurs de talent, qui écrivent aussi pour le théâtre, comme Mirko Bogović (1816-1893). Janko Jurković (1827-1889) est surtout connu par ses nouvelles humoristiques. Mais le grande nom de cette période est August Šenoa (1838-1881), fondateur du roman croate moderne : l’Or de l’orfèvre (1871), la Révolte des paysans (1877). Il fit preuve d’une activité littéraire intense : nouvelles, « feuilletons » littéraires, anthologies, poèmes, articles, etc.

À l’époque du réalisme, la littérature doit lutter contre l’oppression hongroise et se maintenir coûte que coûte. En poésie, on retiendra les noms d’August Harambašić (1861-1911), qui traduisit l’atmosphère lourde de l’époque et se fit connaître par ses poésies amoureuses, et de Silvije Kranjčević (1865-1908), chantre inspiré de la liberté.

En prose, on trouve des romanciers comme Ante Kovačić (1854-1889), aussi poète satirique, dont la nouvelle Au greffe ou l’Archiviste (1888) est restée célèbre, Evgenij Kumičić (1850-1904), auteur fécond qui s’efforce, dans ses romans, ses nouvelles et ses drames, de dénoncer au peuple ses véritables ennemis, Ksaver Gjalski (ou Djalski, 1854-1935), noble libéral, qui tente de prouver que la noblesse, à coté de ses tares, a aussi ses vertus. Josip Kozarac (1858-1906) a décrit les transformations de sa Slavonie natale. Vjenceslav Novak (1859-1905) s’étend sur les misères de la Dalmatie et celles des provinciaux venus chercher fortune dans la grande ville.

Le xxe s. est marqué par la progression de l’idée yougoslave et le désir de mieux connaître ce qui se fait en Occident. En poésie, on remarque surtout des préoccupations formelles à travers l’érotisme de Milan Begović (1876-1948) ou l’inquiétude de Dragutin Domjanić (1875-1933). Vladimir Vidrić (1875-1909), qui mourra fou, exprime le pressentiment de sa déchéance prochaine.

Cette période voit surtout l’épanouissement de la prose : Ivo Vojnović (1857-1929) s’inspire de sa ville natale dans ses drames Equinoxe (1895) et la Trilogie de Dubrovnik (1902), qui comptent parmi les meilleurs de la littérature yougoslave. Antun Gustav Matoš (1873-1914), nouvelliste de talent, est surtout un critique littéraire. Vladimir Nazor (1876-1949), auteur de poésies lyriques et épiques, de romans et de nouvelles, laisse éclater dans son œuvre la joie de vivre, l’amour de la nature et sa foi en la Yougoslavie ; il prend du reste une part active à la Résistance. Si les romans naturalistes de Viktor Car Emin (1870-1963) se déroulent en Istrie, les nouvelles de Dinko Šimunović (1873-1933) décrivent avec sensibilité les régions pauvres de Dalmatie en train de passer du stade patriarcal au capitalisme. Franjo Horvat-Kiš (1876-1924) dépeint les classes pauvres du Zagorje, tandis qu’Ivan Kozarac (1885-1910) met l’accent sur les aspirations matérialistes de la Slavonie. La Résistance a permis l’éclosion du talent d’Ivan Goran Kovačič, assassiné en 1943 à l’âge de trente ans. La période actuelle est dominée par la personnalité de Miroslav Krleža* (né en 1893), auteur au talent multiple de poésies lyriques, de drames, de nouvelles, de romans et d’essais, dont l’œuvre vise à proposer une véritable hygiène intellectuelle.

Tin Ujević (1891-1955) a marqué lui aussi profondément sa génération par la pénétration de sa psychologie.

Parmi les écrivains actuels, citons les poètes Vesna Parun (né en 1922), Jure Kaštelan (né en 1919) et les prosateurs Vjekoslav Kaleb (né en 1905), Vladan Desnica (né en 1905), Petar Šegedin (né en 1909), Ranko Marinković (né en 1913), Mirko Božić (né en 1919).


La littérature serbe

Au Moyen Âge, on ne trouve guère que des textes historiques et juridiques, comme le Code du tsar Dušan (1349). La défaite de Kosovo (1389), qui eut pour conséquence l’occupation du pays par les Turcs pendant plus de quatre siècles, porta un rude coup à l’activité littéraire. Il faut attendre 1494 pour qu’une imprimerie en caractères cyrilliques soit fondée à Cetinje, au Monténégro. Après le rétablissement du patriarcat (1557-1766), seule l’historiographie brille de quelque éclat au xviie s. avec le père Paisij (ou Pajsije, † 1647), qui écrit la Vie du tsar Uroš, et le comte Djordje Branković (1645-1711), auteur de Chroniques slavo-serbes. En Slavonie, Matija Antun Reljković (ou Relković, 1732-1798) publie en 1762 des satires d’inspiration rationaliste dont le succès est grand. En Vojvodine, Zaharija Orfelin (1726-1785) fonde en 1768 la première revue littéraire serbe, le Magazine serbo-slave, et écrit une Histoire de Pierre le Grand (1772) sur des bases un peu plus scientifiques. Jovan Rajić (1726-1801) est l’auteur d’une Histoire de plusieurs peuples slaves (1794-95) qui n’est pas sans mérites. Dositej Obradović (v. 1742-1811), auteur de Mémoires intitulés Vie et aventures (1783), écrit dans une langue simple qui tente de se débarrasser du fatras slavon ; il marque le passage vers l’époque moderne par son sentiment de la communauté de langue yougoslave. Vuk Stefanović Karadžić (1787-1864), autodidacte génial, auteur d’une étude sur la langue populaire qui le fit remarquer par le linguiste slovène Jernej Kopitar (1780-1844), se consacre pendant un demi-siècle à l’inventaire de la langue, recueillant inlassablement les textes populaires, s’intéressant aux coutumes, dressant son monumental Dictionnaire serbe-allemand-latin (1818, réédité et complété en 1852) et mettant sur pied un alphabet phonétique approprié au serbe.

Une place à part est occupée par le prince-évêque du Monténégro Pierre II Petrović Njegoš (1813-1851), homme d’une grande culture, dont le poème épique à sujet national la Couronne de la montagne (1847) eut un très grand retentissement.

Au préromantisme se rattache un grand poète, Branko Radičević (1824-1853) : poète de la jeunesse et de la fraîcheur, il mourut malheureusement à la fleur de l’âge. Joksim Nović-Otočanin (1806-1868) obtint un grand succès avec son poème épique Lazarić (1847). Quant à Milica Stojadinović (v. 1830-1878), son nom n’a échappé à l’oubli que parce qu’elle fut la première femme de lettres serbe.

La prose commence à acquérir ses lettres de noblesse. Milovan Vidaković (1780-1841) compose de nombreux romans historiques à sujet national. Jovan Sterija Popović (1806-1856), auteur de romans, de Chansons guerrières, de farces sans prétention, écrit aussi des drames et des comédies de mœurs et de caractère qui assurent son succès.