Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Y

Yoroubas (suite)

Dans la société yorouba, la plus petite unité est constituée par la famille : un homme avec une ou plusieurs femmes, ses enfants non mariés et quelques personnes (sa mère, un jeune frère par exemple). Il peut s’y ajouter une ou plusieurs familles ayant en commun un parent mâle, et ainsi le groupe peut varier de deux à quarante personnes. Plusieurs familles apparentées de façon patrilinéaire forment une famille étendue, dans laquelle le membre le plus ancien représente l’autorité ; en se regroupant, les familles étendues constituent l’agbole. Le plus âgé, aidé des anciens et parfois des chefs de familles étendues et de leurs plus vieilles femmes, prend les décisions importantes. Le pouvoir politique n’est pas centralisé. La terre appartient au patrilignage, et le chef de celui-ci en contrôle la répartition. Aucun adulte appartenant à la communauté ne peut être laissé sans terre. Il faut l’accord du groupe pour aliéner une part de sa terre. Cependant, le propriétaire, qui a le droit exclusif d’utilisation, peut temporairement ou définitivement mettre en gage une partie de sa terre ou la transmettre à des personnes n’appartenant pas au lignage.

Les Yoroubas pratiquent la circoncision dans l’année qui suit la naissance. Dans certains groupes, les filles sont excisées. Le mariage yorouba est conclu après une série de dons du jeune homme au père de la jeune fille (igname, maïs, aide dans certains travaux). Après un présent final (idana), la date du mariage est fixée.

Les Yoroubas croient en un dieu suprême, Olorun ou Olodumare, seigneur du ciel et créateur. Quelque quatre cents dieux et esprits complètent le panthéon ; la plupart d’entre eux ont leurs propres adeptes et des prières spéciales ; ils représentent les esprits des collines, des rochers, des rivières et des ancêtres.

Les Yoroubas consultent l’oracle Ifa pour prendre toutes les décisions sérieuses. Il faut mentionner les noms de Shopona, dieu de la Variole, de Shango, dieu du Tonnerre et de la Lumière, d’Orisha Oko, déesse de l’Agriculture, d’Ogun, dieu de la Guerre et du Fer. La magie est pratiquée par des devins (balawo), sous forme de charmes magiques attribués pour le meilleur et pour le pire.

J. C.


L’histoire

Le pays yorouba est demeuré longtemps isolé. Ses traditions sont riches, mais il est difficile, faute de recoupements, de replacer les événements de son histoire dans une chronologie générale. En 1826, Hugh Clapperton (1788-1827) et Richard Lander (1804-1834) furent les premiers Européens à visiter le pays.

Les Yoroubas semblent n’avoir jamais constitué une entité politique. Ils formaient une vingtaine de royaumes, ou plutôt de cités-États, d’importance inégale (Ife*, Oyo, Egba, Ijebu, Ilesha, Ekiti, Ondo, Kétou, etc.). La cité, entourée de remparts de terre, était le siège de marchés actifs et la résidence d’un oba (roi), dont l’insigne distinctif était une couronne de perles. L’oba était un roi divin, mais non un despote, ses pouvoirs étant contrebalancés par diverses institutions. Le caractère urbain de la civilisation yorouba est original dans une Afrique tropicale essentiellement paysanne.

On retrouve, avec des variantes, chez les différents peuples yoroubas ainsi que chez les Édos du Bénin, leurs voisins, un cycle commun de mythes. Chaque royaume fut fondé par un fils d’Oduduwa (Odoudoua), le héros envoyé par le dieu du Ciel sur l’océan primitif pour créer la Terre. Une primauté spirituelle était reconnue à Ife, dont Oduduwa fut, selon la légende, le premier oni (roi). On a abandonné la thèse de vastes migrations et la recherche d’origines « hamitiques », égyptiennes ou autres. La glottochronologie fait remonter à plusieurs milliers d’années l’installation des Yoroubas dans leur habitat actuel.

La fondation des dynasties royales des « enfants d’Oduduwa » pourrait être le fait d’un lignage autochtone vers 1300 apr. J.-C.

C’est donc aux Yoroubas qu’il convient d’attribuer les vestiges dont leur pays abonde : terres cuites, bronzes, monolithes.

La datation et l’interprétation de ces objets sont d’autant plus difficiles qu’ils sont rarement découverts sur leur site primitif. On attribue provisoirement aux xive et xve s. les têtes extraordinaires, d’un naturalisme idéalisé, de la période dite « classique » d’Ife.

Au xviiie s., le plus septentrional des royaumes, Oyo, imposa son hégémonie. Mais, dès la fin du siècle, il fut défait par ses voisins, abandonné par ses vassaux et livré aux révoltes intestines. À Ilorin, le chef de guerre d’Oyo proclama son indépendance, préparant la voie à la conquête peule. Vers 1830, Oyo (Old Oyo, la Katunga visitée par Clapperton) fut abandonné au profit d’une capitale plus méridionale, New Oyo. Le djihād peul s’arrêta à la lisière de la forêt dense vers 1840. Mais les Yoroubas de l’Est étaient menacés par l’expansion du Bénin, et ceux de l’Ouest par les razzias du Dahomey, jadis tributaire. Trois cités nouvelles, Ibadan*, Abeokuta et Ijaye, fondées par des réfugiés et gouvernées par des condottieri, se disputaient, dans des guerres incessantes, l’héritage politique d’Old Oyo.

Installés depuis 1851 à Lagos, les Britanniques intervinrent de plus en plus dans l’intérieur pour la défense de leurs commerçants et de leurs missionnaires. Parmi ces derniers se distinguèrent dès 1840 des Yoroubas repris aux navires négriers, libérés et convertis à Freetown. En 1892-93, les Britanniques imposèrent leur protectorat aux États yoroubas qui leur furent reconnus par le traité de délimitation franco-britannique de 1898. L’Indirect Rule devait favoriser la survie des anciennes traditions. Mais, en même temps, les Yoroubas, très réceptifs à l’éducation occidentale dispensée par de nombreuses sociétés missionnaires, allaient jouer un grand rôle dans la formation de la nation nigériane.

D. B.

➙ Afrique noire / Dahomey / Ibadan / Ife / Nigeria.