yiddish (littérature) (suite)
La femme juive, dont le monde était auparavant la Tseene u Reene, est devenue la « lectrice ». Le judaïsme traditionnel a loué la femme juive comme une femme forte, sa soumission et sa fidélité. Les mouvements ouvriers et révolutionnaires modernes ont fait de la femme une militante, qui, de concert avec l’homme, accomplit les temps nouveaux. La littérature yiddish, avec Peretz, Schalom Asch (1880-1957), Abraham Reisen (1876-1953), David Bergelson (1884-1952), Joseph Opatoshu (1886-1954), Halpern Leivik* (1888-1962), décrit la femme juive comme un être humain et assure son émancipation pleine et entière.
Cette littérature moderne recrute ses lecteurs dans toutes les couches sociales. C’est le rôle de toute littérature nationale. Mais le lecteur qui s’est senti le plus proche de l’écrivain yiddish a été l’ouvrier et l’homme du peuple : il s’est reconnu dans la littérature ; il y a retrouvé sa vie, ses luttes. Ainsi, Peretz et M. Spektor furent arrêtés lors d’une réunion politique déguisée en mariage traditionnel : on interna les deux écrivains à la citadelle de Varsovie. Spektor décrivit de façon fort précise l’incident. Mais ce qu’il y a de profondément symbolique, c’est que deux des œuvres les plus connues de Peretz ont été écrites pendant cet emprisonnement : Si ce n’est plus haut et Entre deux montagnes.
Toute la littérature yiddish se partage en deux tendances : celle de Mendele (Abramovitz) et celle de Peretz. L’une, critique, a vu la réalité juive de façon satirique, a perçu le quotidien dans sa grisaille ; la seconde a saisi les forces profondes qui agissent dans la vie de tous les jours et le miracle de l’existence juive. Peretz a le sens de la fête et du sacré, de l’« âme supplémentaire » du Juif de la rue. Le réalisme n’est qu’un aspect secondaire de son œuvre.
Ces deux tendances fondamentales se rejoignent dans l’œuvre de J. Opatoshu. Opatoshu exige la réalité quotidienne « le lundi et le mercredi », l’homme avec toutes ses passions, sa noblesse et sa banalité. Mais ses dernières œuvres le font passer de la réalité à la légende. Chaque jour de la vie d’un Juif est un double miracle. La littérature yiddish, de la négation, qui a caractérisé ses débuts, en arrive à l’acquiescement, qui caractérise les périodes les plus créatrices de la production littéraire.
La littérature yiddish a été, et est encore, plus qu’une vision esthétique, une religion nouvelle. Elle a aidé au renouveau de la conscience nationale ; elle a été un exceptionnel instrument d’éducation de la jeunesse. Elle a guidé l’action et la spiritualité du Juif d’Europe orientale qui planta sa tente partout dans le monde et même dans l’État d’Israël, qui est, à l’heure actuelle, le centre vital de la littérature yiddish.
A. D.
