Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wurtemberg (suite)

Ulrich Ier, neveu du duc Eberhard II (duc de 1498 à 1550), obtient d’importants avantages territoriaux à la fin de la guerre de succession palatine (1504) au nord-est. Ses exigences fiscales, impôts directs et de consommation, qui visaient à annuler le rôle financier du Landtag, provoquent la révolte paysanne du « pauvre Conrad » (1514). La bourgeoisie accepte d’apurer la situation financière du duché, à condition que celui-ci soit doté de libertés constitutionnelles, en particulier du contrôle de toutes les décisions politiques du prince (pacte de Tübingen). Mais l’annexion de la cité libre de Reutlingen entraîne la mise au ban de l’Empire d’Ulrich : la Ligue souabe le chasse (1519) et vend le duché à Charles Quint*, qui, en 1522, le cède à son frère Ferdinand.


Les Temps modernes

Le mauvais gouvernement des Habsbourg, la guerre des Paysans et la pénétration de la Réforme, réprimée par la Ligue, favorisent le retour d’Ulrich Ier, qui, avec l’aide du landgrave Philippe de Hesse (1518-1567), bat les troupes de Ferdinand à Lauffen (1534) et retrouve son duché, mais en tant que vassal des Habsbourg. Ayant introduit officiellement la Réforme dans ses États et adhéré à la ligue de Smalkalde, Ulrich Ier entre de nouveau en conflit avec Charles Quint, mais est finalement rétabli dans ses droits (1547).

Son fils Christophe (duc de 1550 à 1568) est un législateur de talent. Une Landesordnung (Ordnung signifie « règlement ») de 1552 règle les problèmes judiciaires et administratifs. Le code de 1555 s’inspire beaucoup du droit romain. Une Schulordnung (1556) prévoit la création d’écoles paroissiales dans toutes les communes, d’écoles latines urbaines et d’écoles monastiques pour les futurs théologiens. Les biens sécularisés, rassemblés dans une administration spéciale, financent le clergé, les écoles et l’assistance. La grande Kirchenordnung de 1559 centralise l’Église, dirigée par un Kirchenrat, organe administratif et de surveillance. Elle a connu une telle réussite qu’elle a supplanté l’ordonnance saxonne dans la plupart des territoires luthériens allemands et qu’elle a même été introduite dans ses grandes lignes en Saxe.

Le duc Louis (de 1568 à 1593), avec qui s’éteint la lignée principale, est un des promoteurs de la Formule de concorde. Un comité de deux prélats protestants et de six délégués des bailliages contrôle la levée et l’utilisation des subsides, tutelle qui paraît bien lourde à Frédéric Ier de Montbéliard (duc de 1593 à 1608), qui supprime le pacte de Tübingen et limite le rôle financier des états, qu’il contraint de prendre à leur charge les trois quarts des dépenses militaires. Frédéric parvient à libérer son duché de la suzeraineté autrichienne pour en faire un fief direct de l’Empire (1599). Il crée un collège pour les fils de princes et de nobles et fonde la ville de Freudenstadt, qui devient vite une colonie de réfugiés protestants autrichiens. Après sa mort, la diète obtient de son successeur Jean-Frédéric (duc de 1608 à 1628) l’abandon de sa politique absolutiste. Jean-Frédéric, qui a participé à la création de l’Union évangélique (1608) contre les Habsbourg, la quitte en 1621 pour maintenir le duché hors du conflit de la guerre de Trente* Ans, qui ne l’atteindra qu’en 1629, lorsque l’édit de Restitution réclame la cession de près du tiers du territoire aux ordres religieux dépossédés lors de la Réforme.

Jusqu’en 1648, le Wurtemberg sera ravagé par les diverses armées de passage, provoquant la perte des deux tiers de la population et un effondrement économique. Les traités de Westphalie permettent au duché de retrouver à la fois son intégrité territoriale et l’exclusivisme luthérien, après des tentatives de Contre-Réforme lors de l’occupation militaire par les Impériaux. La misère a favorisé un renouveau religieux sous l’impulsion de Johann Valentin Andreä (1586-1654) par l’introduction de convents et l’obligation scolaire.

Le duc Eberhard III (de 1628 à 1674) s’efforce de reconstruire et de repeupler son duché. Allié de la France par son adhésion (en 1660) à la ligue du Rhin, constituée en 1658, il se voit mal récompensé : « réunion » en 1684 de Montbéliard, occupée dès 1676, et dévastation du duché par des troupes françaises entre 1689 et 1706, ce qui contraint les princes à se tourner vers les Habsbourg, leur adversaire territorial et religieux, qui les ont tant fait souffrir entre 1629 et 1648. Durant cette nouvelle période de guerres destructrices, les ducs créent une armée permanente et imposent aux états un absolutisme illustré par la splendide résidence de Ludwigsburg, une copie de Versailles. Si l’orthodoxie luthérienne a empêché l’installation de huguenots après la révocation de l’édit de Nantes (1685), elle a autorisé celle de 6 000 vaudois.

Le duc Eberhard-Louis (de 1693 à 1733) favorise le piétisme* et la tolérance de multiples sectes au détriment de l’orthodoxie. Sous son successeur Charles Alexandre (duc de 1733 à 1737), un glorieux général converti au catholicisme, le Wurtemberg traverse une crise redoutable. Ayant dû abandonner ses droits épiscopaux sur l’Église luthérienne au Conseil secret, le prince entreprend de restaurer le catholicisme et de supprimer les états provinciaux. Sa mort et la pendaison de son conseiller, un aventurier de la finance, Joseph Süss-Oppenheimer (v. 1698-1738), mettent fin à cette politique, mais non au conflit entre le nouveau prince Charles-Eugène (duc de 1737 à 1793) et le Landtag, illustré par des hommes talentueux comme Johann Jakob Moser (1701-1785). Cette période est une des plus brillantes sur le plan de la civilisation par l’élaboration d’une synthèse originale entre le luthéranisme, l’Aufklärung et le modèle de la Grèce antique, qui imprègne les études secondaires et universitaires.


L’histoire contemporaine

À travers toute l’ère moderne, Tübingen n’a jamais cessé d’être le principal pôle de rayonnement universitaire en Allemagne du Sud et qui a envoyé ses étudiants comme pasteurs, enseignants et juristes dans l’ensemble de l’espace souabe compris entre le Rhin, la Bavière et l’Autriche. Cette culture suscite un esprit républicain, philanthrope et national qui a fortement influencé la renaissance du patriotisme allemand, et dont les figures de proue sont C. F. D. Schubart (1739-1791), Schiller*, Schelling*, Hegel* et Hölderlin*. Le despotisme éclairé a provoqué des dépenses somptuaires jugées excessives par la diète, dont de nombreux membres sont sensibilisés par les nouvelles théories politiques.