Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

western (suite)

Il faudra attendre 1903 pour voir naître le premier western de l’histoire du cinéma, une petite bande intitulée le Vol du Grand Rapide et tournée par un metteur en scène de talent, E. S. Porter. Ce film obtient un succès extraordinaire et devient presque immédiatement, selon le mot de l’historien Lewis Jacobs, « la Bible des réalisateurs de films ». On retrouve dans le Vol du Grand Rapide les thèmes essentiels d’un genre qui ne s’embarrasse pas encore de préoccupations d’ordre psychologique et dont toute l’action dynamique est centrée sur la poursuite : attaque d’un train par des bandits, qui s’enfuient à bord de la locomotive jusqu’à l’endroit où les attendent leurs chevaux, et cavalcade effrénée entre policiers et voleurs (qui se termine, naturellement, par la capture de ces derniers). À la suite de ce succès, la plupart des producteurs se lancent dans la réalisation accélérée de nombreux westerns tournés à la va-vite, au rythme de cinq ou six par semaine : le thème du hold-up envahit l’écran. Toutes les bandes se ressemblent, à quelques détails près : selon un mot de l’époque, « on ne changeait pas de sujet, on changeait seulement de cheval ». Max Anderson, l’un des protagonistes du Vol du Grand Rapide, se consacre exclusivement au film de cow-boy, fonde avec George Spoor la société Essanay et lance la série des Broncho Billy, qu’il interprète avec fougue et conviction.

• Naissance du « cow-boy de l’écran »
Un événement capital survient pendant l’hiver 1908 : le « colonel » William N. Selig, producteur avisé et commerçant de grande envergure, décide de faire terminer l’un de ses films en Californie, où l’hiver est plus clément. La ruée du cinéma vers les terres californiennes est commencée : en 1911, Hollywood est né et le premier film que l’on y tourne est un western, The Law of the Range.

Deux acteurs vont à eux seuls bâtir la renommée du western : l’un, William S. Hart, doit sa réputation à Thomas Harper Ince, dont le rôle est primordial dans l’histoire du cinéma américain ; l’autre, Tom Mix, est une « découverte » du « colonel » Selig. William S. Hart tourne Pour sauver sa race, le Droit d’asile et l’Homme aux yeux clairs avec beaucoup de lucidité et d’intelligence. C’est un acteur réfléchi et grave, intransigeant et obstiné, volontiers idéaliste, sourcilleux lorsqu’un scénario dénature les vraies légendes de l’Ouest. Tom Mix, cavalier expert, ex-cow-boy de rodéos, lancé à grand renfort de publicité, est nettement moins bon acteur que son rival, mais son succès est plus grand et sera plus durable : pendant plus de vingt ans, Tom Mix et son cheval Tony galoperont dans des centaines de westerns sans jamais lasser un public qui concilie aisément la naïveté et l’enthousiasme. Qu’importe si l’éthique est grossière pourvu que réapparaisse éternellement le héros bondissant, pur et invincible, nouvelle idole d’une Amérique friande de rêves et de chevauchées.

Entre 1915 et 1930, la production des westerns est quantitativement très importante : les « serials » connaissent des succès alléchants au box-office, qui ne s’éteindront que bien après l’apparition du parlant. Le « star system » pousse certains acteurs (comme Douglas Fairbanks) à tenter leur chance dans ce genre éminemment populaire, et certains autres à devenir des spécialistes incontestés (ainsi les frères Farnum, Hoot Gibson, Harry Carey, Buck Jones, etc.).

• Naissance du réalisateur de westerns
Deux hommes ont beaucoup fait pour la renommée du western, considéré à cette époque par de nombreux cinéastes comme un genre mineur. James Cruze devait réussir, avec la Caravane vers l’Ouest, la première grande épopée cinématographique. John Ford, dont les débuts de metteur en scène datent de 1917, avait déjà à son actif 48 films lorsqu’il signa en 1924 le Cheval de fer, dont le scénario tranchait sur sa production courante par certaines qualités psychologiques et dont la facture technique annonçait indéniablement un grand créateur.

Le western franchit une étape. L’heure des obscurs tâcherons qui bâclent en une semaine un scénario mièvre et primaire n’est pas révolue. Mais déjà s’instaure une hiérarchie dans les productions. Le John Ford du Cheval de fer et de Trois Sublimes Canailles, comme le Henry King de Barbara fille du désert ont un style qui leur est propre, un certain « punch » que l’on retrouvera à l’aube du parlant chez le Raoul Walsh de la Piste des géants.


Le western parlant

• Naissance du cow-boy chantant et du western de prestige
À la fin de l’époque du film muet, la révolution des frères Warner alarme les pessimistes. Nombreux sont ceux qui pensent que le western a vécu ; « Tom Mix, Hoot Gibson et Ken Maynard doivent troquer leurs chevaux contre des avions ou bien se retirer dans une maison pour vieux comédiens », écrit un critique. Mais les mauvais augures se trompent...

Après quelques années d’hésitation, le western se maintient au box-office. Raoul Walsh tourne même sa Piste des géants sur pellicule large de 70 mm. Le western ne sera plus le parent pauvre artistique du cinéma hollywoodien : Billy le Kid (1930), de King Vidor, Cimarron (1930) de Wesley Ruggles, Une aventure de Buffalo Bill (1937) de C. B. De Mille, Robin des Bois d’Eldorado (1936) de William Wellman, le Brigand bien-aimé (1939) d’Henry King prouvent que certains metteurs en scène sont tout prêts à engager leur prestige sur un film dont le scénario a été solidement bâti sur les légendes les plus vivaces du siècle passé.

Mais le succès de ces westerns majeurs est commercialement dépassé par l’incroyable vogue des westerns de série Z, réalisés par des metteurs en scène dont le seul souci est strictement d’ordre commercial. L’anecdote la plus futile est prétexte à galopades. Quant aux scénarios, leur légèreté et leur fadeur n’ont d’égales que la lourdeur et la pauvreté de la mise en scène. Un héros nouveau apparaît : Hopalong Cassidy, qu’interprète William Boyd.

Mieux encore, les cow-boys ne se contentent pas de parler et de faire des prouesses avec leurs colts : ils chantent. Gene Autry, puis Roy Rogers auront ainsi, aux États-Unis du moins, une popularité immense, plus importante même que celle des stars les plus célèbres du temps. Elle ne s’éteindra que vers 1955, à une époque où la télévision saura davantage les utiliser que l’écran, qui vient de s’agrandir grâce au Cinémascope.

• Le western contemporain