Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Weimar (république de) (suite)

Prolongation de la crise et poussée nationaliste

Le chômage s’accroît, et, en janvier 1931, le gouvernement diminue les salaires de 6 p. 100. La crise s’aggrave au printemps, à la suite de la faillite d’une des plus grandes banques autrichiennes, la Credit-Anstalt. Aussitôt plusieurs entreprises allemandes font faillite à leur tour. En quinze jours, la Reichsbank perd plus de 1 milliard de mark de devises. Au début de juillet, une des quatre grandes banques allemandes, la Darmstädter und Nationalbank, est au bord de la faillite. Le gouvernement intervient énergiquement, fermant les banques, augmentant le taux d’escompte, contrôlant désormais toute l’activité bancaire. Il protège aussi les entreprises industrielles. Un moratoire d’un an pour les réparations lui est accordé en juin (moratoire Hoover), mais ses efforts pour obtenir d’autres avantages de Paris et de Londres se heurtent à une fin de non-recevoir. Les Alliés, comme le dira Brüning plus tard, ne comprirent pas que, pour éviter Hitler, il fallait « consolider » son gouvernement.

Brüning riposte en mettant le Parlement en congé jusqu’en février 1932 et remanie son gouvernement, confiant au général Wilhelm Groener, déjà ministre de la Reichswehr, le portefeuille de l’Intérieur. Il s’appuie aussi sur la Bannière d’Empire (Das Reichsbanner).

Cet hiver de 1932 est aussi un hiver électoral. Certains ont espéré un arrangement avec Hitler pour pouvoir proroger les pouvoirs du président Hindenburg, mais Hitler refuse et annonce qu’il a l’intention de se porter candidat à la présidence du Reich. Les partis ont perdu de plus en plus de leur importance. C’est dans la rue et dans les usines que se déroule la lutte opposant le Front rouge communiste et la Bannière d’Empire socialiste au Casque d’acier conservateur et à l’armée brune nazie.

Le premier tour des élections a lieu le 13 mars 1932 : Hindenburg arrive en tête avec 49,6 p. 100 des suffrages, mais Hitler en a obtenu 30,1 p. 100 et le communiste Ernst Thälmann 13,2. Au second tour, le 10 avril, Hindenburg est réélu, mais Hitler apparaît comme le véritable chef de l’extrême droite.

Les élections au Landtag de Prusse le 24 avril donne une forte avance aux nationaux-socialistes, qui passent de 8 à 162 sièges. Le 30 mai, Brüning démissionne et est remplacé par Franz von Papen (1879-1969).


La fin de la république de Weimar

Le nouveau gouvernement prononce la dissolution du Reichstag le 4 juin. Pendant ce temps, à la conférence de Lausanne (16 juin - 9 juill.), von Papen obtient la réduction à 3 milliards de mark de la dette de guerre ; le chiffre est tout à fait théorique, car von Papen ne cache pas que l’Allemagne ne paiera plus rien. Juste avant les élections, le gouvernement intervient en Prusse et, conformément à l’article 48 de la Constitution, le gouvernement social-démocrate est démis par le président du Reich sur la proposition de von Papen, nommé commissaire du Reich pour la Prusse. L’état de siège est proclamé à Berlin, et, le 20 juillet, il n’y a plus de gouvernement prussien. Les syndicats chrétiens et les socialistes acceptent sans bouger cet état de choses.

Les élections du 31 juillet 1932 marquent un progrès considérable des nazis, qui doublent leurs voix par rapport à 1930. À gauche, le total des voix des deux partis est inchangé, mais les communistes mordent sur le parti socialiste. On trouve d’un côté 37 p. 100 de nazis et de l’autre 15 p. 100 de communistes.

Hitler revendique aussitôt le poste de chancelier, mais Hindenburg le lui refuse. Le parti nazi en profite pour organiser des manifestations de toutes sortes. Cette situation se maintient tout au long de l’été et de l’automne.

Au mois d’août 1932, von Papen négocie et cherche à faire entrer Hitler dans le gouvernement. Le 13 août, Hitler rencontre de nouveau Hindenburg, mais le maréchal-président refuse de le nommer chancelier et d’abandonner von Papen. Dès lors, l’épreuve de force s’engage entre les nazis et le gouvernement von Papen. Les agressions se multiplient, et le gouvernement doit envisager la peine de mort pour maintenir l’ordre. Von Papen, pressé par la droite d’en finir avec le Parlement, convoque celui-ci le 12 septembre et, devant une motion de défiance déposée par les communistes, obtient du président la dissolution du Reichstag. Auparavant, Göring, président du Reichstag, par un tour de passe-passe, fait voter les députés sur la motion de censure : le gouvernement obtient 42 voix et l’opposition 512.

Les élections de novembre sont précédées d’une grave agitation sociale à Berlin. Les ouvriers se mettent en grève contre la direction sociale-démocrate, et les nationaux-socialistes participent à la grève fomentée par les communistes. La police intervient. Il y a 10 morts, 100 blessés et 1 000 arrestations.

Les élections du 6 novembre 1932 sont les dernières élections réellement libres avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les nazis perdent 4,2 p. 100 des voix, soit 2 millions d’électeurs, et n’ont plus que 196 députés. Le SPD régresse fortement, perdant 700 000 voix, et le parti communiste en gagne 600 000. L’Allemagne protestante a voté national-socialiste, l’Allemagne catholique est demeurée plus réfractaire.

Sur le plan parlementaire, rien n’est changé, mais les propositions de von Papen, suggérant une révision constitutionnelle, sont rejetées par le cabinet sous la pression de la Reichswehr. Le 1er décembre, von Papen démissionne, et, malgré les propositions de Hitler, Hindenburg appelle le général Kurt von Schleicher (1882-1934), le chef de la Reichswehr. Schleicher se rapproche des syndicats et prend contact avec le SPD. Le Reichstag accueille favorablement son gouvernement et vote un projet d’amnistie. Le gouvernement rétablit les conventions collectives, annonce l’élaboration d’un plan économique et tente de désagréger le parti nazi en s’appuyant sur l’aile gauche, que dirige Gregor Strasser. Hitler reprend son parti en main et s’appuie sur le patronat, qui voit en lui le chef d’un parti populaire pouvant assurer un gouvernement stable, anticommuniste et national. En outre, le programme social du chancelier von Schleicher inquiète la grande industrie. À la fin de l’année, Hitler rencontre les chefs de la haute finance allemande, qui l’assurent de leur appui. D’autre part, l’armée se rapproche de Hitler et accepte le développement de ses forces paramilitaires.