Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Weimar (république de) (suite)

Aussi s’affirme-t-il dans certains milieux sociaux-démocrates la conception que Rudolf Hilferding (1877-1941), un des chefs du SPD, appelle le « capitalisme organisé ». Il en est ainsi de la pensée révisionniste de Bernstein, qui a rédigé le nouveau programme du SPD, celui de Görlitz (1921), et écrit : « Les structures sociales modernes sont susceptibles d’évoluer. On n’a pas besoin de les détruire. Il suffit de développer leurs virtualités. » D’ailleurs, en 1927, l’assurance chômage est améliorée et les salaires sont nettement augmentés.

Tout cela se traduit lors des élections du 20 mai 1928. Le SPD progresse sensiblement, passant de 26 à 30 p. 100 des suffrages. Au contraire, la droite recule. Aussi le SPD revient-il au pouvoir et constitue-t-il un gouvernement de coalition, groupant sociaux-démocrates, démocrates, membres du Centre et populistes. Au printemps de 1928, la république de Weimar semble renforcée, et le recul des nazis laisse penser que le parti hitlérien ne présente plus aucun danger. Toutefois, ce parti s’organise de manière systématique. La crise qui va éclater aux États-Unis conduira rapidement à sa perte la république de Weimar, dont les fondations demeurent chancelantes. La crise sociale de 1928 le montre, avant même que ne se produise le krach de New York.


Le début des difficultés (1928-29)

Une grève éclate dans la Ruhr en octobre 1928 pour une question de salaire horaire. Les patrons, considérant la décision d’arbitrage comme trop favorable aux ouvriers, répondent par un lock-out : plus de 200 000 ouvriers sont licenciés. Cela provoque un grave conflit et une crise à l’intérieur des syndicats. Un second arbitrage gouvernemental n’accorde qu’une augmentation très faible et est, en fait, favorable au patronat. Cet événement envenime les relations entre sociaux-démocrates et communistes. À la suite des manifestations du 1er mai 1929, le Front rouge est dissous et l’organe du parti, le Drapeau rouge, interdit pour trois semaines, mais ces incidents renforcent l’extrême droite et expliquent les progrès du parti national-socialiste.

Pourtant, l’Allemagne remporte un grand avantage diplomatique. Le plan Young, présenté le 7 juin 1929 par une commission interalliée siégeant à Paris, succède au plan Dawes. En échange, les Alliés admettent la suppression de la Commission des réparations et la France accepte, à la conférence de La Haye (août 1929), d’évacuer pour le 30 juin 1930 la zone qu’elle occupait encore en Rhénanie. Ainsi, juste avant de mourir, Stresemann a-t-il remporté un véritable succès.

Mais l’opposition demeure très forte, et le plan Young, dès qu’il est connu, est battu en brèche. Les milieux économiques constituent un Front national, qui groupe les nationaux-allemands, le Casque d’acier, le parti national-socialiste et la Ligue pangermaniste. Le Front permet la conjonction des nationaux-socialistes et du grand capital.


La crise de 1929 et la fin de la république de Weimar

Au début de 1929, alors que l’économie allemande est en pleine prospérité, il y a près de 2 millions de chômeurs en raison de la recherche par les entreprises d’une véritable productivité. Ce chômage technologique souligne les difficultés économiques que révèle par ailleurs la stagnation de l’indice de la production industrielle.


Récession et chômage

La crise de 1929 va être tributaire de deux facteurs : les capitaux américains et les exportations. Les Américains, dès le début de la crise, rapatrient leurs fonds, et la chute des exportations est tout de suite très forte. Aussitôt après le krach de Wall Street, en octobre 1929, l’économie mondiale s’effondre, mais très particulièrement aux États-Unis et en Allemagne.

La crise aggrave la situation, et le nombre des chômeurs augmente considérablement : il y en a 2 300 000 le 15 mars 1930 et 6 300 000 à la fin de mars 1932. En 1932, plus de 40 p. 100 des salariés sont des chômeurs.

L’État doit intervenir, mais il n’a pas de grands moyens, d’autant plus que la baisse de la production entraîne une baisse de ses revenus. D’autre part, les prix agricoles ne diminuent que faiblement, car le gouvernement, pour protéger les paysans, augmente souvent les droits de douane sur certaines denrées. Plusieurs milliers de petites propriétés sont vendues aux enchères. Le gouvernement envisage des mesures très sévères : augmentation des impôts, diminution des traitements et des allocations de chômage. Mais il se heurte à l’opposition des syndicats et du SPD. Le cabinet présidé par Hermann Müller (1876-1931) démissionne le 27 mars 1930. C’est le dernier cabinet parlementaire de la république de Weimar.

Le président appelle, pour lui succéder, le leader du Centre, Heinrich Brüning (1885-1970). Ancien officier de réserve, ce Rhénan est profondément dévoué au maréchal-président et hostile au traité de Versailles ; il tient à l’ordre. Il se trouve devant une situation délicate et veut utiliser les possibilités offertes par la Constitution de Weimar, en particulier l’article 48 sur les pleins pouvoirs. En fait, il constitue un « cabinet présidentiel », peu lié à l’opinion du Reichstag. Le gouvernement qu’il présente montre bien ses intentions : il se compose de membres du Centre, de populistes et de nationaux-allemands. Un budget d’austérité est établi par lui, mais le Parlement refuse de réduire les traitements des fonctionnaires. Dès lors, le Reichstag est dissous (18 juill.) et le budget promulgué par décret en vertu de l’article 48. Sociaux-démocrates, communistes et nationaux-socialistes ont voté contre. Que vont donner les élections du 14 septembre ?


Les élections de 1930

Elles révèlent un énorme succès des nazis, qui obtiennent 6 400 000 voix et 107 sièges au lieu de 810 000 voix et 12 sièges. Les communistes et le Centre progressent aussi, tandis que les socialistes et la droite traditionnelle reculent.

Ces élections montrent bien l’échec de la social-démocratie ainsi que celui de la république de Weimar. Les grands partis démocrates — Centre, démocrates, sociaux-démocrates et populistes — conservent la majorité absolue au Reichstag, mais ils sont divisés sur la politique à suivre. Le programme de Brüning est très ferme : il veut renforcer l’exécutif et le rôle des autres assemblées (Reichsrat et Conseil économique), et il est assuré du soutien de la social-démocratie, qui estime que Brüning est le moindre mal.