Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wehrmacht (suite)

• La Luftwaffe. À cet effort, l’OKW associe la Luftwaffe, qui, en 1942-43, met sur pied 22 divisions de campagne, lesquelles, après des fortunes diverses, sont transférées à l’armée de terre le 1er novembre 1943. Mais, dans son domaine propre, l’aviation allemande connaît aussi bien des déboires. Après avoir surestimé l’efficacité de ses bombardiers engagés contre l’Angleterre en 1940, Göring ne sait pas tirer la leçon de cet échec en concentrant ses efforts sur une puissante défense aérienne à base de chasseurs, qui, seuls, auraient pu s’opposer à la supériorité aérienne croissante des Alliés. La rupture d’équilibre s’avère définitive en 1943, où les avions alliés attaquent impunément les centres vitaux du Reich (Ludwigshafen, Hambourg, Berlin, etc.). L’aveuglement de Hitler bloque la révolution technique qu’aurait pu apporter à la chasse le moteur à réaction mis au point par Messerschmitt sur le « Me-262 », qui, dès juillet 1942, réalisait des performances (866 km/h à 9 000 m) supérieures à celles de tous les avions alliés. Le Führer, qui ne croit qu’aux bombardiers, retarde la construction de cet appareil : il attendra la fin de 1943 pour ordonner celle de 3 000 chasseurs, et ce n’est qu’en août 1944, quand il sera trop tard, que les premiers intercepteurs « Me-262 » seront engagés au combat. Peut-être Hitler a-t-il enfin reconnu l’incapacité de Göring, qui avait conduit au suicide, en novembre 1941, un de ses adjoints, le général Ernst Udet (né en 1896), chef des services techniques, puis, en août 1943, le général Hans Jeschonnek (né en 1899), chef d’état-major de la Luftwaffe, rendu responsable de l’incapacité de l’aviation à ravitailler Stalingrad.

À partir de 1944, malgré une production accélérée, la Luftwaffe a perdu toute maîtrise de l’air dans le ciel d’Allemagne et, le 6 juin 1944, ne peut engager plus de 80 chasseurs en Normandie*. L’illusion des nouvelles armes dites « de représailles » (Vergeltungswaffen), les V 1, V 2, Schmetterling..., ancêtres des missiles*, élaborées en 1943 et en 1944 par l’ingénieur Wernher von Braun dans la station de Peenemunde, n’empêchera pas l’anéantissement de la Luftwaffe. On ne peut oublier toutefois la valeur de ses pilotes, dont les as ont surclassé tous leurs adversaires (107 d’entre eux ont dépassé 100 victoires) [v. aviation et chasse].

• La Kriegsmarine. Pour elle, l’année 1943 est celle du remplacement, le 31 janvier, comme commandant en chef, de l’amiral Raeder par l’amiral Dönitz*, commandant des sous-marins. Cette mutation, traduisant l’espoir de Hitler en une décision par l’arme sous-marine, intervenait au moment précis où le tonnage construit par les alliés devenait supérieur à celui qui était coulé par les « U-Boot ». Après un dernier gros succès en mars, la guerre sous-marine s’effondrait en avril-mai du fait de la maîtrise totale de l’air par les Alliés dans l’Atlantique. « Les pertes sont trop élevées, écrit Dönitz au Führer le 31 mai, il s’agit maintenant d’épargner nos forces. » Le bilan de 1943 sera sévère : 237 sous-marins perdus (dont 37 en mai) pour 207 entrés en service.

Ce retour à la stratégie de 1917 soulignait l’incapacité de Hitler à diriger la guerre sur mer. Après avoir construit à grands frais une puissante flotte de surface de 1935 à 1940 (avec le Scharnhorst et le Gneisenau, de 26 000 t, le Bismarck et le Tirpitz, de 40 000 t, achevés en 1941, comptaient parmi les navires les plus modernes de l’époque), l’état-major allemand n’en tira que peu de profit. Quand cette flotte fut neutralisée ou disparut sous les coups des Alliés, l’OKW fonda sa confiance sur les performances techniques de nouveaux sous-marins (types « XXI » et « Walter »), qui, s’ils furent remarquables, intervinrent trop tard pour influer sur la décision. En outre, leur construction hypothéqua au service de la marine des moyens industriels considérables (60 p. 100 de la production électrique du Reich), dont on aurait eu grand besoin pour d’autres types d’armement (v. sous-marin).


Le putsch de 1944 et la fin de la Wehrmacht

Alors que les événements de 1943 n’ont fait que durcir l’attitude de Hitler, ils ont ouvert les yeux de la majorité des généraux de haut rang. Mesurant la gravité de la situation au moment où se précise la menace d’un second front en France, la plupart d’entre eux sont excédés de l’inquisition pointilleuse de l’OKW, qui, dominé par la seule intuition du Führer, ignore la réalité. À la fin de 1943, plusieurs démarches sont envisagées pour obtenir de Hitler (qui, de surcroît, est malade) une réforme du haut commandement. À Berlin, le maréchal von Kluge, revenant du front russe, en a parlé avec Beck et Carl-Friedrich Goerdeler (1884-1945), ancien bourgmestre de Leipzig. Guderian, plus proche du parti et encore subjugué par Hitler, qui l’a rappelé le 1er mars 1943 comme inspecteur des blindés, intervient dans le même sens auprès de Goebbels et tente même en janvier 1944 une conversation directe avec le dictateur. L’échec de ces tentatives renforce l’opinion de ceux qui pensent que le seul moyen pour le Reich d’éviter la catastrophe est de se débarrasser de son Führer, opération de force que seule la Wehrmacht est à même de réussir.

Pour Hitler, qui ne croit plus en personne qu’en lui-même, seul compte le fanatisme, qu’il s’agit d’insuffler à son peuple et d’abord à la Wehrmacht. Séduit par l’exemple des commissaires politiques de l’armée rouge, le Führer crée, par sa directive du 22 décembre 1943 sur l’éducation nationale socialiste dans la Wehrmacht, un corps d’officiers choisis parmi les cadres du parti (Nationalsozialistische Führungsoffiziere) chargés de faire passer l’idéologie nazie dans l’armée, ce à quoi le commandement s’est toujours opposé jusqu’alors.

C’est dans ces conditions de malaise interne que survient le débarquement de Normandie* du 6 juin 1944, qui, aggravant la situation stratégique, va pousser les conjurés à agir. Le 20 juillet, c’est l’attentat contre Hitler, perpétré au P. C. de la « Wolfsschanze » (Repaire du Loup) à Rastenburg par le colonel von Stauffenberg avec l’appui ou la complicité de nombreux généraux prêts à soutenir le gouvernement projeté par Goerdeler avec le maréchal von Witzleben et le général Beck. L’échec du putsch se solde par une répression sauvage, où disparaissent à côté des conjurés plusieurs grands chefs de la Wehrmacht (Canaris, Hoepner, Kluge, Rommel*, H. von Stülpnagel, soit au total 22 généraux pendus et 58 suicidés). Par un raffinement où s’expriment le mépris et la haine de Hitler, les inculpés militaires, avant d’être transférés au Tribunal du peuple, sont chassés de la Wehrmacht par une cour d’honneur où, sous la présidence du maréchal von Rundstedt, siègent Keitel et Guderian.