Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Wehrmacht (suite)

Si, en Pologne (1939) et en France (1940), il laisse la direction des opérations à Brauchitsch, commandant en chef de l’armée (OKH), il intervient à plusieurs reprises dans leur préparation comme dans leur déroulement. Ce sont les fameux « ordres de Hitler » (Hitlersbefehle), qui « tombent » brutalement sur le haut commandement, que ce soit le 25 mai 1940 en stoppant les Panzer devant Dunkerque ou le 21 août 1941 en donnant priorité à la conquête de l’Ukraine sur celle de Moscou. Au cours de ces deux années de succès spectaculaires, dus à la qualité indiscutable du commandement de l’armée, Hitler doit encore ménager celui-ci. Pour s’imposer, il joue toutefois de la dualité des hautes instances militaires que sont l’OKH et l’OKW, la première, héritière du grand état-major prussien qu’il jalouse et méprise tout à la fois, et l’OKW de Keitel, « sa » création, qui, en dehors de lui, ne possède aucun pouvoir de décision.

Sans doute, après la victoire sur la France, qui est un peu « sa » victoire sur les prévisions timorées de ses généraux, comble-t-il ceux-ci d’honneurs en annonçant au Reichstag le 19 juillet 1940 la création de douze maréchaux. Sans doute confie-t-il encore en 1941 à Brauchitsch la responsabilité du front russe, mais, dès avril 1940, il a inauguré, avec la campagne de Norvège, la formule d’un théâtre d’opérations directement subordonné à Keitel et à Jodl... c’est-à-dire à lui-même. Il en sera de même désormais de tous les fronts extérieurs : Balkans, Afrique, France et même Finlande.

Cette dualité ne pouvait qu’engendrer la confusion quand on pense à l’importance de l’enjeu comme des moyens mis en œuvre : 3,3 millions d’hommes engagés par l’OKH sur le front russe en juin 1941 sur un total de 7,2 millions pour l’ensemble de la Wehrmacht. La confusion s’accroîtra encore lors de la première grave crise de commandement née en décembre 1941 de l’échec de la Wehrmacht devant Moscou. Pour masquer sa responsabilité, engagée par son ordre du 21 août (priorité à l’Ukraine), Hitler congédie avec Brauchitsch, dont il accepte la démission, Rundstedt, Leeb, Fedor von Bock (1880-1945), Guderian, Erich Hoepner et plusieurs autres généraux, auxquels il impute ainsi la déconvenue d’une défaite qui scelle le sort de la campagne et peut-être celui de la guerre. La situation qui en résulte est particulièrement équivoque. Hitler ne donne pas de successeur à Brauchitsch, mais prend le 20 décembre 1941 sous sa coupe directe, en plus de celui de Jodl à l’OKW, l’état-major opérationnel de l’OKH, que dirige avec une rare compétence le général Halder.

Cette première crise de la Wehrmacht survient au moment où le commandement, qui assure pourtant avec rigueur (l’Abwehr militaire et la Gestapo de Himmler emploient des méthodes analogues) la charge des territoires étrangers occupés, commence à avoir des difficultés avec leurs populations. C’est une occasion pour le parti d’intervenir en compromettant la Wehrmacht pour la déposséder ensuite. Le 7 décembre 1941, Keitel signe sous le timbre de l’OKW la sinistre ordonnance Nacht und Nebel, prescrivant au commandement militaire de remettre à la Gestapo tous ceux « qui intentent à la sécurité de la Wehrmacht », qui disparaîtront dans les camps de concentration*. En France, quelques mois plus tard (1er juin 1942), le commandement est dessaisi, au profit de Himmler, de tous les problèmes de police et de sécurité.


Le tournant de 1943

Alors que les interventions du Führer demeurent épisodiques sur les théâtres extérieurs, elles se font de plus en plus pesantes et tatillonnes sur le front de l’Est, dont il entend diriger en détail toutes les opérations depuis son quartier général de Rastenburg, en Prusse orientale. Durant l’été de 1942, l’aventure, très au-dessus de ses moyens, dans laquelle il engage la Wehrmacht en direction de Stalingrad* provoque le 9 septembre le congédiement du maréchal List, chef du groupe d’armées du Don, et le 24 la démission du général Halder, dont l’autorité et la compétence ont conservé un rôle éminent à l’état-major général de l’armée. Le remplacement de Halder par le général Kurt Zeitzler (1895-1963), cautionné par Göring et par le parti, consacre l’effacement définitif du haut commandement dans la conduite d’une guerre dont Hitler porte seul désormais la totale responsabilité. Pour renforcer encore son autorité, le Führer retire à Zeitzler et rattache directement à lui le bureau qui gère les généraux et le personnel d’état-major de l’armée de terre.

Commencée avec la capitulation de Stalingrad, l’année 1943 voit la Wehrmacht chassée d’Afrique, lâchée par l’Italie, contrainte, après la bataille de Koursk, à un repli stratégique sur le Dniepr, incapable de s’opposer à l’offensive aérienne alliée sur le Reich et en passe de perdre la guerre sous-marine dans l’Atlantique. Sur tous les fronts, l’initiative lui échappe définitivement. En dépit d’un sursaut national répondant à l’exigence, publiée par les Alliés à Casablanca, d’une capitulation sans condition, cette série de revers se répercute dans tous les secteurs de la guerre et annonce déjà la défaite finale.

• Les effectifs. Le 13 janvier 1943, Hitler proclame la guerre totale et charge Fritz Sauckel (1894-1946) de résoudre avec des étrangers (réquisitionnés, prisonniers, déportés...) le problème de la main-d’œuvre afin de libérer le maximum d’Allemands pour la Wehrmacht, dont l’effectif passe de 8,3 millions en 1942 à 9,5 millions en 1943. En effet, alors qu’en mai 1941 celle-ci n’avait pas encore perdu 100 000 hommes, les batailles du front de l’Est ont causé des pertes irréparables. Pour pallier dans l’armée un déficit croissant en effectifs (73 divisions, dont 7 Panzer, anéanties de Stalingrad à mai 1944), on a recours à divers expédients. Sous le nom de Hilfswillige, 320 000 volontaires russes servent en 1943, à raison de 2 000 par division, dans la Wehrmacht, où sont, en outre, recrutés des bataillons levés parmi les minorités ethniques (Cosaques, Arméniens, Turkmènes, Géorgiens, Baltes, etc.) de l’U. R. S. S. Commandées par le général allemand Hans Köstring, ces unités, appelées Osttruppen, rassemblent à la fin de 1943 370 000 hommes, employés comme troupes d’étapes (front russe) ou d’occupation (notamment en France). Au même moment, l’effectif des Waffen-SS, unités militaires aux ordres de Himmler et mises par le parti à la disposition de la Wehrmacht, a, lui aussi, augmenté. Alors qu’en 1940 ils ne sont que 50 000 volontaires, les Waffen-SS se recrutent à partir de 1942 dans les appelés du contingent, et leur nombre passe de 230 000 hommes (7 divisions) en 1942 à 450 000 hommes (12 divisions) en 1943 pour atteindre 830 000 hommes (21 divisions, dont 6 Panzer) en 1945 sans que varie pour autant l’effectif des véritables SS servant dans leurs rangs (environ 60 000 hommes). Enfin, pour compenser le retrait du front russe des divisions italiennes et de la division espagnole, les alliés du Reich reconstituent les unités fournies à l’OKW, qui dispose à la fin de 1943 de 9 divisions roumaines, de 5 hongroises, de 2 slovaques et de 3 croates, tandis que 14 divisions finlandaises se battent de façon indépendante contre l’U. R. S. S.