Azevedo (Aluízio) (suite)
Après la publication de O mulato (le Mulâtre, 1881), premier grand roman naturaliste brésilien, Azevedo devient un des écrivains les plus appréciés par la critique de la Cour. Il se rend de nouveau à Rio et, jusqu’en 1895, publie une série de romans qui le consacrent auprès du public. Malgré sa réussite littéraire, sa situation financière s’améliore peu. Attiré par la vie luxueuse du milieu social de son père, il entre en 1895 dans la carrière diplomatique et se laisse dès lors absorber entièrement par ses nouvelles activités. Ainsi, dix-huit ans avant sa mort, disparaît l’écrivain Aluízio Azevedo.
Avant la parution des premiers romans naturalistes, vers 1880, une assez riche tradition littéraire brésilienne s’était déjà constituée, dont le souci principal était de représenter les types et les mœurs du pays. Chaque écrivain s’était consacré à la description d’une nouvelle région, ce qui a mené certains critiques à qualifier cette littérature d’extensive. En fait, ce n’est qu’avec Machado de Assis que le roman brésilien va procéder à une analyse approfondie de la société.
Avec le Mulâtre, Azevedo ajoute une région, le Maranhão, à la géographie du roman brésilien, mais il le fait dans le cadre d’une problématique nouvelle. Son thème est la vie mesquine de la province, le racisme de la population blanche de São Luís et l’hypocrisie des mauvais prêtres.
Les valeurs de la petite bourgeoisie de Rio de Janeiro, classe à laquelle appartiennent les personnages de Casa de pensão (Pension de famille, 1884) et quelques-uns de O cortiço (Botafogo, 1890), sont aussi violemment critiquées. L’émigré portugais, propriétaire des masures de O cortiço, est un des meilleurs personnages du roman brésilien. Azevedo peint avec vigueur l’exploitation à laquelle il soumet ses locataires, puis sa conversion aux mœurs raffinées de la bourgeoisie : sommé par la famille de sa jeune fiancée, il n’hésite pas à livrer à la police la négresse avec qui il avait vécu jusqu’à sa prospérité. Le roman se clôt par la visite d’une commission de la Société pour l’abolition de l’esclavage, qui lui apporte son titre de membre de cette société.
Lorsque Azevedo décrit ainsi l’origine des grands ensembles de masures, embryon des « favelas » contemporaines, il dresse une sorte de gigantesque fresque des milieux populaires de la fin du xixe s. Sa galerie de personnages typiques révèle le mélange de races des quartiers pauvres de l’époque. Il faut cependant remarquer qu’Azevedo, si lucide pour discerner les mobiles du comportement de la bourgeoisie impériale, n’envisage pas de causes économiques ou sociales à la pauvreté extrême de ses héros populaires. La justification de leurs problèmes, il la cherche dans le domaine de la biologie et de la géographie. C’est par là et aussi par sa façon complaisante d’évoquer la vie amoureuse ou sexuelle de ses héros qu’Azevedo paie le tribut de son attachement à l’école naturaliste, à laquelle il doit toutefois d’avoir porté un regard plus critique sur la société de son temps.
A.-M. M.
J. Montello, Aluízio Azevedo (Rio de Janeiro, 1958). / N. Werneck Sodré, O naturalismo no Brasil (Rio de Janeiro, 1965).