Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Waugh (Evelyn) (suite)

Le conservatisme de Waugh — et, pour tout dire, sa couleur d’extrême droite — se manifeste avec éclat dans ses satires « africaines ». Black Mischief comme Scoop soulignent le fiasco et le chaos qui accompagnent la tentative des peuples neufs pour échapper à leur état. L’écrivain ne croit aucunement à la montée des jeunes nations noires, et Rose Macaulay pourra qualifier Waugh in Abyssinia de « tract fasciste ». Waugh n’y cache pas en effet sa sympathie pour l’action de Mussolini. Et pourtant il se défie des régimes totalitaires comme de la civilisation mécanisée, « technocratisée ». Il n’envisage pas sans appréhension l’avenir qu’il peint dans ses « utopies » (Scott-King’s Modern Europe, 1947 ; Love among the Ruins : A Romance of Near Future, 1953). Converti à l’Église romaine en 1930, même s’il ne dépeint pas un catholicisme « tout rose » (Brideshead), même s’il rejette le mysticisme (Helena), il puise dans l’élément rationaliste de la religion une petite raison d’espérer, que portent avec eux Crouchback et surtout Helena, à côté de ses anti-héros vaincus par la vie (Tony Last) ou de ses astucieux aventuriers (Basil Seal). Pourtant, rien n’efface cet humour noir, cette allègre férocité qui lui attirèrent l’audience de ses contemporains et l’installent en bonne place parmi les maîtres de la satire de toujours.

D. S.-F.

 M. Bradbury, Evelyn Waugh (Édimbourg, 1964). / J. F. Carens, The Satiric Art of Evelyn Waugh (Seattle, 1966).

Weber (Carl Maria von)

Compositeur allemand (Eutin Holstein, 1786 - Londres 1826).



La vie

Son père, Franz Anton von Weber, ancien officier, dirigeait depuis 1777 des entreprises théâtrales et menait de ce fait une vie itinérante. Fridolin von Weber, demi-frère de Carl Maria, initie celui-ci très jeune à la musique avant qu’il ne devienne en 1796 l’élève de Peter Heuschkel pour le piano ; Weber continue ensuite ses études jusqu’en 1800 à Salzbourg, à Vienne et à Munich sous la direction de Johann Michael Haydn* (contrepoint), de Johann Nepomuk Kalcher (1764-1827) [théorie musicale] et de Johann Evangelist Valesi (1735-1811) [chant]. Doué pour la lithographie, d’invention récente, il apporte quelques perfectionnements à cet art (grâce auquel il peut éditer lui-même ses Variations pour piano) et s’installe avec sa famille à Freiberg pour exploiter sa découverte. Un an plus tard, l’entreprise ayant périclité, nous le retrouvons à Salzbourg, où il est de nouveau l’élève de J. M. Haydn ; le voici en 1802 à Hambourg, puis en 1803 à Augsbourg et enfin à Vienne, où l’abbé Georg Joseph Vogler (1749-1814) devient son maître ; c’est grâce à ce dernier qu’il sera nommé en 1804 chef d’orchestre à Breslau, en 1806 intendant de la musique du prince Eugène de Wurtemberg à Carlsruhe (auj. Pokój), en Haute-Silésie, et peu après maître de musique des filles du prince Louis à Stuttgart. Une « étourderie » de son vieux père, jointe à certaines imprudences financières qui le conduisent même en prison, lui fait perdre cette place en 1810 ; Weber commence alors une carrière de compositeur dramatique tout en reprenant ses études à Darmstadt avec Vogler.

En 1811, il séjourne successivement à Munich (où il fait représenter Abu Hassan), à Leipzig, à Berlin et devient passagèrement l’hôte des cours de Gotha et de Weimar. Chef d’orchestre du Théâtre de Prague en 1813, il est chargé par le roi de Saxe d’organiser et de prendre la direction de l’Opéra de Dresde, dont la fondation vient d’être décidée (1816). Entre-temps, il fréquente le cercle berlinois des poètes antinapoléoniens, à l’intention desquels il écrit ses Chants de guerre ; il continue aussi la rédaction d’un roman autobiographique qu’il n’achèvera jamais. Il épouse en 1817 la cantatrice Caroline Brandt et entre la même année dans ses nouvelles fonctions ; il s’efforce de contrebalancer les influences italiennes, et le succès du Freischütz en 1821, suivi de celui d’Euryanthe en 1823, ne tarde pas à affermir sa position nationale. Cependant, son état de santé l’oblige à faire une cure à Marienbad (Mariánské Lázně) en 1824 ; Weber doit cesser toute activité en 1825 ; une nouvelle cure à Ems entraîne une rémission passagère dont il profite pour achever Oberon, qu’il part diriger lui-même à Londres le 12 avril 1826. Six semaines plus tard, la phtisie qui le rongeait inexorablement provoque sa mort. Weber sera enseveli dans la chapelle de Moorfield aux accents du Requiem de Mozart ; en 1844, ses cendres seront transférées à Dresde. Wagner en célébra le retour par une Musique funèbre et un éloquent discours.


L’esthétique

Pianiste remarquable, doué d’une extraordinaire extension qui lui permettait d’atteindre l’intervalle de douzième, Weber a marqué ses œuvres pianistiques du sceau de cette technique et de cette virtuosité. L’esprit de l’orchestre est néanmoins présent dans toute sa musique de chambre par le souci de la couleur et du timbre, car le style symphonique prédomine dans toutes ses œuvres, qui sont essentiellement celles d’un dramaturge-né.

C’est au théâtre que Weber a donné le meilleur de lui-même, et Wagner le considérait à juste titre comme le plus germanique de tous les musiciens allemands. Le Freischütz est le type même de l’opéra romantique par la nature de sa légende et par la qualité de son tour populaire. L’ouverture est déjà chez Weber une des formes de l’action dramatique, le langage de l’orchestre renforce celui du drame et le choix judicieux des timbres engendre une atmosphère poétique dont les multiples nuances se plient à l’expression du fantastique, de l’hallucinant, de l’étrange et du terrible. Dans son œuvre, où le comique côtoie le sublime, Weber utilise avec hardiesse toute la gamme des couleurs orchestrales, et peut-être est-ce dans l’emploi des cuivres, des cors notamment, que son apport original annonce directement Wagner ; par la tendance au leitmotiv, ce compositeur a rénové les structures anciennes tout en contribuant à la formation d’un vocabulaire harmonique largement utilisé par Wagner et ses successeurs.