Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Washington (George) (suite)

Mais cette expansion se heurte à des obstacles : les Indiens, les autres colonies et surtout les Français, qui, venus du Canada, revendiquent la propriété de toute la vallée de l’Ohio. En 1753, Washington se rend en mission auprès d’eux et rapporte l’impression qu’un grave péril menace la Virginie. L’année suivante, il commande une petite expédition que les Virginiens ont envoyée jusqu’aux fourches de l’Ohio pour chasser les Français : c’est un échec. En 1755, le général Edward Braddock arrive d’Angleterre avec 1 400 hommes ; Washington, à la tête de 450 miliciens, se joint à Braddock, qui, au sud-est de Fort Duquesne, subit une sanglante défaite (9 juill. 1755). Il est vrai que cette victoire reste sans lendemain : les Français doivent évacuer la région en 1758. Un an plus tard, Washington renonce à la carrière militaire et préfère se consacrer à ses plantations, d’autant plus qu’il vient de se marier avec Martha Dandridge Custis.


L’entrée dans la vie politique et la lutte pour l’indépendance

Gentleman-farmer, Washington a dès lors trois centres d’intérêt : ses domaines, sa vie familiale, ses activités politiques. Il continue, en effet, de spéculer, veille au bon rendement de ses exploitations et procède à des expériences agronomiques. Pour les deux enfants que Martha a eus de son premier mariage, il éprouve une profonde affection ; ses nièces et ses neveux, d’innombrables invités contribuent à donner à Mount Vernon une grande animation. Depuis 1758, Washington siège à la Chambre des bourgeois, l’Assemblée de la Virginie : parlementaire assidu et réfléchi, il ne brille pas par son éloquence ni par l’extrémisme de ses opinions. Toutefois, s’il admire la civilisation britannique, il n’en demeure pas moins attaché à sa colonie et, à mesure que les événements se succèdent, aux intérêts de l’ensemble des colonies de l’Amérique du Nord. En septembre 1774, il représente la Virginie au premier congrès continental de Philadelphie. Le 15 juin 1775, il reçoit du deuxième Congrès le commandement en chef de l’armée continentale. C’est que la « rébellion » a commencé dans le Massachusetts : après la fusillade de Lexington (19 avr. 1775), les Bostoniens sont assiégés par les troupes royales. Il faut aider les insurgents du Nord : pour cela, il est nécessaire de mettre sur pied une armée, de confier son commandement à un homme du Sud, donc de la Virginie, riche de préférence pour qu’il ne s’accroche pas à ses fonctions, patriote et expérimenté. Le choix de Washington est moins surprenant qu’on ne le croirait.

Mais sa tâche est difficile. Les objectifs de sa mission ne sont pas fixés, sinon à court terme : l’indépendance est proclamée l’année suivante seulement ; l’aide française n’est acquise qu’en 1778 ; les Américains eux-mêmes ne sont pas tous décidés à combattre et sont peu disposés à consentir les sacrifices indispensables. Comment organiser une véritable force militaire ? Washington voudrait des effectifs d’au moins 20 000 hommes : au mieux, il commande à 17 000 soldats ; encore les désertions sont-elles nombreuses et les effectifs se dégonflent-ils dès le retour de l’automne. Le ravitaillement, l’équipement sont distribués chichement par un Congrès assez peu unanime ; l’instruction dépend des officiers étrangers. Malgré tout, Washington donne à son pays une armée. La guerre qu’il mène est surtout défensive : échapper à l’ennemi, lui montrer sans relâche que les Américains continuent le combat, lancer des coups de main. Washington découvre, sans le comprendre clairement, les effets de la guérilla. Il saisit en même temps toutes les occasions qui s’offrent à lui, profite des erreurs de ses adversaires et convainc ses alliés français, en 1781, qu’il faut attaquer immédiatement les troupes de Charles Cornwallis, enfermées à Yorktown (19 oct.). Il a été l’homme de la situation, et son nom mérite de figurer parmi ceux des grands chefs militaires.

En décembre 1783, Washington prend congé de ses officiers, remet son commandement au Congrès et décide, maintenant que la guerre est finie, de se retirer à Mount Vernon. Malgré les suggestions de certains, il ne cherche pas à s’emparer du pouvoir : s’il doit choisir un modèle parmi les héros de l’Antiquité, ce n’est pas Jules César, mais Cincinnatus qu’il imitera. Pourtant, l’heure du repos n’a pas encore sonné. La Confédération n’est pas assez forte pour imposer aux États une politique extérieure commune ou pour empêcher les différends. La Virginie et le Maryland se querellent à propos de l’utilisation du Potomac ; des conciliateurs se réunissent en 1785 chez Washington et décident d’appeler les représentants d’autres États à débattre du problème de l’Union. La convention a lieu en 1787 à Philadelphie : tout naturellement, les débats sont présidés par Washington, qui donne aux séances l’éclat de son prestige personnel. Une fois que la nouvelle Constitution est adoptée, la première élection présidentielle ne laisse aucun doute : la place revient à Washington. Celui-ci entre dans ses fonctions le 30 avril 1789.


Le président

C’est alors que les difficultés commencent pour le héros de la guerre d’Indépendance : il est plus facile, sans doute, de sauver sa patrie que de la gouverner. Si Washington refuse de céder à la tentation de créer à son profit un régime monarchique, il s’emploie à renforcer la fonction présidentielle. Dans son cabinet siègent Thomas Jefferson*, le défenseur de la démocratie agraire et des droits des États, et Alexander Hamilton, qui voudrait transformer les États-Unis en une puissance industrielle et financière tout en accroissant l’influence du pouvoir fédéral. Entre les deux hommes le conflit éclate : Washington tranche en faveur de Hamilton et des fédéralistes. Les jeffersoniens, ou républicains-démocrates, ne lui ménagent pas leurs critiques. D’ailleurs, la politique étrangère accentue encore la division du pays : les jeffersoniens réclament l’intervention militaire des États-Unis auprès de la France révolutionnaire ; les hamiltoniens prônent la neutralité et le rapprochement avec la Grande-Bretagne : une fois de plus, c’est aux seconds que Washington donne raison.