Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Volga (suite)

Le régime et le débit

Le régime, semblable à celui des grands fleuves russes et ukrainiens, est très simple. Il présente un étiage en été, dû à l’évaporation, et un maximum prononcé en avril-mai, au moment des pluies de printemps, mais surtout de la raspoutitsa (dégel) et de la fonte des neiges et des glaces. Le débit peut passer de 8 000 (valeur moyenne) à 70 000 m3/s. L’étiage d’été n’est pas assez marqué pour que s’arrête la navigation, l’alimentation des affluents de la partie septentrionale restant encore importante. Mais, en hiver, le gel paralyse les activités sur le fleuve : il dure en moyenne du début du mois de décembre à la mi-mars à Astrakhan, davantage en amont, du début de novembre à la mi-avril à Kouïbychev. Les bateaux doivent alors se réfugier dans les « ports d’hiver », les zatony, effluents, bras morts ou bassins creusés sur les rives. Cet obstacle physique explique que le volume global du trafic n’est pas en rapport avec l’importance du réseau fluvial.


L’importance économique

La Volga, que les Russes appellent, matouchka, la « petite mère », a toujours joué un rôle de premier plan dans la vie du pays : elle a favorisé l’assimilation des peuples du Nord, habitant la forêt et d’origine finno-ougrienne, et des peuples du Midi, venus des steppes et des déserts d’Asie, islamisés pour la plupart, tous regroupés en républiques autonomes, mais solidement rattachées à la république fédérée de Russie ; par son alimentation, elle fournit aux peuples vivant sur ses rives les produits de la pèche, fort importants, et ceux des prairies et des jardins maraîchers de sa plaine alluviale ; le temps est révolu des « bateliers de la Volga », mais les formes modernes de circulation fluviale sont en plein essor, et les innombrables bacs et les ponts ferroviaires jetés sur le fleuve prouvent que celui-ci n’est pas un obstacle à la circulation ouest-est.

La Volga est devenue une pièce maîtresse de ce que les Russes appellent le « système des Cinq Mers ». Au nord, elle est reliée de Rybinsk et de Tcherepovets, au lac Onega par le canal Lénine. De là, le canal du Svir atteint la Neva canalisée et Leningrad, au fond du golfe de Finlande. Au nord du Ladoga, le canal Baltique-mer Blanche, empruntant des cours d’eau et des lacs, joint le port de Belomorsk (Bielomorsk). Au sud, le canal Volga-Don et la retenue de Tsimlianski relient le fleuve à la mer d’Azov. Enfin, un canal joint la Volga supérieure à la « mer de Moscou », immense plan d’eau qui fait de la capitale de l’U. R. S. S. un port maritime. En effet, la Volga, la partie inférieure du cours de ses affluents et les canaux de liaison portent des bateaux de 5 000 t, dont certains circulent également sur la Caspienne et la mer Noire.

D’autres projets sont en cours d’étude. On sait que la Caspienne s’assèche par suite de la rétention des eaux qui sont utilisées pour les besoins des villes, des mines, des gisements de pétrole et des industries du bassin de la Volga. C’est ainsi qu’on envisage de relier la Kama supérieure aux fleuves qui se jettent dans la mer de Barents, la Petchora et la Dvina, dont les eaux abondantes s’écouleraient ainsi vers le sud, en direction de la Volga, dont elles soutiendraient le débit.

Enfin, la Volga, dans son cours inférieur, apporte ses eaux au système d’irrigation des steppes de sa rive gauche (c’est une autre raison de l’assèchement de la Caspienne) ; 300 000 ha sont ainsi irrigués, et l’on envisage de porter cette superficie à un million d’hectares. D’autre part, l’irrigation de la plaine du tronçon Volgograd-Astrakhan a permis le développement des cultures maraîchères et fourragères ainsi que de l’élevage bovin.

Le trafic annuel de la Volga représente environ la moitié de tout le trafic fluvial de l’U. R. S. S., soit plus de 150 Mt (18 Mt en 1913), plus de 75 milliards de tonnes-kilomètres et plus de 70 millions de passagers. La majeure partie des produits transportés se compose de bois (le tiers des bois de l’U. R. S. S.), autrefois flottés, aujourd’hui « poussés » en raison des barrages-réservoirs ; puis viennent les minerais, le pétrole, les matériaux de construction et, encore de nos jours, les céréales. Le secteur le plus actif se situe entre Kazan* et Volgograd*. Le trafic des ports les plus importants n’atteint pas les 10 Mt. Kouïbychev*, suivi de Gorki*, de Volgograd, d’Astrakhan, de Kazan, enregistre plus de 5 Mt par an. Une flottille très variée sillonne le fleuve : bacs, embarcations de pêcheurs, brise-glace, bateaux de ramassage de la main-d’œuvre, petits cargos maritimes, remorqueurs et convois poussés, de plus en plus nombreux, tankers venant de la Caspienne, hydroglisseurs, bateaux de passagers et de croisière.


L’escalier de centrales

Le réseau de la Volga est de loin le plus grand fournisseur d’énergie hydroélectrique de la partie européenne de l’U. R. S. S. Dès l’époque tsariste, on avait envisagé la construction de barrages et de lacs artificiels sur les affluents et les canaux de liaison de la Volga. Le plan d’aménagement général date du premier plan quinquennal, mais les grands travaux ne commencèrent qu’en 1950. À l’exception de trois centrales, le plan est achevé. Il a consisté en la construction de barrages larges parfois de plus de 1 km, retenant un réservoir, plus ou moins long, plus ou moins large selon la vallée, ce qui fait du cours de la Volga un gigantesque escalier de barrages avec centrales hydrauliques. La chute verticale totale d’amont en aval est de 140 m sur la Volga, de 72 m sur la Kama. La puissance installée des centrales dépasse 14 000 MW. La production annuelle approchera 50 TWh.

La construction de ces plans d’eau a interdit le flottage traditionnel des bois, désormais remorqués ou poussés. Elle a modifié, mais moins qu’il n’avait été prévu, les climats locaux : on enregistre à environ 10 km à la ronde un accroissement des températures moyennes et de la nébulosité. Ces nouveaux lacs artificiels deviennent des centres de loisirs et de vacances : des chalets et de véritables villes touristiques s’édifient sur les rives. Les barrages ont favorisé l’amélioration des communications : ainsi, le pont le plus long sur la Volga utilise la présence du barrage de Volgograd entre Saratov et Engels. Enfin, l’eau des réservoirs assure l’irrigation des steppes arides de la basse Volga : le potentiel irrigable serait de plusieurs millions d’hectares, dont plusieurs centaines de milliers seraient déjà irrigués en permanence.