Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vivaldi (Antonio) (suite)

Vers cette époque, les circonstances le servent. Il fréquente le palais Ottoboni, où se rencontrent les musiciens italiens ou étrangers de passage, et fait la connaissance, par l’intermédiaire de Francesco Gasparini (1668-1727), directeur de la Pietà, d’un homme d’affaires peu recommandable, Santurini, imprésario du théâtre San Angelo. Cet homme avisé favorise sa carrière dramatique ; il est à l’origine des nombreux voyages du musicien et des congés que celui-ci sollicitera continûment à partir de 1710. De 1710 à 1712, on ignore tout de l’activité de Vivaldi, sauf qu’il publie à Amsterdam son opus 3 (L’Estro armonico [le Génie harmonique] ; 1711), qui réunit sept concerti grossi et cinq concertos de soliste. De retour dans sa ville natale, il reprend ses fonctions habituelles. Le 17 mars 1713, il fait représenter à Vicenza son premier opéra, Ottone in villa ; l’année suivante, l’œuvre est reprise au théâtre San Angelo — où il a succédé comme imprésario à Santurini — avant son second opéra, Orlando finto pazzo (1714). Vivaldi pratique alors tous les genres. Il écrit pour la Pietà deux oratorios, Moyses Deus Pharaonis (1714) et Juditha triumphans (1716), et fait éditer à Amsterdam son opus 4 (La Stravaganza, v. 1712-13) et ses opus 5, 6 et 7 (v. 1716-17). De 1716 à 1728, il composera chaque année un ou plusieurs opéras (quatre en 1720, représentés à Rome, à Mantoue, à Venise et à Milan ; six en 1727, représentés à Venise, à Florence et à Reggio). En 1717, il se dit maître de la chapelle et de la chambre du prince Philippe, landgrave de Hesse-Darmstadt, mais l’on ignore s’il occupa réellement cette charge, qui fut peut-être purement honorifique. Toujours est-il qu’il poursuit néanmoins son œuvre pédagogique à la Pietà, sauf de 1718 à 1722, où il est presque toujours absent de Venise. Entre-temps, il est violemment attaqué par Benedetto Marcello (1686-1739), dans sa virulente satire sur l’opéra vénitien Teatro alla moda (1720).

Entre 1723 et 1725, il réintègre la Pietà, tout au moins par intermittence. Mais, de 1725 à 1735, on n’enregistre aucun paiement le concernant. Vivaldi semble, jusque vers 1728, vivre à Venise, où il déploie une intense activité. Il compose une dizaine d’opéras, dont sept sont joués au San Angelo (L’Inganno trionfante in amore, 1725 ; Dorilla in Tempe, 1726 ; Cunegonda, 1726 ; Farnace, 1726 ; La Fede tradita e vendicata, 1727 ; Orlando, 1727 ; Rosilena ed Oronta, 1728), deux à Florence (Ipermestra, 1727 ; Atenaide, 1728) et un à Reggio (Siroe re di Persia, 1727). Vers 1725, Michel Le Cène publie à Amsterdam son opus 8 (Il Cimenta dell’armonia e dell’inventione [la Confrontation de l’harmonie et de l’invention]), ensemble de douze concertos pour violon, dont Le Quattro Stagioni (les Quatre Saisons), qui sont exécutées à Paris au Concert spirituel en 1728.

De 1728 à 1733, Vivaldi disparaît de la scène vénitienne. Il circule dans les cours italiennes, va à Rome, à Trieste, à Vienne, où il rencontre l’empereur Charles VI, à qui il dédie son opus 9 (La Cetra [la Lyre], Amsterdam, 1728), peut-être à Dresde (où quelques-uns de ses manuscrits sont conservés) et à Amsterdam, où paraît son opus 10 (VI Concerti a flauto traverso, v. 1729-30). En 1729, il a demandé une année de congé à Saint-Marc. Il va sans doute à Vérone, où il fait représenter Semiramide (1731) et La Fida Ninfa (1732). De retour à Venise, on joue jusqu’en 1739 sept opéras nouveaux de sa composition, dont l’un compte parmi les meilleurs, L’Olimpiade (carnaval, 1734). Deux autres sont aussi créés, l’un à Florence (Ginevra principessa di Scozia, 1736), l’autre à Vérone (Catone in Utica, 1737). Vivaldi se rend à Amsterdam en 1738 à l’occasion du centenaire du théâtre et y présente L’Oracolo in Messenia et Feraspe (probablement son dernier opéra), déjà créés à Venise. Après un nouveau séjour dans la cité des Doges, durant lequel il reprend son service à la Pietà, il disparaît brusquement, après avoir vendu ses concertos. Il rend probablement visite à la cour de Dresde, puis va à Vienne pour y séjourner ; mais il est contraint d’y rester et il meurt (1741) dans l’indifférence générale.

Vivaldi est un personnage curieux, de tendance libérale, plein de contradictions, souvent insaisissable, mais typiquement vénitien. Il mène, en dépit de sa santé précaire, une vie trépidante et capricieuse. Dans ses voyages, il se fait accompagner d’une suite féminine, dont la cantatrice Anna Giraud, interprète de ses œuvres, qui tient aussi auprès de lui un rôle d’assistante et de secrétaire. Cette petite escorte, dont il ne pouvait pas se passer pour raisons de santé, lui vaudra de nombreux sarcasmes et quelques échecs ; c’est ainsi que son projet de saison d’opéra à Ferrare fut interdit en 1737 par le nonce apostolique. Intelligent, plein d’ardeur, passionné par son métier, Vivaldi a le travail facile : il peut écrire un opéra en cinq jours et se flatte de mettre moins de temps pour composer un concerto qu’un copiste pour le transcrire. Il s’impose à la Pietà avec tant d’autorité et de conscience professionnelle qu’il en obtient tous les congés souhaités ; il est vrai qu’il semble en tirer de grandes satisfactions d’ordre musical, qui l’incitent chaque fois à réintégrer son poste, même pour peu de temps. Tour à tour violoniste, virtuose, professeur, chef d’orchestre, imprésario, enfin compositeur d’une prodigieuse fécondité, il mène en fait plusieurs existences.


L’œuvre

Vivaldi est surtout célèbre de nos jours grâce à sa musique instrumentale. Il a, en effet, dans ce domaine particulier, laissé une œuvre immense, dont l’inventaire n’est pas encore terminé.

Cette œuvre comprend non seulement les recueils édités de son vivant, mais aussi les nombreux manuscrits de sonates, de symphonies et de concertos épars dans les bibliothèques européennes, qui sont les fruits des nombreuses expériences que le musicien eut le loisir de faire en toute liberté à la Pietà ; ils dépassent parfois, par leur fantaisie, les pièces imprimées. Bon nombre sont aujourd’hui réédités.