Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

violon (suite)

Les violonistes de jazz

Instrument roi de la musique bourgeoise (classique, romantique...), le violon n’apparut qu’assez rarement dans le jazz, musique d’origine sous-prolétarienne et non européenne. Les critères classiques de « son pur » ou de « beau son » le rendaient peu compatible avec les objectifs de la musique négro-américaine. Ce n’est que vers les années 60 que certains musiciens noirs, au contact d’un climat politique en mutation, « découvrirent » que l’Afrique, notamment, possédait une très ancienne tradition concernant les instruments à cordes et archet, tradition évidemment fort différente de celle des concerts européens et plus voisine du « jazz ». Une fois de plus, la pratique d’un instrument avait été déterminée par une certaine façon de « lire » l’histoire.

Le premier soliste important dans l’histoire du violon « jazz » fut l’Italo-Américain Joe Venuti. Dans les années 30, trois violonistes s’imposèrent : Eddie South, Stéphane Grappelli et Stuff Smith. Parmi les utilisateurs du violon citons aussi les saxophonistes Juice Wilson et Darnell Howard, Ray Perry (un des premiers à se servir de l’amplification électrique), le trompettiste Ray Nance dans l’orchestre de Duke Ellington, les Français Michel Warlop et Claude Laurence (pseudonyme d’André Hodeir), le Suédois Svend Asmussen.

Les styles modernes ont été illustrés au violon par Harry Lookofsky, Dick Wetmore, Joe Kennedy, tous remarquables techniciens au sens classique. Outre l’excellent et incontesté Jean-Luc Ponty, nombre de musiciens — à la suite d’Ornette Coleman, saxophoniste qui joue aussi de la trompette et du violon — firent du violon un des instruments les plus « free » : Michael White, Alan Silva, Leroy Jenkins... Côté « rock » citons Don « Sugarcane » Harris, véritable bluesman moderne du violon. Parmi les disciples de Ponty : le Polonais Michał Urbaniak.

P. C.


Biographies complémentaires


Stéphane Grappelli

(Paris 1908). Dans les années 30, il participe à l’activité des premiers musiciens français passionnés par le jazz. En 1934, il rencontre Django Reinhardt*, avec qui il crée le quintette du Hot Club de France.
enregistrements : Dinah (avec Django Reinhardt, 1934), Willow weep for me (1965).


Jean-Luc Ponty

(Avranches 1943). Premier prix de Conservatoire, il s’imposera dans les années 70 comme le premier violoniste de jazz du monde. Encouragé et conseillé par Grappelli, engagé par Jef Gilson, il est très vite sollicité par des musiciens américains très populaires. Après avoir fait partie des « Mothers of Invention » du guitariste Frank Zappa, il entre dans le Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin.
enregistrements : Anna Livia Plurabelle (avec André Hodeir, 1970), Apocalypse (avec McLaughlin, 1974).


Stuff Smith

(Portsmouth, Ohio, 1909 - Munich 1967). Surtout célèbre dans les années 30 à New York (avec le trompettiste Jonah Jones et le batteur Cozy Cole), il a été un des premiers violonistes à faire « swinguer » son instrument sans trop tenir compte des impératifs classiques.
enregistrement : Skip it (1944).


Eddie South

(Louisiana, Missouri, 1904 - Chicago 1962.) Il étudie le violon à Chicago, puis à Paris et à Budapest ; il joue en France avec Grappelli et Reinhardt ; la maladie, dès 1942, l’oblige à renoncer à toute activité. Il a été un des plus brillants parmi les violonistes de jazz.
enregistrements : Eddie’s Blues (1937), Premier Mouvement du concerto pour deux violons de J.-S. Bach (avec Grappeli, Reinhardt, 1937).

violoncelle

Instrument de la famille des violons, dont les origines remontent au xvie s.


Le violoncelle fait partie, lui aussi, de ces « bandes de petits et grands violons » évoquées dans les pièces d’archives et les traités organologiques. Il possède alors des proportions plus importantes que nos normes actuelles, ce qui exige, pour en jouer, de poser son extrémité inférieure par terre ou sur un tabouret, à moins que, dans les basses de procession, on ne le pende au cou.


L’historique

Le terme de violoncello apparaît pour la première fois au xviie s. : d’abord en 1665, dans des sonates anonymes italiennes, puis en 1667 dans une œuvre de Gioseffo Maria Placuzzi da Forli, où l’instrument exécute la basse continue avec le clavecin. C’est en Italie aussi que voient le jour à la fin de ce siècle les premiers textes pour violoncelle soliste : ricercari et sonates de Giovanni Battista Degli Antoni vers 1677, de Domenico Gabrielli en 1689 et en 1691, et d’Attilio Ariosti en 1695.

Comme il l’avait fait pour le violon, mais avec une quarantaine d’années de retard, le xviiie s. donnera au violoncelle sa facture définitive, les bases techniques nécessaires et son premier répertoire. Au début, Stradivarius* le réduit à ses dimensions modernes et lui apporte les perfectionnements de proportions et de construction que nous avons mentionnés pour le violon. Sur ces bases s’élabore peu à peu une technique solide. Nous en trouvons les rudiments dès 1741 dans la première méthode pour l’instrument de Michel Corrette, l’École d’Orphée, alors que Jean-Louis Duport en présentera en 1806, une synthèse toujours actuelle dans son Essai sur le doigté du violoncelle. Seule la tenue de l’instrument changera encore ; en effet, les artistes de ce temps le serrent entre leurs mollets sans le secours d’une pique. Au xixe s., Auguste Franchomme en introduit l’usage, ce qui renforce la stabilité.

Le violoncelle résout dès la fin du xviiie s. les mêmes problèmes techniques que le violon et acquiert à son image justesse et vélocité de main gauche, polyphonie des accords et doubles cordes, tessiture étendue jusqu’aux limites de la touche, qui était légèrement plus courte qu’actuellement. Il utilise aussi articulations d’archet souples et variées, harmoniques, pizzicati, vibrato. Cependant, il connaît ses difficultés propres : les cordes graves, plus grosses, entrent difficilement en vibration ; l’écart entre deux notes disjointes, parfois très important, impose une grande sûreté de déplacements, ou démanchés. Enfin, dans l’aigu, l’instrumentiste utilise le pouce en l’appuyant sur sa partie latérale. Les doigtés « à la position du pouce », inventés par Martin Berteau en France et que l’on trouve en Italie à partir de Luigi Boccherini, nécessitent une étude particulière. À la fin de cette époque, le violoncelle possède l’essentiel de sa technique et il n’aura plus que quelques compléments à y apporter.