Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

violon (suite)

Les premières œuvres françaises pour violon sont dues à notre célèbre claveciniste F. Couperin* : sonates en trio du recueil des Nations (parues en 1726, mais écrites avant 1693), le Parnasse ou l’Apothéose de Corelli (1724) et le Concert musical (1725). Cependant, en France plus qu’ailleurs, le répertoire de l’instrument est dû surtout aux virtuoses. Il est impossible de les citer tous ici. Nous pourrons discerner trois groupes par ordre chronologique : celui des violonistes de la Régence, très marqué de l’influence italienne, avec les frères Louis et François Francœur ; puis J.-M. Leclair* et ses disciples Jean-Baptiste Anet et Gabriel Guillemain ; à partir de 1750, une dernière école qui a pour chefs Pierre Gaviniès, Jean-Baptiste Cupis ou Joseph Barnabé L’Abbé et dont l’inspiration annonce le préromantisme de la fin du siècle. Enfin, le Concert spirituel et l’éclat de l’école française attireront des artistes étrangers : Carl Stamitz et Giovanni Battista Viotti viendront notamment chercher à Paris une consécration.

La fin du xviiie s. voit le violon, en pleine possession de ses moyens techniques, devenir un des centres de l’intérêt musical. Cependant, l’avènement du romantisme modifie profondément inspiration et formes, avec l’apparition d’un nouveau partenaire, le piano, avec lequel le violon doit vite composer. Les sonates reprendront l’aspect dialogué qu’elles avaient perdu depuis la période de la basse continue. La virtuosité s’exprimera plus volontiers à travers le concerto ou des pièces libres — morceaux de genre, rhapsodies —, dont le contenu musical, très médiocre au début, gagnera ses lettres de noblesse sous la plume de quelques grands maîtres.

Au xixe s. apparaît en Italie la personnalité exceptionnelle de Niccolo Paganini. Son succès tient autant à son caractère étrange qu’à sa technique prodigieuse, faite de la synthèse des découvertes précédentes. Elle ahurit et enthousiasme les foules comme les compositeurs. Mais les grandes œuvres sont dues à l’Allemagne, berceau et patrie du romantisme. Les concertos de Beethoven*, de Mendelssohn* et de Brahms*, les sonates de ces mêmes auteurs, celles de Schumann*, de Schubert* et de Weber* comptent parmi les pages immortelles. La France reste assez silencieuse, se contentant de former, grâce aux excellentes méthodes pédagogiques de Rodolphe Kreutzer, de Pierre Rode ou de Pierre Baillot, une école d’interprètes qui s’imposera au premier rang des scènes internationales. Les œuvres marquantes n’apparaissent qu’à la fin du siècle avec les sonates de C. Franck* et de G. Fauré*, les trois concertos de C. Saint-Saëns*, les deux de E. Lalo*, les pièces de genre comme l’Introduction et rondo capriccioso (1863) de Saint-Saëns, la Symphonie espagnole (1873) de Lalo, le Concert (1890-91) et le Poème (1896) d’Ernest Chausson.

Le xxe s. apporte une ouverture plus large du monde musical avec l’adjonction de foyers nouveaux très actifs en Europe centrale, en Russie, en Amérique. Fortement imprégnés de traditions populaires, ceux-ci infuseront à la pensée traditionnelle une inspiration et des effets techniques originaux. Ainsi feront par exemple les violonistes tziganes pour leurs collègues occidentaux. Cette ouverture se manifeste aussi au niveau de l’enseignement, qui devient plus international. À l’inverse des siècles précédents, où l’élève s’attachait à un seul maître, la formation moderne s’effectue auprès de plusieurs virtuoses de techniques et de tempéraments très divers, dont le rayonnement est largement diffusé par les tournées et les disques. Cette mise en commun favorise le développement d’une virtuosité transcendante.

Dans l’abondante production du xxe s., nous signalerons les œuvres les plus marquantes. En France, la renaissance musicale se manifeste au violon par les sonates de Debussy*, de Roussel*, de Ravel*, plus connu encore par son fameux Tzigane (1924). Plus près de nous, les concertos de D. Milhaud*, de A. Jolivet*, de Jean Rivier assurent la continuation de ce courant. Après l’éclosion romantique, l’Allemagne reprend haleine. P. Hindemith* est sans doute l’une des personnalités les plus marquantes. Il écrit une sonate pour violon seul ainsi qu’un concerto. Par contre, les maîtres se révèlent en Europe centrale, avec sonates et concertos du Hongrois B. Bartók*, de l’Autrichien A. Berg*, des Roumains Georges Enesco et Stan Golestan, du Tchèque B. Martinů*. La production russe semble être plus orientée vers les œuvres avec orchestre. Après Tchaïkovski* (en 1878), S. Prokofiev*, A. Khatchatourian et D. Chostakovitch* enrichiront le répertoire de nombreux concertos. Il est impossible de citer ici le nom de tous les virtuoses récents et actuels. À titre indicatif, nous nommerons seulement pour la France Jacques Thibaud, Ginette Neveu et Christian Ferras, pour la Belgique Eugène Ysaye et Arthur Grumiaux, pour l’Autriche Wolfgang Schneiderhan, pour la Hongrie József Szigeti, pour l’Espagne Pablo de Sarasate, pour la Russie David et Igor Oistrakh, pour les États-Unis Isaac Stern, Nathan Milstein (tous deux d’origine ukrainienne), Yehudi Menuhin et Jascha Heifetz.

Notre époque, après avoir franchi un degré de plus dans le domaine technique, semble accorder au violon une place moins prépondérante. Dans un monde où règnent les bois et les cuivres révélés par Wagner, le rythme et les percussions empruntés au jazz, les effets particuliers de la musique électronique, le violon peut sembler un mode d’expression anachronique, en attendant qu’un nouvel équilibre artistique s’établisse.

S. M.

➙ Lutherie / Viole de gambe / Violoncelle.

 J. W. von Wasielewski, Die Violine und ihre Meister (Leipzig, 1869). / L. de La Laurencie, l’École française de violon de Lully à Viotti (Delagrave, 1922-1924 ; 3 vol.). / M. Pincherle, les Violonistes compositeurs et virtuoses (Laurens, 1922) ; le Violon (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966). / D. D. Boyden, The History of Violin Playing (Londres, 1965). / E. Melkus, le Violon. Une introduction à son histoire, à sa facture et à son jeu (Payot, Lausanne, 1973).