Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

ville (suite)

Les pays du tiers monde sont demeurés longtemps hors du mouvement de concentration : les villes traditionnelles somnolaient ; les créations européennes étaient dynamiques, mais ne groupaient guère que des colons, une étroite élite indigène et le personnel de service indispensable au train de vie de tout ce monde. Depuis une génération, les choses se sont mises à changer brutalement : la population urbaine croît d’autant plus vite qu’à la mutation professionnelle se joint une expansion démographique rapide. Dans la plupart des cas, l’organisation du réseau urbain copie d’emblée celle des pays les plus avancés. Les grandes villes, la capitale se gonflent démesurément, cependant que les échelons inférieurs et intermédiaires sortent à peine de la médiocrité. L’afflux de masses illettrées, peu préparées aux tâches qui les attendent, la productivité souvent élevée des industries qui s’implantent créent un sous-emploi considérable : dans la structure urbaine, cela se traduit, comme on l’a vu, par la prolifération des bidonvilles.

Il est possible de classer les villes, comme nous venons d’essayer de le faire, en fonction du niveau de développement de la société à laquelle elles appartiennent. À partir de là, des subdivisions s’imposent en fonction de la taille : la petite ville, la métropole régionale, la grande capitale diffèrent à la fois par leurs activités, par leur atmosphère sociale, par la liberté qu’on y éprouve, par la gamme des opportunités qui y appelle à la créativité. On peut également souligner les parentés frappantes entre toutes les villes qui vivent du tourisme, de l’industrie ou de certaines catégories de services. Ces distinctions n’épuisent cependant pas la diversité des villes.

Lieux d’interaction, les cités portent la marque des peuples qui les ont façonnées : ici, les maisons s’ouvrent largement sur la rue, toute la vie paraît publique et l’animation joyeuse fait participer chacun à tous les aspects du spectacle urbain. Là, en terre d’islām, les murs aveugles signifient la volonté de soustraire la famille à l’agitation, la foule est curieusement masculine. Dans les pays anglo-saxons, la cité fait bien vite place, vers l’extérieur, à une banlieue conçue comme le contraire de la ville, c’est-à-dire comme un morceau de nature et comme une aire où les contacts sont réduits, choisis, modelés selon la norme de la communauté. La géographie culturelle des villes est ainsi passionnante : c’est elle que les touristes se plaisent à découvrir au hasard de leurs arrêts, de leurs promenades. Ils y gagnent, à travers l’originalité des monuments, des maisons, à travers l’appréhension des mouvements de la rue, des bruits, des rythmes, une appréhension directe de ce qui fait l’âme des peuples.

P. C.

➙ Agglomération urbaine / Urbanisation / Urbanisme.

 P. George, la Ville. Le fait urbain à travers le monde (P. U. F., 1952). / J. Beaujeu-Garnier et G. Chabot, Traité de géographie urbaine (A. Colin, 1964). / F. Choay, l’Urbanisme. Utopies et réalités. Une anthologie (Éd. du Seuil, 1965). / E. Jones, Towns and Cities (Londres, 1966). / J. Remy, la Ville : phénomène économique (Éd. Vie ouvrière, Bruxelles, 1966). / J. Jacobs, The Economy of Cities (New York, 1969). / H. Carter, The Study of Urban Geography (Londres, 1972). / M. Castells, la Question urbaine (Maspero, 1972). / M. Santos, les Villes du Tiers Monde (Génin, 1972). / P. Claval, Principes de géographie sociale (Génin, 1973).

Villèle (Jean-Baptiste Guillaume Joseph, comte de)

Homme d’État français (Toulouse 1773 - id. 1854).



La marche vers le pouvoir

Incarnation de la réaction la plus bornée, créature du parti prêtre cauteleux et fanatique, tel est apparu le comte de Villèle aux yeux de toute la tradition libérale et républicaine du xixe s.

Issu d’une vieille famille de gentilshommes du Lauraguais, Villèle connaît une enfance studieuse et sévère dans un monde peu fortuné, mais intransigeant sur le plan des principes traditionnels. Ses quatre quartiers de noblesse lui permettent de briguer l’école de marine d’Alès, où, après concours, il obtient le grade d’élève officier et de modestes appointements. À partir de 1789, Villèle fait campagne à Saint-Domingue, à la Réunion, en Inde. Durant les premières années de la Révolution, il ne se distingue guère par des prises de position. Il sert le nouveau régime comme l’ancien et prête le serment civique.

Arrêté comme suspect en mai 1794, il est libéré après Thermidor. Son sens des affaires, le désir d’obtenir une position sociale et peut-être aussi l’enseignement de son père, féru d’agronomie, l’incitent à s’installer comme planteur à la Réunion en 1796. C’est la réussite. Villèle épouse la fille d’un riche colon et, avec son élection en 1798 à l’Assemblée coloniale, tâte de la gestion administrative.

En 1807, il revient à Morvilles, en Haute-Garonne, sur la terre de ses ancêtres, rachète et agrandit le domaine patrimonial. Maire de Morvilles, puis conseiller général, il est l’objet des avances de l’administration impériale, soucieuse de se rallier les notabilités. Mais il demeure sincèrement royaliste et, l’Empire étant aux abois, s’affilie aux Chevaliers de la foi, organisation secrète chargée de préparer le retour de la dynastie légitime. Sur son activité au sein de cette association, les avis sont partagés. On le sait fidèle, mais on le dit prudent.

En fait, dès la première Restauration, Villèle apparaît bien comme un réactionnaire. Il publie en mai 1814 un libelle hostile au régime représentatif, Observations sur le projet de Constitution..., dans lequel il défend les franchises et les privilèges de l’Ancien Régime, et prône le retour aux principes traditionnels. Distingué après les Cent-Jours par le duc d’Angoulême, il devient maire de Toulouse en juillet 1815 — il le restera jusqu’en 1818 —, puis député de la Haute-Garonne à la Chambre « introuvable ». Ce département lui demeurera fidèle jusqu’au bout.