ville (suite)
Les pays du tiers monde sont demeurés longtemps hors du mouvement de concentration : les villes traditionnelles somnolaient ; les créations européennes étaient dynamiques, mais ne groupaient guère que des colons, une étroite élite indigène et le personnel de service indispensable au train de vie de tout ce monde. Depuis une génération, les choses se sont mises à changer brutalement : la population urbaine croît d’autant plus vite qu’à la mutation professionnelle se joint une expansion démographique rapide. Dans la plupart des cas, l’organisation du réseau urbain copie d’emblée celle des pays les plus avancés. Les grandes villes, la capitale se gonflent démesurément, cependant que les échelons inférieurs et intermédiaires sortent à peine de la médiocrité. L’afflux de masses illettrées, peu préparées aux tâches qui les attendent, la productivité souvent élevée des industries qui s’implantent créent un sous-emploi considérable : dans la structure urbaine, cela se traduit, comme on l’a vu, par la prolifération des bidonvilles.
Il est possible de classer les villes, comme nous venons d’essayer de le faire, en fonction du niveau de développement de la société à laquelle elles appartiennent. À partir de là, des subdivisions s’imposent en fonction de la taille : la petite ville, la métropole régionale, la grande capitale diffèrent à la fois par leurs activités, par leur atmosphère sociale, par la liberté qu’on y éprouve, par la gamme des opportunités qui y appelle à la créativité. On peut également souligner les parentés frappantes entre toutes les villes qui vivent du tourisme, de l’industrie ou de certaines catégories de services. Ces distinctions n’épuisent cependant pas la diversité des villes.
Lieux d’interaction, les cités portent la marque des peuples qui les ont façonnées : ici, les maisons s’ouvrent largement sur la rue, toute la vie paraît publique et l’animation joyeuse fait participer chacun à tous les aspects du spectacle urbain. Là, en terre d’islām, les murs aveugles signifient la volonté de soustraire la famille à l’agitation, la foule est curieusement masculine. Dans les pays anglo-saxons, la cité fait bien vite place, vers l’extérieur, à une banlieue conçue comme le contraire de la ville, c’est-à-dire comme un morceau de nature et comme une aire où les contacts sont réduits, choisis, modelés selon la norme de la communauté. La géographie culturelle des villes est ainsi passionnante : c’est elle que les touristes se plaisent à découvrir au hasard de leurs arrêts, de leurs promenades. Ils y gagnent, à travers l’originalité des monuments, des maisons, à travers l’appréhension des mouvements de la rue, des bruits, des rythmes, une appréhension directe de ce qui fait l’âme des peuples.
P. C.
➙ Agglomération urbaine / Urbanisation / Urbanisme.
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