Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Viêt-nam (suite)

Libérés de l’occupation chinoise dans le delta du Sông Koi et les deltas voisins, au nord de la « porte d’Annam » (18° N.), les Vietnamiens s’étendirent vers le sud, le long de la mer, conquirent les petites plaines de l’actuel Trung Phân (l’ancien Annam) en détruisant le glorieux royaume indianisé de Champa, dont il ne subsiste que des ruines (la victoire décisive date de 1471 ; la conquête fut achevée au xviie s.), et pénétrèrent enfin dans le delta du Mékong, dont ils amorcèrent la conquête aux dépens des Khmers (ils étaient à Ba Ria en 1658, à Saigon en 1698, à Ha Tiên en 1728).

Cependant, à la suite de guerres intestines, ils furent divisés dès le xviie s., entre deux dynasties, celle des Lê au nord (agissant pour les Trinh) et celle des Nguyên au sud ; l’une régnait sur la « Cochinchine » et l’autre sur l’« Annam », les deux États étant séparés par le Sông Gianh aux environs du 17e parallèle. C’est en 1802 qu’un prince du Sud, Nguyên Anh, sous le nom de Gia Long, unifia le pays avec pour capitale Huê.

L’intervention française divisa l’empire ainsi créé en Cochinchine (colonie française en 1859), en Annam et en Tonkin.

La limite entre le Viêt-nam du Nord et le Viêt-nam du Sud, le 17e parallèle, ligne d’armistice parfaitement artificielle, n’était cependant pas sans quelque valeur : elle fut donc la frontière des Lê et des Nguyên ; elle est un peu au sud de ce qui fut la frontière du Viêt-nam et du Champa, un peu au sud, donc, de cette porte d’Annam, qui est une vraie limite géographique (notamment climatique).

Les traits caractéristiques des Vietnamiens sont particulièrement marqués au nord ; ils sont quelque peu altérés au sud : dès le 17e parallèle apparaissent en mer les voiles triangulaires ; dans le delta du Mékong, l’attelage est de type indien, à deux bêtes attachées au joug de garrot.

V. aussi Asie de la mousson.


L’histoire du Viêt-nam


Le Viêt-nam à l’aube de l’histoire

Exhumés dans la province de Lang Son, les vestiges des premiers anthropiens vietnamiens datent de quelque 500 000 ans, tandis qu’une trace originale d’industrie paléolithique découverte dans la région de Thanh Hoa démontre son appartenance au type caractéristique du chelleen.

« L’Homo sapiens vietnamiensis » des régions de Yên Bai et de Ninh Binh est prédateur, chasseur et pêcheur. Au Mésolithique, le Hoabinhien est potier et pratique la protoagriculture. Le Bacsonien fabrique des haches de pierre polies au tranchant, typiques du début du Néolithique. La fin du Néolithique est caractérisée par l’existence en abondance d’outils, d’armes et de bijoux en pierre intégralement et soigneusement polis. Elle coïncide avec la formation et la colonisation progressive du delta du fleuve Rouge. Les découvertes archéologiques ont prouvé que, dès le IIIe millénaire, les populations du Viêt-nam septentrional se livraient à des travaux d’agriculture (riziculture irriguée ou sur brûlis) supposant une organisation socio-économique très développée. Le IIe millénaire voit s’affirmer la civilisation du bronze, dont l’époque de Dông Son* (seconde moitié du Ier millénaire) représentera un stade accompli de la fonte du métal et du rayonnement de cette civilisation en Asie méridionale et dans le Pacifique.

Tout au long de grandes migrations séculaires, c’est la fusion d’éléments mongoloïdes avec des populations autochtones d’origine austro-asiatique qui forma les groupes ethniques connus des annalistes chinois sous le nom de Lac Viêt. L’un de ces groupes occupe la plaine deltaïque du fleuve Rouge, berceau de la civilisation vietnamienne. Avant tout contact avec les Han (Chinois proprement dits, originaires du moyen fleuve Jaune), les Lac Viêt ont déjà établi leur culture propre : celle de Phung Nguyên, du nom de son site archéologique.


Les premiers royaumes

Entre 700 et 258 av. J.-C., un royaume connu sous le nom de Van Lang se constitue sur une large partie du Viêt-nam septentrional. Fédération de plusieurs tribus — quinze d’après les textes —, le Van Lang est très vraisemblablement une principauté placée sous le pouvoir héréditaire des rois Hung Vuong ; ceux-ci gouvernent par l’intermédiaire de chefferies civiles et militaires au service de la noblesse et de la Cour.

En 258 av. J.-C., le roi d’une fédération rivale — celle des Âu Viêt — An Duong (ou An Zuong) — vainc le dernier souverain Hung et établit le royaume d’Âu Lac. Cet État est vraisemblablement une principauté militaire, comme en témoignent les importants vestiges architecturaux de la citadelle de Cô Loa — dans l’actuelle région de Hanoi — et ses nombreux stocks d’armes. C’est sans doute aussi une société esclavagiste, quoique le servage n’y soit pas institutionnel, le pouvoir centralisé étant imposé par l’organisation complexe de la riziculture irriguée (travaux saisonniers communautaires, construction et entretien des digues, techniques de drainage et d’irrigation).


L’occupation chinoise

En 214 av. J.-C., l’empereur Qin Shi Huangdi (Ts’in Che Houang-ti), après avoir unifié la Chine, commence la conquête des principautés au sud du Yangzijiang (Yang-tseu-kiang). La campagne s’annonce difficile et ne peut être couronnée de succès qu’après la nomination d’un brillant général du nom de Triêu Da. En 208 av. J.-C., ce dernier réussit à vaincre le roi An Duong par la ruse, s’empare du Au Lac, l’annexe à la commanderie de Nanhai (auj. Foshan [Fo-chan]) pour former le royaume indépendant de Nam Viêt (en chin. Nanyue [Nan-yue]).

Après l’avènement des Han antérieurs en 206 av. J.-C., le puissant empire du Milieu entre dans la période expansionniste sous la bannière de l’empereur Wudi (Wou-ti). En 111 av. J.-C., les Han envahissent et occupent le Nam Viêt, qui devient la province Giao Chi (en chin. Jiaozhi [Kiao-tche]) de l’empire. En fait, le Giao Chi, sous les Han antérieurs, n’est qu’un protectorat ; il ne constitue pas une terre de colonisation, mais plutôt un glacis militaire tenu à verser à l’empereur de Chine des tributs en nature (métaux précieux, perles, ivoire, etc.).