Mathématicien français (Fontenay-le-Comte 1540 - Paris 1603).
Fils d’un procureur, Viète étudie le droit à Poitiers et s’inscrit en 1560 au barreau de Fontenay. En 1564, il entre, en qualité de précepteur de Catherine de Parthenay, au service de la maison de Soubise. On le retrouve en 1571 avocat au parlement de Paris et en 1573 conseiller au parlement de Bretagne. Remarqué en 1576 par Henri III, qui le charge de missions spéciales, Viète devient en 1580 maître des requêtes de l’hôtel du roi, puis membre du Conseil privé. L’hostilité du parti ligueur le fait suspendre de ses fonctions de 1584 à 1589, jusqu’à la rupture d’Henri III avec les Guise. En 1602, Viète doit abandonner sa charge pour raison de santé et meurt à Paris en février 1603, ne laissant qu’une fille sans descendance.
Très absorbé par ses travaux officiels, il n’a guère, dans sa vie, que deux périodes de loisirs relatifs, entre 1564 et 1568, puis entre 1584 et 1589, périodes pendant lesquelles il peut réfléchir à ses grandes découvertes. Il commence par des travaux d’astronomie et de trigonométrie, et il conçoit son Harmonicon cœleste entre 1564 et 1568. Cet ouvrage ne fut jamais imprimé. Il en subsiste des copies à Paris et à Florence. À la même époque, Viète commence à composer son Canon mathematicus, dont l’impression durera de 1571 à 1579. Dans cet ouvrage, où sont calculées les valeurs numériques des fonctions circulaires, apparaît le premier emploi systématique des nombres décimaux, que Simon Stevin (1548-1620) vulgarisera peu après, mais indépendamment.
Entre 1584 et 1589, Viète arrête les grandes lignes de son Isagoge in artem analyticam (1591). Fort versé dans la géométrie des Anciens en même temps que dans l’algèbre du xvie s., il s’efforce de retrouver la méthode de recherche, l’analyse des anciens géomètres. C’est ainsi qu’il reconstitue en 1600 le traité des contacts d’Apollonios de Perga (v. 262 - v. 180 av. J.-C.), dont le plus important problème est la recherche d’un cercle tangent à trois cercles donnés.
La découverte des travaux de Diophante (iiie s. apr. J.-C.) est le point de départ de ses conceptions. Viète arrive alors à mettre en évidence l’isomorphisme fondamental entre, d’une part, le domaine de l’algèbre numérique de Diophante, de Jérôme Cardan (1501-1576), de Niccolo Tartaglia (v. 1499-1557), de Raffaele Bombelli (mort peu après 1572) ou de Michael Stifel (1487-1567), et, d’autre part, le domaine de l’analyse géométrique, qui se devine sous les exposés synthétiques d’Euclide, d’Archimède et surtout d’Apollonios de Perga, et dont les écrits de Pappus d’Alexandrie, retrouvés sur ces entrefaites, donnent une idée plus précise.
Pour traduire cet isomorphisme, Viète invente sa « logistique spécieuse », ou art du calcul sur des symboles (espèces), représentant les grandeurs tant géométriques que numériques. Il subdivise l’analyse en trois parties. La zététique consiste à adopter un symbolisme permettant de noter tant les grandeurs inconnues que les connues, à exprimer les liens qui les unissent et à dégager l’équation qui, sous forme abstraite, résume le problème posé. L’analyse poristique étudie, transforme, discute cette équation. Enfin, l’exégétique, ou analyse réthique, revenant au problème concret, résout l’équation, soit par des constructions s’il s’agit de géométrie, soit par des calculs s’il s’agit d’arithmétique.
Les divers écrits de Viète, publiés de 1579 à 1615 (certaines œuvres sont posthumes), ont été rassemblés en 1646 par Frans Van Schooten (1615-1660). Plusieurs avaient été traduits en français aux environs de 1630. Mais, rapidement tombés en désuétude après l’apparition de la Géométrie de Descartes, ils ne présentent plus qu’un intérêt historique.
J. I.