Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vienne (suite)

Le xxe siècle

La troisième grande époque de l’expansion de Vienne fut marquée en 1904 par la traversée du Danube en direction de Floridsdorf. Le passage de la voie ferrée, l’existence d’un pont avaient fait de cette localité la « tête de pont industrielle ». Les projets grandioses d’un canal Danube-Oder formaient l’arrière-plan de la politique d’extension sur la rive gauche. La décennie précédant la Première Guerre mondiale ne suffit pas pour donner aux responsables le temps de réaliser les plans ambitieux. La guerre et le démembrement de l’Empire consécutif à sa défaite laissèrent la rive gauche dans une situation d’inachèvement. Des maisons de rapport de plusieurs étages, implantées aux carrefours, contrastèrent avec l’énormité des surfaces agricoles du Marchfeld.

L’année 1918 marque pour Vienne une coupure beaucoup plus importante que pour les autres capitales européennes. Ancienne métropole d’un empire de plus de 50 millions d’habitants, Vienne ne fut plus, dès lors, que la capitale d’un territoire de 6,5 millions d’habitants. Les bases de l’existence urbaine étaient atteintes dans leur profondeur. D’une position centrale, au sein de l’Empire, la ville se vit repoussée dans une situation périphérique, dans le cadre purement autrichien. En plus, Vienne « la rouge », la socialiste, ne fut pas totalement reconnue par le reste de l’Autriche, plus conservateur. Les problèmes étaient graves, car l’industrie lourde avait été, dans le cadre de l’Empire austro-hongrois, établie en Bohême-Silésie. L’industrie textile viennoise vivait en partie en symbiose avec celle des pays sudètes. La disparition de l’Empire amena celle d’une clientèle de luxe qui avait suscité le développement de nombre d’industries à Vienne.

La chute de la monarchie entraîna une émigration importante. Au moins 340 000 non-Autrichiens, surtout des Tchèques, quittèrent Vienne après 1918. La population tomba de 2 275 000 habitants en 1915 à 1 842 000 en 1919. Le repli sur les territoires purement allemands après 1918 amena une restriction de la zone de recrutement de la population de la ville.

La conception urbanistique changea complètement après 1918. L’administration social-démocrate n’avait plus à affronter le pouvoir impérial. La construction de logements devint le premier problème de la municipalité. C’est uniquement à travers les options socialistes qu’on peut comprendre le développement de Vienne après 1918. La municipalité acheta des terrains afin de limiter la spéculation foncière. De 5 504 ha en 1914, les propriétés foncières municipales passèrent à 6 689 ha en 1926. L’innovation anglaise de cité-jardin fut introduite. Mais on fit appel également à l’idée allemande de coopératives de construction (système Raiffeisen).

L’urbanisme évoluant, on construisit entre les deux guerres des ensembles collectifs comportant des équipements sociaux. Ce fut le type des « Hof », où les jardins intérieurs devaient constituer des aires de calme : Karl-Marx-Hof, Karl-Seitz-Hof et Reumannhof symbolisent l’urbanisme de la Ire République d’Autriche.

La Seconde Guerre mondiale entraîna des destructions importantes. Sur 706 000 logements, 87 000 furent totalement ou partiellement détruits. La reconstruction amena une nouvelle phase dans l’urbanisme viennois.

Entre les deux guerres, la municipalité avait fait construire près de 60 000 logements, ce qui avait amené l’élargissement de la ceinture d’habitations pavillonnaires et des immeubles collectifs. Cette tendance a continué après 1945. À côté de la construction de logements, l’aménagement de « subcentres », avec équipements commerciaux et collectifs, intéresse surtout les zones périphériques, les quartiers du xixe s. ayant souvent leurs rues commerçantes. Le sous-développement commercial était plus aigu sur la rive gauche dans la « Donaustadt » ; mais l’étendue des espaces non bâtis a permis d’y aménager, selon les normes urbanistiques, les équipements nécessaires et souhaitables.

Sur le plan de l’architecture, de l’urbanisme, Vienne est le résultat d’un héritage complexe et de plusieurs idéologies. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre le caractère de chaque quartier.


L’utilisation du sol

Sur un total de 41 409 ha, la surface bâtie n’occupe qu’environ 5 000 ha, soit un peu plus de 12 p. 100. Le centre-ville (Innere Stadt) ne couvre que 288 ha. Tout le reste a été annexé au cours des xviiie-xixe s. et surtout au début du xxe s. Floridsdorf, l’annexe industrielle de rive gauche, couvre à elle seule 4 535 ha. Si l’on fait abstraction de la Donaustadt, composée de huit noyaux anciens (Aspern, Breitenlee, Essling, Hirschstetten, Kagran, Stadlau, Süssenbrunn, Kaisermühlen, soit au total 10 266 ha), Floridsdorf est désormais le quartier le plus étendu.

Les multiples annexions ont laissé subsister d’importantes surfaces agricoles, surtout sur la rive gauche du Danube. Les accidents topographiques à l’ouest, par contre, ont favorisé le maintien de la vigne. Aussi peut-on être étonné de relever les chiffres suivants : labours, 10 800 ha ; prés, 3 000 ha ; jardins, 8 000 ha ; vignes, 600 ha ; pâturages, 7 000 ha ; surface bâtie, 5 000 ha ; divers (rues, places, cours d’eau, etc.), environ 5 000 ha.

Les espaces agricoles jouent un rôle double. Certains constituent une réserve foncière importante ; ils forment de véritables poumons, ou filtres, dans une ville où la pollution n’est pas négligeable. La carte de l’utilisation du sol montre qu’en dehors des quartiers du xixe s. la densité des espaces verts est assez élevée. Surtout, la vallée du Danube, grâce à ses aménagements de rive gauche en vue de l’étalement des crues, est un axe de verdure sur une bonne partie de son cours. Les étendues horticoles et maraîchères sont considérables. Une particularité viennoise est le grand nombre de jardins ouvriers aux abords du fleuve.

L’espace urbain est loin d’être densifié. Des lacunes importantes subsistent. Elles résultent de l’avortement du développement prévu au début du siècle, à la suite du démembrement de l’empire d’Autriche. L’actuelle carte de l’utilisation du sol est donc, phénomène exceptionnel, plus un héritage historique que l’expression du dynamisme urbain.