Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Versailles (suite)

De part et d’autre de la patte d’oie qui forme l’armature principale du tracé urbain, un quadrillage de rues et de places s’étend autour de deux églises : au nord, Notre-Dame, commencée en 1684 par Mansart ; au sud, Saint-Louis (cathédrale depuis 1802), bâtie de 1743 à 1754 par Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne (1703 ou 1709-1776). Outre les édifices publics, la ville ancienne offre de nombreux hôtels, principalement du xviiie s. : ainsi celui de Mme de Pompadour, rue des Réservoirs ; l’hôtel Lambinet, aujourd’hui musée municipal ; celui qu’habita Mme du Barry et qu’occupe aujourd’hui la chambre de commerce. Édifiées par Nicolas Ledoux en 1770, les écuries (auj. caserne de Noailles) de ce dernier hôtel marquent l’avènement du style néo-classique, comme le couvent des Augustines (auj. lycée Hoche), de Mique, avec son élégante chapelle à coupole et portique, ou le pavillon de musique de la comtesse de Provence, de Jean Chalgrin (1784), avec sa décoration intérieure en trompe l’œil.

B. de M.


Le second grand Versailles de Louis XIV

Ayant installé à Versailles son gouvernement, le roi entreprit en 1678 une nouvelle campagne de travaux. Jules Hardouin-Mansart* en eut la charge. Du côté de l’arrivée, il remania les combles et mit en place des statues ; au plan à ressauts de la cour, il apporta une dernière amplification en élevant deux ailes en brique et en pierre, dites « des Ministres », que relie sur le devant la grille d’entrée. Mais il y eut de plus grands travaux du côté des jardins. Sans détruire l’œuvre de Le Vau, Mansart lui imposa une régularité plus classique. La façade occidentale devint rectiligne par la suppression du retrait central. Cette opération permit d’aménager à partir de 1681 la grande galerie, dite « des Glaces » à cause de celles qui font face aux baies. Des marbres polychromes en revêtent les parois, et les compartiments de la voûte, peinte par Le Brun et ses aides, illustrent les grands épisodes de l’histoire du roi. Les salons de la Guerre et de la Paix s’ouvrent aux deux extrémités, occupant les angles de la construction. De part et d’autre, et en retrait du château ainsi transformé, Mansart éleva de 1679 à 1689 deux longues ailes symétriques en retour d’équerre, dites « du Nord » et « du Midi », qui reproduisent l’ordonnance du corps principal tout en lui servant de repoussoir. Au cours de cette période, les jardins furent remaniés sous la direction de Le Nôtre et de Mansart. Le grand parterre de broderies, au pied de la façade principale, fit place à l’ensemble encore plus majestueux du parterre d’Eau, avec ses deux bassins symétriques. En contrebas du parterre du Midi, traité au contraire en broderies, une nouvelle orangerie fut créée par Mansart ; ses immenses galeries voûtées donnent par de larges baies sur un parterre inférieur, qu’encadrent deux grands degrés symétriques et dans l’axe duquel s’allonge la pièce d’eau dite « des Suisses ». Dans l’un des bosquets flanquant le Tapis vert, Mansart éleva enfin la Colonnade, un portique circulaire en marbres polychromes, dont chaque arcade surmonte une vasque.


Le Trianon de Louis XIV

Voulant s’offrir un cadre de délassement non loin du château, Louis XIV avait fait élever par Le Vau dès 1670, près de l’extrémité du bras nord du Grand Canal, au lieu dit Trianon, un pavillon bas recouvert de carreaux en faïence de Delft. Ce charmant « Trianon de porcelaine » était trop fragile. En 1687, le roi décida de le remplacer par une construction plus durable, dont il demanda les plans à Mansart. Ce « Trianon de marbre » ne comporte qu’un rez-de-chaussée à grandes portes-fenêtres cintrées, que couronne une ballustrade. Des pilastres et des colonnes en marbres rose et vert se détachent sur la pierre blonde des murs. Bordée à droite et à gauche par deux ailes, la cour communique avec le jardin par un portique à jour, dont l’heureuse idée revient à Robert de Cotte*. Une succession d’ailes s’articule sur l’édifice en décrivant trois retours d’équerre. L’intérieur marque l’apparition d’un nouveau style, moins solennel et plus gai : les boiseries sont peintes en tons clairs et finement sculptées ; des frises de stuc entourent les plafonds blancs. Remodelé par Le Nôtre et par Mansart, le jardin a pour motif principal la fontaine du Buffet-d’Eau.


Les derniers travaux de Louis XIV

Vers la fin du règne, le chantier capital fut celui de la chapelle. Commencée en 1699 sur les plans de Mansart, achevée en 1710 par R. de Cotte, celle-ci s’élève à la naissance de l’aile du Nord, qui englobe son vestibule à deux étages et qu’elle domine de sa toiture très ornée. La structure est légère autant que majestueuse. À l’intérieur, les bas-côtés s’ouvrent sur la nef par des arcades que portent de larges piles ; ils sont surmontés de hautes tribunes à colonnade corinthienne. Des fenêtres à pénétrations éclairent la voûte, peinte en couleurs soutenues par Antoine Coypel*, qui y a représenté les puissances célestes ; Charles de La Fosse* est l’auteur de la Résurrection du Christ, qui orne en tons plus fondus la conque de l’abside.

Dans l’appartement royal aménagé en 1701 sur la cour de Marbre, Mansart fut l’inspirateur d’un style décoratif confirmant l’évolution amorcée à Trianon. Le plus brillant exemple en est le salon de l’Œil-de-Bœuf, avec ses boiseries blanc et or, son plafond blanc, dont la frise en stuc doré représente des jeux d’enfants.


Louis XV* à Versailles et à Trianon

Le roi et la Cour revinrent en 1722 dans le château, déserté sous la Régence. Aménagé vers 1730 à l’articulation des grands appartements et de l’aile du Nord, le vaste salon d’Hercule garde une solennité traditionnelle avec ses revêtements de marbres polychromes, son plafond, où l’apothéose du demi-dieu, peinte par François Lemoyne*, est cependant d’une légèreté aérienne. Les goûts de Louis XV devaient bientôt lui faire rechercher un cadre de vie plus intime et plus confortable. Au prix de destructions comme celle de l’escalier des Ambassadeurs, l’appartement privé du roi fut aménagé à l’étage noble, sur le côté droit de la cour. Les magnifiques lambris blanc et or de Jacob Verberckt (1764-1771) et de Jules Antoine Rousseau (1710-1782) y marquent le triomphe de la « rocaille ». L’appartement de Mme Adélaïde est à la suite. Au-dessus, il y a des petits appartements et diverses pièces aux boiseries délicatement sculptées et peintes. D’autres appartements, destinés au dauphin, à la dauphine, à Mesdames, à Mme de Pompadour*, prirent place au rez-de-chaussée. Mais le plus bel apport du règne est sans doute l’Opéra, construit de 1748 à 1770 à l’extrémité de l’aile du Nord, sur les plans de Jacques-Ange Gabriel*. La salle, avec ses boiseries peintes en faux marbre ou dorées et sa colonnade supérieure, la scène et le foyer illustrent le retour à un style plus architectural, dont la grâce égale cependant le faste. Gabriel fut bien moins inspiré dans son entreprise, heureusement non parachevée, de rénovation radicale de la cour.