Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

versaillaise (musique) (suite)

La célèbre bande des Vingt-Quatre Violons, qui dépend aussi de la Chambre du roi et disparaîtra en 1761, accompagne les bals et se produit dans des concerts ou à certaines fêtes traditionnelles comme le 25 août, jour de la Saint-Louis. Les « Petits Violons » du roi, particulièrement formés à la technique instrumentale de Lully*, coexisteront longtemps avec eux.

La musique de la Chambre, interprète habituelle des ballets de cour sous Louis XIII, devient, sous Louis XIV, l’institution privilégiée utilisée par Lully pour créer ses tragédies lyriques. Les concerts de musique profane se multiplient aussi à la Cour ; sous Louis XV ont lieu, plusieurs fois par semaine, pour le plaisir de Marie Leszczyńska, les « Concerts de la reine », où l’on entend des fragments d’œuvres dramatiques et des cantates, ainsi que de la musique instrumentale.

Dernier corps de musique important, la musique de l’Écurie réunit notamment différents groupes d’instruments à vent chargés à l’origine de rehausser les cérémonies royales : sacres, processions, entrées de villes, lits de justice. Ceux-ci joignent aussi leurs sonorités à celles de la musique de la Chambre dans des concerts donnés en plein air à Versailles et à Fontainebleau, ou participent, avec la musique de la Chapelle, à l’exécution de motets.

Un édit royal de 1761 modifie cette organisation et, pour des raisons d’économie, rassemble en un seul corps de musique la Chapelle et la Chambre, tout en supprimant la vénalité des charges.

La musique royale assure en outre pendant cette longue période la formation de jeunes musiciens qui s’agrégeront ensuite à elle. Établis à Versailles, les musiciens du roi essaient de conserver leurs charges au sein de leur famille et fondent ainsi de véritables dynasties. Mais Versailles accueille aussi de nombreux musiciens venus de province, et les sous-maîtres de la Chapelle-musique ont souvent fait leurs premières armes dans les maîtrises des cathédrales de province.

Ce corps de musique, nombreux et varié, semble bien adapté aux exigences de la vie de cour et à la création des formes musicales qui lui sont propres.

Lully et Delalande* vont imprimer leur marque à la musique versaillaise. Concentrant en leurs mains, grâce à la faveur du roi, de multiples fonctions, ils représenteront pour leurs successeurs des modèles inégalés, l’un dans le domaine de la musique de théâtre, l’autre dans celui de la musique religieuse. Mais, tandis que la tragédie lyrique, créée en fonction des goûts de la Cour, étend bientôt son audience à la « ville » grâce au monopole conféré à Lully, le grand motet concertant, expression parfaite de l’atmosphère religieuse qui entoure le roi, ne sera popularisé qu’à partir de 1725, au Concert spirituel.

Lully, qui meurt en 1687, ne crée à Versailles que quelques tragédies lyriques : Persée (1682), Phaéton (1683), Roland (1685), dans le cadre de la cour de marbre. Versailles se verra doté, seulement en 1770, d’une vraie salle de spectacles, l’Opéra de J. A. Gabriel. Auparavant, les ballets et les œuvres dramatiques montés lors des fêtes qui marquent les événements dynastiques sont donnés sur des théâtres provisoires en bois construits en plein air ou dans la Grande Écurie, ainsi que dans l’escalier des Ambassadeurs.

Michel Richard Delalande (1657-1726) supplante rapidement les pâles émules de Lully, dont Pascal Collasse. Auteur de musique instrumentale de qualité (Symphonies pour les soupers du roi), d’une vingtaine de ballets et de divertissements, genre qui tend à remplacer la tragédie lyrique dans le goût de la Cour, Delalande donne au grand motet versaillais — tout en conservant les matériaux légués par ses prédécesseurs, Henry Du Mont*, Pierre Robert et Lully — sa forme la plus accomplie. Il témoigne dans les soixante-dix grands motets qu’il a laissés (Miserere, In convertendo, Te Deum, etc.) d’une intime compréhension des textes de l’Écriture ; grâce aux éléments dont il dispose (grand chœur à cinq voix, petit chœur et solistes soutenus par des instruments concertants), il en traduit les nuances par un langage clair, discrètement symbolique.

À la même époque, François Couperin*, organiste de la Chapelle royale, écrit pour celle-ci des motets à voix seule et des Leçons de ténèbres chantées pendant le Carême, d’une richesse mélodique et d’une élévation incomparables.

À la mort de Delalande, ses charges sont partagées, à la Chapelle-musique, entre André Campra* (1660-1744), Nicolas Bernier (1664-1734) et Charles Hubert Gervais (1671-1744) et, à la Chambre, entre André Cardinal Destouches (1669-1749) et François Collin de Blamont (1690-1760).

André Campra publie deux livres de psaumes et cinq livres de motets influencés par l’écriture et le style de la cantate profane.

Ses successeurs, Henri Madin (1698-1748), Esprit Antoine Blanchard (1696-1770) et surtout Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville* (1711-1772), apportent au grand motet une instrumentation plus riche et le nourrissent d’effets dramatiques ou descriptifs ; avec les motets de Mondonville, d’abord diffusés au Concert spirituel, l’esthétique de Paris s’impose à Versailles. Charles Gauzargues (v. 1725-1799), qui remplace Mondonville en 1758, n’exerce ses fonctions que trois ans, puisque la réforme de 1761 supprime les charges de sous-maîtres de la Chapelle-musique.

Dans le domaine de la musique profane, les surintendants de la musique de la Chambre, Destouches et Collin de Blamont — ce dernier, élève de Delalande —, imposent, de 1725 à 1740, leurs œuvres et leur goût, tout en continuant à servir l’œuvre de Lully dans les concerts qu’ils dirigent. Le genre pastoral triomphe dans les opéras-ballets*, les divertissements, les pastorales héroïques à sujet mythologique, qui font une large place à la danse ; traités de façon cursive, ces textes laissent entrevoir leurs dons mélodiques. Leur faveur faiblit quand Rameau* fait une brillante entrée à la Cour en écrivant pour les fêtes du mariage du Dauphin, en 1745, Platée et la comédie-ballet de la Princesse de Navarre.