Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

verrerie (suite)

Exemple de calcul de composition. Soit à réaliser un verre comprenant 72 p. 100 de silice (SiO2), 15 p. 100 de soude (Na2O), 11 p. 100 de chaux (CaO) et 2 p. 100 de magnésie (MgO). On part de sable, de carbonate de sodium et de calcaire supposés purs, et de dolomie, qui apportera la magnésie recherchée, mais dont l’analyse donne MgO : 21,7 p. 100, CaO : 30,4 p. 100 et montre une perte au feu de 47,8 p. 100. L’affinage est assuré par du sulfate de sodium, qui apporte 5 p. 100 de Na2O. Après calcul, le mélange vitrifiable sera ainsi choisi : sable 100, carbonate de sodium 23,73, sulfate de sodium 15,9, calcaire dolomie 4,95. Pour hâter la réduction du sulfate, on ajoutera une partie de charbon broyé.


Fabrication du verre


Le mélange des matières premières

Le mélange vitrifiable est réalisé en vidant des silos spécialisés par matières sur des balances automatiques, un prémélange se réalisant sur une courroie transporteuse qui reçoit les matières pesées. Le mélange est achevé dans de grands tambours tournants et est conduit par bennes ou par courroies jusqu’à l’entrée du four. Autrefois et aujourd’hui encore dans les verreries à la main utilisant des pots, l’enfournement est fait progressivement à la cuiller, en fonction de l’avancement de la fusion. On ajoute presque toujours à la composition ainsi préparée des débris de verre (groisil ou calcin) dans la proportion de 10 à 30 p. 100. En se ramollissant, ce verre s’oppose à la ségrégation des matières dès le début de la fonte. Ce calcin de récupération (casse, découpe, fond de coulée) a été jugé si utile que certaines usines fabriquent leur propre calcin au cours de campagnes spécialisées d’un des fours.


La halle de fusion

Le four de verrerie a surtout évolué lorsqu’on est passé du four à pots au four à cuve. Les pots de réfractaire monolithes dont la capacité pouvait atteindre en glacerie 1 000 litres, étaient entourés par les flammes du four. Ils ont cédé la place, pour les productions de masse, à la cuve de blocs réfractaires maçonnés, dont la capacité peut atteindre plusieurs milliers de tonnes, alors que la quantité de verre fondue journellement peut dépasser 500 t. La fusion proprement dite est une suite de réactions complexes. À partir de 600 °C, il se forme dès la phase solide un carbonate double de sodium et de calcium (CO3)2Na2Ca. À 780 °C, l’eutectique carbonate de sodium-carbonate double fond et réagit sur la silice, alors qu’à 1 010 °C commence l’action directe sur la silice de la chaux provenant de la dissociation de l’excès de carbonate. La fusion est considérée comme achevée à la température de 1 250 °C. On élève ensuite la température jusqu’au-dessus de 1 400 °C pour diminuer la viscosité de la masse de verre fondu et permettre l’élimination rapide des bulles formées au cours des réactions. C’est la phase d’affinage. Les agents affinants, tels que le sulfate de sodium ajouté à la composition, présentent à haute température une courbe abrupte de décomposition qui provoque la formation de grosses bulles entraînant dans leur sillage les bulles plus fines. Ces grosses bulles ont, en outre, l’avantage de brasser les différentes couches de verre et de les homogénéiser. Ce brassage peut être obtenu par des moyens extérieurs à la composition. On introduisait autrefois des matières organiques humides — bois vert, betteraves — dans le bain (maclage) ; l’opération moderne se fait en utilisant une crépine dans la sole, par laquelle on insuffle des gaz (bouillonneurs). Le brassage peut résulter du déplacement mécanique d’une palette réfractaire appelée guinand. Le guinandage se poursuit dans les pots de verre d’optique pendant une partie de la phase suivante, appelée la braise. La braise est le refroidissement progressif du bain pour amener le verre à une viscosité suffisante afin qu’il puisse être cueilli ou façonné (formage). Elle doit être conduite d’une manière suffisamment prompte pour que la dévitrification ne se produise pas et pas trop rapide pour que l’homogénéité du bain ne soit pas altérée. Dans les fours à pots, les trois opérations de fusion, d’affinage et de braise se succèdent dans le temps. Les fontes sont donc périodiques et s’étalent ordinairement sur une journée. Dans les fours continus à cuve, ces trois phases se retrouvent dans l’espace et en fonction de la courbe de température qu’on établit longitudinalement dans le four par la disposition des brûleurs, d’écrans ou de barrages.

Dans les halles de fusion modernes où l’on trouve les améliorations techniques les plus importantes, la conduite des fours est automatique, et le bureau de pyrométrie est devenu le cerveau électronique des opérations.


Le formage

Les premières mises en forme d’objets de verre retrouvés lors de fouilles archéologiques semblent établir un lien avec les glaçures apposées sur un corps de poterie. La poterie, roulée dans une poudre susceptible de vitrifier par fusion, a dû conduire à plonger un noyau friable dans un bain de matière vitrifiée, noyau qui était ensuite éliminé. Une autre technique consistait à enrouler à spires jointives une corde de verre mou, à en provoquer la refusion et à éliminer de même le support. Ces vases, de petites dimensions, avaient été précédés de perles façonnées à la pince ou estampées (perle du cartouche d’Amenhotep, l’architecte d’Aménophis III [de 1425 à 1380 av. J.-C.]). Les verres, jusqu’alors plus ou moins opaques et colorés, apparaissent clairs au début de l’ère chrétienne, en même temps que naît, probablement en Phénicie, la technique du soufflage. Le prélèvement du verre fondu à la canne, le soufflage et le travail en forme de l’ébauche creuse soufflée en l’air ou moulée dans un moule de bois ont permis la magnifique floraison de la verrerie artistique ou utilitaire gallo-romaine.

L’aptitude du verre, dans un certain domaine de viscosité, à se prêter à de multiples modes de travail a donné naissance au verre soufflé, pressé, coulé sur table et roulé ou bien laminé en continu, étiré en fibres, etc. Le verre plat, utilisé anciennement pour le vitrage commun, était obtenu par une technique dérivée directement du soufflage des corps creux. Par la force centrifuge développée dans une rotation rapide d’un vase large fixé au pontil, le verre mou s’épanouissait en un plateau dans lequel on pouvait découper des carreaux plats ; le carreau central, ayant gardé la trace du pontil, est recherché aujourd’hui pour son archaïsme dans certaines fenêtres anciennes. Puis on sut obtenir un manchon soufflé à la canne d’une manière telle qu’il présentait une large portion cylindrique. Après décalotage (le débouchage) des deux extrémités, le cylindre ouvert était refendu (cappage) et placé dans une arche, où il se déformait en s’étalant sur la sole plane de l’étenderie. Les premières tentatives de mécanisation se sont bornées, en les amplifiant, à reproduire les étapes du travail à la main. En 1902, J. H. Lubbers étira un manchon verticalement, à l’aide d’un palan, à partir d’une poche remplie de verre fondu. Le diamètre du cylindre ainsi obtenu atteignait 0,80 m, et sa hauteur de 10 à 12 m. Pour éviter la rétraction, qui fut la pierre d’achoppement de maint verrier songeant à faire du verre plat par étirage d’une lame plane, une légère pression était maintenue dans le cylindre. Le reste de la fabrication était, à l’échelle près, ce qui a été dit plus haut : cappage, refente et étendage, les deux dernières opérations étant exercées, pour des raisons d’encombrement, sur des segments du cylindre (nochères). En 1914, Émile Fourcault (1862-1919) met au point le procédé qui porte son nom, puis apparaissent en 1917 le procédé dit Libbey-Owens, élaboré par I. W. Colburn, et en 1921 le procédé Pittsburgh. Ces trois procédés sont tous caractérisés par un étirage vertical, la rétraction de la feuille étant évitée par divers organes. Le couloir vertical de recuisson serait nécessairement court ; Libbey-Owens a palié cette difficulté en repliant la feuille pour permettre la recuisson en étenderie horizontale. Le procédé de la glace flottée, perfectionné par un étirage horizontal sur un support constitué par un bain de métal fondu, ce qui permet d’obtenir du verre mince, peut se substituer aux procédés d’étirage du verre à vitre.