Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Verdi (Giuseppe)

Compositeur italien (Roncole, près de Busseto, 1813 - Milan 1901).



Les débuts

Fils d’un aubergiste, Giuseppe Fortunio Francesco Verdi montre très jeune des dispositions pour la musique et en apprend les rudiments avec l’organiste de sa paroisse. Son père l’envoie ensuite à Busseto, où un commerçant, Antonio Barezzi, musicien amateur et mécène, le prend sous sa protection. Verdi travaille avec deux maîtres : le chanoine Pietro Saletti se charge de son instruction générale (1825-1829), et Ferdinando Provesi, maître de chapelle, organiste de la cathédrale et chef de la Société philarmonique, fondée par Barezzi, lui enseigne l’harmonie et l’aide matériellement. Artiste sensible, il découvre les dons exceptionnels du jeune homme et l’oriente vers la carrière musicale. Verdi dépasse bientôt son maître. Dès 1828, il s’exerce à transcrire des œuvres pour l’harmonie municipale et compose une cantate, puis une Sinfonia, qui est jouée à Busseto. En 1831, il vient habiter chez Barezzi et s’éprend de sa fille Margherita, que, sans situation stable, il ne peut encore épouser. Il obtient alors du « mont-de-piété et d’abondance » de Busseto une bourse d’études et se rend à Milan, où il se présente à la classe de piano du conservatoire, la seule accessible aux étrangers. Il vient, en effet, du duché de Parme, ancien département du Taro, gouverné depuis le congrès de Vienne (1815) par Marie-Louise d’Autriche. Il étudie alors le contrepoint et la fugue avec Vincenzo Lavigna (1776-1836), élève de Giovanni Paisiello (1740-1816). L’enseignement très théorique qu’il reçoit n’aura aucune influence sur son métier. Il pense déjà au théâtre et avouera plus tard qu’il a appris seul l’instrumentation et la manière de traiter la musique dramatique. En 1833, il brigue en vain la succession de Provesi qui vient de mourir, et il doit attendre février 1836 pour obtenir la direction de la musique municipale de Busseto. Le 4 mai de la même année, il épouse Margherita dont il aura deux enfants, une fille et un fils.

En 1839, il prend nettement conscience de sa vocation théâtrale, démissionne de son poste et s’installe à Milan avec sa jeune femme. Grâce à l’imprésario de la Scala, Bartolomeo Merelli (1794-1879), grâce aussi à la maîtresse de celui-ci, la cantatrice débutante Giuseppina Strepponi (1815-1897), il obtient rapidement un premier succès avec son opéra Oberto conte di San Bonifacio (1839) ; mais, l’année suivante, son opéra-bouffe Un giorno di regno ossia Il Finto Stanislao (1840) subit un échec total. Cette dernière œuvre, qui n’eut qu’une seule représentation, avait été écrite dans des circonstances douloureuses. Verdi venait de perdre son fils (1839), puis sa femme (juin 1840) et songeait à renoncer au théâtre. Mais bientôt Merelli lui propose un livret de Témistocle Solera (1815-1878), Nabucodonosor. Alors qu’il commence à s’intéresser au Risorgimento, Verdi est frappé par la similitude des situations — la lutte des Juifs contre les Chaldéens lui rappelle la condition politique de sa patrie — et il se met au travail. Après la première représentation de Nabucco (1842), il est célèbre du jour au lendemain ; il devient une sorte de drapeau qui symbolise la résistance à l’esclavage et l’espoir de réaliser l’unité italienne.


Les « années de galère »

Convaincu qu’il a maintenant trouvé son style, — son opéra suivant, I Lombardi alla prima Crociata (1843), après avoir été menacé de censure par la police autrichienne, est encore accueilli plus chaleureusement —, Verdi songe à mettre en valeur sa gloire naissante. Avec une volonté inébranlable, il s’impose un travail acharné, partageant son temps entre la composition et l’exploitation de son répertoire. Il fait représenter Ernani (1844) et Attila (1846) à Venise, I Due Foscari (1844) et La Battaglia di Legnano (1849) à Rome, Giovanna d’Arco (1845) à Milan, Alzira (1845) à Naples, Macbeth (1847) à Florence et Il Corsaro (1848) à Trieste. Durant ces années épuisantes, qualifiées plus tard par lui d’« anni di galera » (1844-1849), il conquiert aussi l’étranger. Il fait jouer à Londres Ernani (1844), puis I Masnadieri (les Brigands, 1847), dont c’est la création, et à Paris Jérusalem (1847), version remaniée d’I Lombardi alla prima Crociata. Lors de son séjour à Paris, il retrouve Giuseppina Strepponi, qui avait contribué au lancement de ses premiers opéras, et s’y attache au point de ne la plus quitter. En 1849, il s’installe avec elle dans sa propriété de Sant’Agata, non loin de Busseto, où il va mener de front sa carrière de compositeur et la vie d’un gentilhomme campagnard. Dans un calme relatif, car la population de la région critique sa vie irrégulière, il réfléchit sur son métier, découvre de nouveaux horizons et tente de se mettre en accord avec son temps. Après les bouleversements de 1848 et la défaite de Novare (mars 1849), qui a provoqué l’abdication de Charles-Albert en faveur de son fils Victor-Emmanuel II, la paix avec l’Autriche ramène une période d’apaisement. Tandis que La Battaglia di Legnano (1849), en évoquant le triomphe de la Ligue lombarde sur Frédéric Barberousse, était encore animée de l’esprit révolutionnaire, le nouvel opéra Luisa Miller (1849) annonce une conception plus évoluée du drame lyrique, à la fois plus sereine et plus idyllique.


Trois grandes œuvres

Après l’échec de Stiffelio (1850) s’ouvre une époque fastueuse où naissent trois grandes œuvres, qui seront les plus populaires, Rigoletto (1851), Il Trovatore (1853) et La Traviata (1853). Rigoletto, dont le livret s’inspire du Roi s’amuse de Victor Hugo, est le premier opéra romantique de Verdi ; il présente une grande unité en dépit du mélange des genres, et sa musique traduit maintenant sans peine tous les sentiments, du rire aux larmes. Il Trovatore, de climat mélancolique, est, par ses personnages, ses situations et ses coups de théâtre, de la même veine ; mais, pour mieux satisfaire aux exigences du drame, Verdi y fait un usage plus intense du bel canto. Il impose à ses interprètes des effets inédits, qui réclament des voix plus étendues et d’une puissance accrue, au point de s’entendre reprocher d’avoir trahi la tradition mélodique italienne. La Traviata, dont le sujet était tiré d’une pièce contemporaine, la Dame aux camélias (févr. 1852) d’Alexandre Dumas fils, non sans en accentuer les tendances sociales et passionnées, met en scène des personnages de la vie quotidienne, qui chantaient en costumes du temps. Lors de la première, l’audace du livret et surtout une mauvaise distribution — l’héroïne, phtisique, avait une corpulence ridicule — provoquent la chute de l’ouvrage.