Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Venezuela (suite)

En effet, le premier pôle demeure Caracas et la région centrale, animée par la présence de la capitale. C’est un secteur montagneux au relief accidenté où alternent les chaînons et les fossés d’effondrement étroits. Le climat est en général chaud et relativement sec. La région est avant tout marquée par l’importance de la capitale et par les activités industrielles qui se sont concentrées autour de la métropole ou dans un certain nombre de villes qui peuvent être considérées maintenant comme ses satellites. Cette urbanisation de la région représente un important marché qui a permis le développement de l’agriculture, particulièrement sur les meilleures terres qui pouvaient être irriguées. D’une façon générale, et malgré les efforts récents de régionalisation des services d’aménagement du territoire, l’ensemble de l’espace vénézuélien est dominé par le poids de la métropole nationale et la polarisation générale vers la capitale. L’espace se divise encore en fonction des conditions naturelles et des modalités économiques et humaines de la mise en valeur de ses potentialités. L’exploitation du pétrole et celle du minerai de fer constituent deux éléments moteurs des dynamismes régionaux ; l’agriculture de plantation apparaît au contraire comme un facteur de relative stagnation dans les espaces dépourvus d’autres éléments de dynamisme économique.

M. R.


L’histoire

Pays neuf, pays vaste, prodigieusement riche en pétrole et en fer, le Venezuela pose aujourd’hui à ses habitants les problèmes du développement équilibré, de l’indépendance nationale et de la démocratie. Avec le Mexique et la Colombie, il est un des rares pays latino-américains à échapper au régime militaire. Paradoxe si l’on sait que peu de pays ont engendré autant d’hommes de guerre et vécu aussi longtemps sous leur dictature : Bolivar, Páez, Guzmán Blanco, Cipriano Castro, Gómez, Pérez Jiménez...


Le Venezuela du chocolat (xviiie s.)

Le Venezuela colonial (v. Empire colonial espagnol), placé en 1718 dans la mouvance administrative du vice-royaume de Nouvelle-Grenade, juxtapose deux régions : la côte, qui exporte le cacao produit sur de grands domaines par les esclaves noirs, et les plaines orientales (llanos), zone d’élevage extensif qui exporte ses cuirs. Les grands propriétaires ont ainsi formé une aristocratie créole, riche et puissante, capable d’arracher aux commerçants européens le monopole d’achat et de vente du cacao. Les marquis du chocolat, les « Mantouans » de Caracas, dominent la vie économique et sont assez riches pour mener à Madrid le grand train de vie des cousins mexicains, les marquis de l’argent. L’Espagnol rit sous cape du parvenu, qu’il envie. La richesse de cette classe explique sa participation précoce aux luttes pour l’indépendance.


Le Venezuela des « libérateurs » (1810-1830)

Le premier des « libérateurs » est un Vénézuélien : Francisco Miranda (1750-1816) complote déjà pour l’indépendance alors que Bolívar n’est pas encore né. En exil en Europe, Miranda participe à la Révolution française. En 1811, il prend la direction de la première République du Venezuela, mais se heurte à la résistance des oligarques créoles, inquiets de le voir radicaliser le mouvement. L’indépendance, proclamée le 5 juillet 1811, est de brève durée, car la rébellion des esclaves sur les plantations rejette les propriétaires aux côtés de l’armée espagnole ; Miranda capitule à La Victoria (juill. 1812). Livré à l’Espagne, il passe le reste de sa vie en captivité. Le champ est libre pour son infidèle lieutenant, Simón Bolívar*.

De 1813 à 1824, Bolívar poursuit la lutte, contre vents et marées, au Venezuela et de Quito à Lima, de Bogotá à Potosí. Ses campagnes sont napoléoniennes ; il est entouré d’une pléiade de brillants généraux, dont Antonio José Sucre (1795-1830) est le plus remarquable. Mais, avant de ruiner l’Empire espagnol, Bolívar connaît l’amertume de la défaite : la deuxième République du Venezuela tombe en juillet 1814 sous les coups de José Tomás Boves (1783-1814) et de ses cavaliers des llanos ; la victoire royaliste s’explique par la méfiance des masses populaires pour les aristocrates, qui confondent l’indépendance avec leurs intérêts de classe. Bolívar ne peut l’emporter que lorsqu’il accepte, à contrecœur, l’affranchissement des esclaves et la guerre sociale. Alors, José Antonio Páez (1790-1883), le successeur de Boves, lui apporte l’appui des cavaliers llaneros et la victoire.

Le Venezuela cesse d’être la forteresse de la cause royaliste et devient la base à partir de laquelle Bolívar entreprend la conquête du continent. Fournissant les généraux, les armées et l’argent, il permet à Bolívar de l’emporter sur le grand capitaine venu du sud, l’Argentin San Martín*. Il lui permet aussi d’organiser le nord du continent, devenu indépendant, en une confédération de la Grande-Colombie (1821-22) [v. Amérique latine]. L’échec final est connu : « J’ai labouré la mer... » La puissance des intérêts locaux, servie par les ambitions des généraux, explique la désintégration rapide de la Grande-Colombie. Partout, les maréchaux d’Empire, les « janissaires », comme on appelle les généraux vénézuéliens, se rebellent contre Bolívar et prennent la tête des nouveaux États. En 1830, Bolívar meurt désespéré, promettant à son pays la domination « des tyranneaux sans scrupule et sans envergure ».


Le Venezuela de Páez (1830-1863)

Homme venu des llanos, ancien contremaître devenu grand propriétaire, le chef des centaures qui ont gagné tant de batailles traite le pays comme son bien. José Antonio Páez inaugure ainsi une tradition qui ne s’est pas perdue. Fort de l’appui de ses vétérans, à qui il a distribué des terres, il arbitre durant trente années la vie politique.

Ruiné par quinze années d’une guerre féroce, le Venezuela passe sous la coupe des militaires, métis descendus des Andes et mulâtres de la côte. Sous leur égide, la reconstruction reproduit le schéma colonial d’une économie fondée sur les plantations de café, de sucre et de cacao, travaillant pour l’exportation, très sensible à l’évolution des prix mondiaux. L’ancienne aristocratie accepte cet ordre qui lui permet de faire une nouvelle fortune, jusqu’au jour où elle se lasse d’être exclue du pouvoir politique. Elle incarne alors l’opposition libérale, en compagnie des grands commerçants de Caracas. À la campagne, les mécontents se recrutent chez les victimes du système : petits propriétaires et travailleurs qui rendent les commerçants responsables de tous leurs maux.