Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vendée (guerre de) (suite)

Mais les coups qu’elle porte à la République se joignent à ceux des autres contre-révolutionnaires, fédéralistes de Normandie, insurgés de Lyon, de Marseille et de Toulon ; les uns et les autres, en distrayant des troupes, aident puissamment les armées étrangères qui pénètrent de nouveau en France et menacent Paris. Pour vaincre les aristocrates et les « brigands » de l’intérieur, les sans-culottes exigent et obtiennent que la Terreur soit mise à l’ordre du jour. Le 1er août, sur le rapport de Barère, la Convention décide que, en Vendée, « les forêts seront abattues, les repaires des bandits seront détruits, les récoltes seront coupées pour être portées sur les derrières de l’armée, et les bestiaux seront conduits dans l’intérieur ».

Cette Terreur allait être appliquée à l’hiver de 1793, après la défaite de Cholet. La « grande armée » catholique et royale est forte de l’incapacité et du tiraillement d’autorité entre les chefs républicains, mais elle-même est faible par le manque d’unité de son commandement. Ayant rencontré les « Bleus » à Cholet le 17 octobre 1793, ses troupes, fortes de 40 000 hommes, sont tenues en échec par celles de Marceau et de Kléber, ce dernier disposant de l’armée de Mayence, envoyée dans l’Ouest après la capitulation de cette ville. La Rochejaquelein, après la bataille, passe la Loire et entraîne plusieurs dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants vers Granville, espérant y faire jonction avec des Anglais et des émigrés dont on attend le débarquement. Le 13 novembre, son armée ne réussit pas à prendre la ville, et les secours attendus ne viennent pas. Les « vendéens » refluent alors vers Angers, atteinte le 3 décembre. Faute de pouvoir s’emparer de la ville, ils remontent vers Le Mans. Là, ils sont taillés en pièce le 13 et le 14 par Marceau et Kléber. Les débris de la troupe iront se faire tuer à Savenay le 23 décembre. Déjà, la répression massive s’abat sur le pays. Carrier, avec l’approbation de la bourgeoisie nantaise, charge dans des bateaux à soupape des royalistes mais aussi des fédéralistes et des accapareurs et les fait noyer dans la Loire. Le général Turreau organise des « colonnes infernales » qui ravagent le bocage.

La guerre de Vendée se transforme en chouannerie, qui déborde largement le département ; guerre de partisans, elle est donc plus étendue et plus durable. Contre elle, le gouvernement républicain utilise tour à tour une politique de concessions et de répressions. Concessions, ce sont celles qui sont faites par Hoche et le gouvernement thermidorien du 17 février au 2 mai 1795 par les accords conclus à La Jaunaye, à La Mabilais et à Saint-Florent. Les insurgés conservent leurs armes et leurs prêtres réfractaires. Puis, après la tentative de débarquement des Anglais et des émigrés à Quiberon (27 juin 1795), c’est de nouveau la répression en Bretagne et en Vendée : Stofflet, pris, est fusillé le 25 février 1796 à Angers ; Charette, le 29 mars, à Nantes. Cadoudal les remplace à la tête de l’armée catholique et royale, mais ne parvient plus que très rarement à faire des actions d’envergure. Pourtant, le pays restera zone d’insécurité pendant tout le Directoire, et des commissions militaires siégeront jusqu’au Consulat.

La politique religieuse de Bonaparte, l’ouverture du pays par de grandes voies rayonnant à partir de Napoléon-Vendée (La Roche-sur-Yon), une dissociation habile entreprise par le gouvernement entre les chefs et les chouans « égarés » faciliteront le retour au calme relatif. Les autorités départementales affirmeront en 1804 que « la soumission de la Vendée est réelle ; dans toutes les communes qui ont été le théâtre de la guerre civile avant le Consulat les habitants expriment le désir de conserver la tranquillité que le gouvernement actuel leur procure ». Une vieille solidarité jouera encore en faveur des anciens chefs pourchassés ou en mal de complot ; on leur donnera asile, on les suivra de moins en moins. D’ailleurs, la plupart des chefs de bande se font prendre, ainsi Joret le Fils, arrêté en 1803 et exécuté à Bressuire ; Derouel le Tailleur, qui sévissait dans la même région, est pris à son tour et condamné à mort.

« Pour Dieu et pour le roi ! » La révolte populaire tournée contre la bourgeoisie révolutionnaire a été ensuite utilisée par elle, lorsque, unie aux nobles, elle a établi « la république des notables ». Quel est le descendant des « Blancs » qui, en Vendée, n’a pas vu un jour son père ou son grand-père lui montrer, avec le Sacré Cœur surmonté d’une croix, le fusil de l’ancêtre pieusement conservé ? Qui, dans le bocage, n’a pas grandi avec, dans la mémoire, la leçon apprise et répétée de la guerre devenue légendaire ? Mais qui n’a pas entendu aussi le notable de la paroisse dire sur le mausolée des « martyrs » devenu une tribune politique que le combat contre les « partageux » et les déchristianisateurs commencé en 1793 se poursuivait encore ? En Vendée, peu touchée par l’industrialisation, qui commence seulement de nos jours, l’idéologie conservatrice, en intégrant l’épopée des chouans, s’est longtemps maintenue.

J.-P. B.

➙ Chouans (les) / Convention nationale / Église constitutionnelle / Révolution française / Terreur.

 L. Dubreuil, Histoire des insurrections de l’Ouest (Rieder, 1930-31 ; 2 vol.). / G. Walter, la Guerre de Vendée (Plon, 1953). / P. Roussel, Croisades vendéennes, 1793-1796 (les Quatre Fils Aymon, 1959). / A. Montagnon, la Guerre de Vendée, une guerre subversive (la Colombe, 1960) ; les Guerres de Vendée, 1793-1832 (Perrin, 1974). / G. Bordonove, la Guerre de Vendée (Julliard, 1964) ; la Vie quotidienne en Vendée pendant la Révolution (Hachette, 1974). / M. Faucheux, l’Insurrection vendéenne de 1793. Aspects économiques et sociaux (Bibl. nationale, 1965). / M. Lidove, les Vendéens de 93 (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1971).