Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

Le retour rapide à la forêt

En Europe occidentale tempérée, les transformations rapides de la végétation qui conduisent d’une culture abandonnée à une hêtraie ou à une chênaie comportent plusieurs stades, de plus en plus élevés. Dans l’exemple ci-dessous, on pourra en distinguer six.

• La basse friche à adventices. Malgré les façons culturales multipliées, les sarclages, l’utilisation des désherbants sélectifs, les plantes cultivées, que ce soit en grande culture ou en jardinage, sont toujours accompagnées de plantes réputées indésirables (appelées encore mauvaises herbes, ou adventices), dont la grande majorité est annuelle et se sème facilement (Fumeterre, Lamier rose, Mercuriale annuelle, Ortie annuelle, Renouée...). Ces plantes, nitrophiles, très sensibles aux fumures, se développent rapidement après l’exportation de la dernière culture et l’abandon du champ, et le désherbage ou le déchaumage mécanique ne les suppriment que très momentanément. Elles constituent le stade pionnier de la série.

• La haute friche. Dès la deuxième ou la troisième année, d’autres plantes apparaissent, des grandes herbacées d’abord : la Grande Ciguë, le Lamier blanc, les Grands Rumex, l’Ortie vivace, la Ballota, la Bardane... ; elles sont accompagnées de lianes (Convolvulus sepium, Bryonia dioica). Aux annuelles, alors, se mêlent des vivaces. Dès cette deuxième étape, on perçoit deux types de différences selon que la terre est sèche ou humide et selon le pH des horizons superficiels.

• La fruticée. Cette haute friche est rapidement envahie par des végétaux ligneux. Des arbrisseaux arrivent d’abord et constituent rapidement des buissons (Prunellier, Aubépine, Sureau noir, Troène...). Lorsque ces sous-ligneux dominent, ils constituent la friche « armée ». Le plus souvent, presque en même temps, les premiers arbres du stade forestier apparaissent : le Sycomore, l’Orme champêtre, auxquels peuvent se mêler, selon le cas, des Bouleaux, des Pins sylvestres, des arbres fruitiers repoussés de graines dispersées par les Oiseaux.

• La jeune forêt. Dix ou quinze ans plus tard, une strate bas-arborescente s’est développée, à peu près continue. Aux arbres précédents se mêlent le Frêne, le Chêne pédoncule, le Robinier, quelquefois même des Hêtres, un ou deux Merisiers... En sous-étage, on retrouve deux strates : la strate buissonnante précédente, à laquelle commencent à se mêler des lianes (Liseron, Douce-Amère, Houblon et surtout Clématite) ; la strate herbacée, toujours riche, mais où les annuelles de la basse friche originelle commencent à être remplacées par les herbacées préforestières telles que le Gratteron, l’Herbe à Robert, la Lapsana, l’Anthriscus...

• La première forêt : l’ormaie rudérale. Le développement du stade précédent avec une composition floristique très semblable conduit à une formation forestière élevée et fermée d’une vingtaine de mètres de hauteur. Cette forêt anthropique est très répandue en France autour des villages ou des villes.

• Les forêts transitoires et les forêts climaciques. À ce stade, le rythme de l’évolution se ralentit considérablement. Sur sol humide et riche par exemple, une longue évolution conduit à la chênaie-charmaie, laquelle peut évoluer vers une chênaie mêlée ; sur sol plus sec et assez riche en calcaire actif, on passe à une chênaie-frênaie évoluant à son tour lentement vers une hêtraie calcicole.

Ce premier exemple nous a montré un retour total à la forêt-climax. Le suivant nous montre au contraire des stades où l’évolution est fortement ralentie et, à l’échelle humaine, comme bloquée.


Le retour à une mosaïque forestière

Le cas est fréquent dans la région méditerranéenne. L’évolution comporte quatre ou cinq stades selon que l’on aboutit à une forêt ou qu’un blocage s’exerce au stade précédent.

Au terrain nu abandonné par la culture succède une formation herbacée à Brachypodium ramosum qui est une pelouse.

À cette pelouse succède, plus ou moins rapidement, un tomillare où apparaissent les premières espèces ligneuses ou sous-ligneuses (thyms, lavandes, etc.).

Puis un stade buissonnant s’installe, constitué d’arbrisseaux plus grands mais non jointifs. C’est la garrigue, qui comporte sur terrains calcaires des Genêts, des Cistes, des Romarins, auxquels se mêlent de petits arbres comme le Chêne kermès.

Au stade suivant, cette formation grandit, se ferme, et la garrigue passe au maquis, en même temps que de nouvelles espèces apparaissent dans la strate arbustive (Rhamnus alaternus, Phillyrea).

À la même hauteur que les végétaux précédents existent des Chênes verts plus ou moins nombreux qui peuvent continuer de grandir lentement. On s’achemine dans ce cas vers la forêt de Chênes verts.

Ce dernier stade n’est toutefois que rarement réalisé, pour plusieurs raisons : la croissance est lente, les incendies sont nombreux et, d’autre part, les sols favorables sont discontinus. Trop souvent, la roche pointe entre des lambeaux de sols squelettiques. Dans ce cas, l’évolution est comme bloquée aux deux derniers stades précédents : maquis ou garrigue. Ces stades peuvent aussi être juxtaposés dans le paysage, ourlant irrégulièrement des boqueteaux de chênaie verte ; l’ensemble se présente comme une mosaïque forestière.


La lande paraclimacique ou l’impossible retour à la forêt antérieure

En Europe occidentale, sur terrains siliceux et filtrants, la destruction de la forêt et l’abandon des terres qui avaient été gagnées sur elle ont déterminé l’extension considérable de la lande atlantique, formation climacique de la bordure océanique du continent. On qualifie ces landes de « landes de substitution ».

La lande est une formation basse comprenant peu ou pas d’arbres et constituée de plantes ligneuses basses, chaméphytes ou nanophanérophytes, sempervirentes pour la plupart. Ce sont des plantes peu exigeantes, pouvant coloniser des substrats très pauvres, mais qui, corollairement, par leurs litières très pauvres, exercent une action néfaste sur le sol et accélèrent, sinon provoquent, la podzolisation. Aussi un certain équilibre s’installe-t-il entre cette végétation de sous-ligneux et les sols qui la portent, empêchant le retour à la chênaie acidiphile.

On appelle paraclimax le résultat d’une telle évolution. Cette déviation peut être de surcroît renforcée de deux manières.

Dans les régions très humides et à pente faible, la disparition des arbres a relevé le plan d’eau, et les racines profondes des arbres revenants ne peuvent plus se développer en profondeur dans un milieu trop asphyxique : ces arbres meurent alors ou sont nanifiés.

Dans d’autres cas, la propagation naturelle ou les plantations par l’homme de Conifères acidifiant comme le Pin sylvestre reconstituent bien une forêt, mais qui est toutefois aussi éloignée, au plan de l’évolution, de la chênaie primitive que la lande elle-même.